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1799.

parte adressa à son armée un ordre du jour bien digne, par son énergie et son habileté, de ceux qu'il publiait en Italie. Le voici:

<< Soldats, vous avez traversé le désert qui « sépare l'Afrique de l'Asie avec plus de rapidité qu'une armée arabe.

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« L'armée qui était en marche pour en«< vahir l'Égypte est détruite. Vous avez pris << son général, son équipage de campagne, « ses bagages, ses outres, ses chameaux.

<< Vous vous êtes emparés de toutes les places fortes qui défendent les puits du « désert.

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<< Vous avez dispersé, aux champs du Mont<< Thabor, cette nuée d'hommes accourus de << toutes les parties de l'Asie pour piller l'É<< gypte.

<< Les trente vaisseaux que vous avez vus « arriver dans Acre, il y a douze jours, por«< taient l'armée qui devait assiéger l'armée "( d'Alexandrie; elle a fini ses destins à Acre.

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« Soldats, nous avons une carrière de fa

tigues et de dangers à parcourir. Après << avoir mis l'Orient hors d'état de rien faire

«< contre nous cette campagne, il nous fau«<dra peut-être repousser les efforts d'une par"tie de l'Occident.

<< Vous " y trouverez une nouvelle occasion << de gloire, et si, au milieu de tant de com<< bats, chaque jour est marqué par la mort <«< d'un brave, il faut que de nouveaux bra« ves se forment, et prennent rang parmi ce << petit nombre qui donne l'élan dans les dan«gers et maîtrise la victoire. >>

L'horrible désert est enfin traversé. Une armée, née pour les fatigues comme pour la gloire, a repris sa confiance et sa santé; seulement plusieurs Français ont été frappés de la cruelle ophthalmie si fréquente dans ce climat. Jamais les soldats n'avaient plus maudit les sables du désert que lorsqu'ils avaient éprouvé les illusions du mirage, triste phénomène qui montre souvent, au sein des monotones horreurs du désert, des oasis qui n'existent pas, et des fleuves imaginaires dont l'espérance prochaine et perfide rend la soif encore plus ardente. Du reste, par le bienfait du soleil d'Égypte et de Syrie, toutes les blessures se guérissaient avec une promptitude merveilleuse. L'armée eut souvent à repousser les incursions des hordes arabes; malgré la vitesse de leurs chevaux et les ruses de leurs brigandages, on les écartait sans peine par une bonne discipline; mais le fa

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natisme réveillé chez les Musulmans fit courir un danger plus sérieux. Un Arabe, qui avait acquis dans sa tribu quelque réputation de sainteté, imagina de rallier ses compatriotes en leur faisant croire qu'il était l'ange Elmodi, que le prophète promet d'envoyer au secours des fidèles pendant leurs plus rudes épreuves. Cet imposteur se déclarait à l'abri des balles et des boulets, et prétendait pouvoir communiquer ce don à tous ceux qui seraient animés de la foi la plus vive. L'armée qu'il réunit était de trois ou quatre mille hommes: elle se présentait au combat comme une troupe d'invulnérables; mais les généraux Lefebvre et Lanusse firent un si grand carnage des soldats de l'ange Elmodi, que bientôt il ne trouva plus d'Arabes assez stupides pour marcher sous ses étendards.

Égypte, éprou

Les soldats, rentrés en vent, en embrassant leurs anciens compagnons, les mêmes émotions que s'ils se revoyaient au sein de leur patrie; on se communique, avec une profonde tristesse, les nouvelles que l'on a reçues de cette patrie qu'on a laissée si chargée de victoires et de conquêtes. On sait déjà que des trois Di

recteurs qui ont fait la journée du 18 fructidor, et qui ont signé tant de proscriptions, deux sont ignominieusement chassés du pouvoir; que les Jacobins espèrent ressaisir leur empire tout entier; que leur parti domine dans le Conseil des Cinq-Cents; que, dans quinze ou vingt départemens de l'ouest, le parti royaliste soulève le peuple des campagnes; que la chouannerie s'est rendue tout aussi redoutable que la Vendée dans ses plus beaux jours; qu'une nouvelle coalition s'est formée sous les auspices de la Russie; que des plénipotentiaires français ont été indignement massacrés à Rastadt; enfin on connaît déjà les premiers revers des armées d'Italie et d'Allemagne. Chacun juge de l'avenir selon ses sentimens divers, mais Bonaparte a de plus sûrs moyens de les pressentir. Son génie politique lui dévoile toutes les conséquences de l'anarchie où la France est tombée; son génie militaire lui fait voir dans les premiers revers de nos armées, de plus sanglantes défaites. C'est par un de ses frères, Lucien Bonaparte, qu'il est instruit de l'état des partis en France; et ce frère est un homme habile, un orateur assez brillant, qui joint une influence personnelle à celle

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1799. qu'il tire de son nom. Bonaparte apprend par lui combien il est regretté, désiré, combien est vivement senti le besoin d'une dictature. L'empire d'Orient vient de lui échapper à Saint-Jean-d'Acre; mais quel magnifique dédommagement la destinée ne lui fait-elle pas espérer ? puisque Paris l'appelle, il peut régner à Paris, et de là sur l'Europe. L'imagination le reporte vers ces armées françaises qui s'éloignent des bords de l'Adige, du Danube et du Rhin. Du sein de l'Égypte il trace des plans de campagnes dont le théâtre est en Italie; mais cependant à quel espoir se livre-t-il ? pourra-t-il abandonner son armée dans une position difficile, et qu'on jugera désespérée? Ne faut-il pas une merveilleuse faveur de la fortune pour qu'il échappe aux croisières des Anglais, et à leurs nombreux vaisseaux répandus sur la Méditerranée. Qu'il lui soit donné de revoir sa patrie, s'y présentera-t-il avec un éclat de gloire qui confirme les magiques espérances attachées à son nom? ne verra-t-on pas en lui le fugitif de Saint-Jean-d'Acre ? Quel parti trouvera-t-il dominant en France? ne pourra-t-on pas le considérer comme un général déserteur d'une armée que lui-même a conduite

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