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font décréter que ces deux officiers ont bien 1796. mérité de la patrie, formule par laquelle on n'a cessé de payer les victoires des Jourdan, des Pichegru, des Hoche, des Moreau et des Bonaparte. Bientôt on apprend que par ordre du Directoire, les conspirateurs royalistes sont traduits à un conseil de guerre comme prévenus d'embauchage. M. Pastoret réclame avec force et courage le jugement par jurés, le seul mode constitutionnel. On répond à cet orateur comme s'il venait de s'avouer le complice des agens royaux. Il s'élève dans le sein de l'assemblée une tempête affreuse qui rappelle les jours sinistres de la Convention. On voit que les montagnards et que le Directoire lui-même ne laisseront pas tomber les armes que le hasard ou l'artifice leur a fournies pour perdre leurs adversaires. L'ordre du jour fait triompher le Directoire.

Entre tous les accusés, la Villeurnois fut celui qui, devant le conseil militaire, se défendit avec le plus de calme, de dignité et de candeur; il ne niait rien de ce qui pouvait le compromettre, professait ses sentimens royalistes, en même temps l'on pouvait reconnaître qu'il était animé d'un esprit de modération bien rare chez un conspirateur. Il

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prouvait avec évidence que tout ce qui présentait un indice de complot avait été proposé par les deux dénonciateurs. Il croyait n'avoir été trompé que par l'un de ces deux hommes, mais l'événement a fait connaître ou du moias doit faire présumer qu'il l'avait été dès longtemps par l'un de ses premiers complices, par Duverne-du-Presle. Celui-ci dans les débats ne se déclara point encore un traître, et même il ne fut point séparé d'eux dans la condamnation. Mais tout porte à croire qu'il avait déjà fait des révélations secrètes. Quant à Ramel et Malo, ils ne s'accordaient point parfaitement entre eux dans leurs déclarations. la Villeurnois les confondait souvent par sincérité de ses réponses, et il paraissait clair que dans le conciliabule c'était Malo qui avait fait les propositions les plus violentes. L'accusation portait qu'on avait voulu l'embaucher, mais c'était lui vraiment qui avait pratiqué toutes les voies de la séduction envers des hommes que la passion rendait crédules. Les juges militaires, lorsqu'ils adressaient quelque interpellation à la Villeurnois. ne pouvaient s'empêcher de montrer à cet ancien magistrat du respect et de la pitié. Tout les forçait de ne voir en lui qu'un

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homme abusé. Le jugement se ressentit de 1796. cette disposition de leur esprit ils prononcèrent que Brottier, Duverne, la Villeurnois et Poli étaient coupables; mais qu'ayant égard aux circonstances atténuantes, et touchés de la franchise que les prévenus avaient mise dans leurs aveux, ils commuaient la peine de mort en celle de réclusion, savoir: Brottier et Duverne pour dix années, Poli pour cinq, et la Villeurnois pour une. Tous les autres prévenus furent acquittés.

L'opinion publique vit dans ce jugement un nouvel effet de sa toute-puissance. Les républicains révolutionnaires l'apprirent en frémissant de rage; ils comparaient la modération des peines infligées à des royalistes convaincus, avec la sévérité inexorable des jugemens qui avaient condamné à mort les chefs de l'émeute du camp de Grenelle. Ils affectaient d'oublier que l'entreprise commencée et le flagrant délit mettaient une grande différence entre les deux affaires. Quant au Directoire, il ne se livra point aux éclats de colère qu'on avait lieu de craindre, soit qu'il se réservât de punir comme il lui conviendrait ces faibles conspirateurs, soit plutôt parce qu'il attendait d'importantes révélations pro

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mises par l'un d'eux. D'après ce que j'ai dit de Duverne-du-Presle, on juge bien que c'est lui qui allait écrire et dénoncer sous la dictée des Directeurs.

Cette déclaration n'a que trop d'importance historique, puisque seule elle servit de manifeste au Directoire dans la journée du I fructidor. Cependant il me suffira de l'insérer dans une-note *. Je ne sais si la trahison

*

« Je ne me dissimule point, en commençant cet écrit, citoyens Directeurs, que c'est l'acte de ma condamnation que je mets entre vos mains. Mais quoique je sois loin d'être insensible à mon intérêt personnel, je me suis tellement persuadé que c'est un tout autre motif qui m'a déterminé à une démarche bien difficile à mésinterpréter, que je n'hésiterais point à l'entreprendre, lors même que je n'aurais pas, pour me rassurer, l'engagement que vous avez pris avec moi.

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Beaucoup de tentatives ont été faites depuis la révolution pour relever le trône : toutes ont échoué; mais la plupart ont coûté la vie à un grand nombre d'hommes de l'un et de l'autre parti. Rien n'a décou• ragé les royalistes, et il y a eu jusqu'à présent tant de raisons de justifier leurs espérances, qu'on ne doit pas être étonné qu'à côté d'une conspiration éteinte, il s'en relève une nouvelle d'autant plus dangereuse, qu'à ses propres ressources elle ajoute l'expérience des fautes qui ont entraîné la ruine des autres.

« Il peut s'en former quelqu'une qui réunisse assez

de Duverne-du-Presle précéda la conspiration 1796. dont il parut complice, et s'il faut le regarder

de moyens pour oser attaquer le gouvernement à force ouverte ; alors le sang français coulerait encore à flots. C'est pour empêcher le retour de ces scènes de désolation que j'ai formé le projet de faire connaître tous les fils de la conspiration à la tête de laquelle je me trouve; je trahis la cause de la royauté, je le sais, mais je crois servir ceux des Français qui la désirent, en détruisant les fondemens de leurs chimériques espérances.

« Il y a bientôt deux ans que je me suis chargé des intérêts du Roi à Paris. Dès cette époque, je sentis que les royalistes n'auraient une véritable consistance que lorsque, réunis autour d'un centre commun, ils agiraient ensemble. Je fis tous mes efforts pour ramener à ce centre d'unité tous les chefs de la Vendée et de la Bretagne, et les agens répartis dans les départemens, lesquels tendaient à la même fiu par des moyens con

tradictoires.

:

« J'allai dans la Bretagne, dans la Vendée, en Suisse, où réside un ministre anglais chargé spécialement de seconder les royalistes: j'allai à l'armée de Condé; je vis le Roi enfin, je viens de faire un voyage en Angleterre, dans lequel je me suis expliqué avec le comte d'Artois et les ministres anglais. Il ne fallait pas moins que toutes ces courses pour faire renoncer chacun de ceux auprès de qui elles étaient dirigées, au plan particulier qu'il avait adopté, et pour faire ajourner les divisions qui existaient. Je crois

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