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sins se dispersent en abandonnant leurs victimes sur la route. Cette scène d'horreur est enfin apprise à Rastadt. On frémit, on voudrait douter, on vole au secours de toutes les personnes de la légation. Le lendemain, Jean Debry, qui, pendant le tumulte de cette horrible scène, avait pu se traîner jusqu'à un bois, et qui y avait passé la nuit, arrive à Rastadt tout couvert de blessures, et se présente chez le ministre prussien comte de Goërtz.

Vingt-sept ans se sont écoulés depuis cet horrible attentat, et le temps n'a pu ni dévoiler ceux qui le commandèrent, ni même fournir un indice plausible pour déterminer les soupçons. Le procès-verbal des ministres plénipotentiaires rassemblés à Rastadt, et parmi lesquels on ne trouve que des noms dignes d'une haute estime, tels que le comte de Goërtz et le baron de Jacobi, est la seule relation impartiale et authentique que l'on puisse consulter, et cependant on n'y trouve aucun renseignement certain. D'après ce procès-verbal, le colonel Barbatzi est chargé de torts évidens; mais en le supposant coupable, de qui pouvait-il être l'instrument? c'est ce qu'il est impossible de comprendre.

Ce colonel, après avoir donné l'ordre d'un départ précipité et nocturne, refusa une escorte aux ministres français d'un ton assez semblable à l'ironie, et c'étaient des hussards de son régiment, ou du moins des hommes habillés comme eux, qui avaient commis le crime; sa justification a été tardive et paraît embarrassée. Un des plus éclatans témoigna-ges qui aient été rendus aux vertus de l'empereur François п, et à l'âme noble et pure de l'archiduc Charles, c'est que pas une voix, même en France, ne s'éleva pour les soupçonner. On affecta d'accuser l'Angleterre d'avoir voulu, par un tel attentat, rendre irréconciliables les haines de l'Autriche et de la France, et d'avoir voulu, par ce moyen, prévenir le retour d'une paix séparée, telle que celle de Campo-Formio. L'âme de M. Pitt était-elle capable d'une combinaison si atroce? le grand nom qu'il a laissé ne permet pas de s'arrêter à une telle imputation. Bientôt l'Angleterre usa de représailles contre le Directoire de France; il parut plusieurs relations dans lesquelles on entreprit de prouver que le gouvernement français avait fait assassiner ses propres mandataires, soit parce qu'il les avait trouvés peu dociles à ses or

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dres, soit parce qu'il lui importait, au commencement d'une guerre nouvelle, de donner la plus grande énergie au sentiment national. Dans ces relations on relevait plusieurs invraisemblances du récit fait par Jean Debry, le seul des ministres français qui eût survécu à l'assassinat, quoiqu'il eût été frappé - des premiers coups; c'était lui qu'on accusait d'avoir, par les ordres du Directoire, tramé tout ce complot, et d'avoir fait déguiser des soldais français en hussards de Szecklers. Le procès-verbal des ministres plénipotentiaires, dont j'ai déjà parlé, me paraît une réfutation évidente d'une accusation si invraisemblable. Où était la possibilité de l'exécution? il fallait donc que le Directoire eût pour complices des officiers autrichiens; qu'il dictât l'ordre du colonel Barbatzi et le refus de donner une escorte aux ministres français. Il eût été impossible de trouver vingt ou trente soldats français qui eussent consenti à se rendre les instrumens d'un tel crime. Était-il d'ailleurs si facile de leur faire passer le Rhin, et de les faire avancer sur une route occupée par les forces autrichiennes, et sévèrement gardée. Le procès-verbal dit formellement que les hussards

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de Szecklers s'étaient portés sur cette route;
n'auraient-ils pas, dans la nuit, demandé le
mot d'ordre à des soldats français qui au-
raient osé se revêtir de leur uniforme? Tout
aurait décelé les auteurs du crime après son
exécution. Les Autrichiens, maîtres du pays,
auraient trouvé partout des indices, des té-
moins du passage, de la marche et du retour
de ces assassins étrangers; les recherches n'au-
raient
pu
être trop actives, et l'on ne con-
çoit pas qu'elles eussent pu rester sans résul-
tat. L'enquête fut nulle ou insignifiante,
personne ne fut puni. Le Directoire s'empara
d'un événement si atroce et si inexplicable,
et ce fut peut-être par l'excès même des me-
sures qu'il prit pour enflammer la haine na-
tionale, qu'il prolongea les soupçons dont je
viens de démontrer l'injustice. "Voici quelle
fut l'une de ces mesures : Bonnier et Rober-
jot étaient l'un et l'autre membres du Con-
seil des Cinq-Cents; on voulut que leur nom
fût répété à chacun des appels nominaux, et
que l'Assemblée tout entière proférât chaque
fois des imprécations contre l'Angleterre ac-
cusée d'un tel crime. *

* Bonaparte, dans ses Mémoires de Sainte-Hélène, semble négliger à dessein de combattre l'accusation

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1799. Batailles sur

l'Adige.

C'était vers l'Italie que se dirigeait l'armée russe sous les ordres de Souwarow. Réunie à

qui fut faite contre le Directoire de France au sujet de l'assassinat des plénipotentiaires français. Dans la persuasion où je suis qu'une telle accusation est mal fondée, j'ai peine à m'expliquer le paragraphe suivant de ces Mémoires.

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Que contenait et que pouvait contenir de plus important le portefeuille des plénipotentiaires du « Directoire? On essaya à Paris de jeter l'odieux de cet ❝ assassinat sur le cabinet de Saint-James; mais l'opi

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nion publique l'en justifia; la moindre réflexion lui prouvait qu'il était inutile aux intérêts de l'Angle« terre. Quelques hommes qui voulaient aller au fond « de cette affaire, prétendaient que Bonnier et Roberjot, indignés de la duplicité et de l'exigence du « Directoire dans les nouvelles instructions qu'ils ་་ avaient reçues, se proposaient à leur retour de le « dénoncer aux Conseils. Jean Debry, disaient-ils, à qui ces intentions étaient bien connues, était loin << de les partager, et rendait compte au Directoire des dispositions de ses collègues. Ceux-ci avaient été « laissés morts sur le terrain, tués par des hommes qui parlaient français; et lui il en avait été quitte pour quelques meurtrissures, quoiqu'il eût été attaqué le premier. A Rastadt cette opinion sembla préva«<loir; car on eut l'air de reprocher à Jean Debry de « n'avoir été que légèrement blessé, et d'avoir passé « la nuit sur un arbre. Mais alors l'opinion était en << guerre avec le Directoire. »

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