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1798. lieux arides, brûlans, désolés, où jadis de pieux anachorètes avaient consumé leur vie dans la prière. Les savans se regardaient comme merveilleusement récompensés de leurs fatigues, lorsqu'ils découvraient ces ruïnes colossales qu'un beau ciel semble éterniser : ils avaient si bien fait partager leur enthousiasme aux soldats, que ceux-ci battirent des mains en voyant les magnifiques restes de la Thèbes aux cent portes, et le temple de Dendérah.

Ce fut surtout par la justice que Désaix acheva la soumission de la Haute-Égypte. Cette vertu était si éminente en lui, qu'il reçut des Arabes le beau surnom du Sultan juste.

Quant à la Basse-Égypte, plus favorable -aux grands projets de colonisation conçus par Bonaparte, elle recevait de lui et de ses savans auxiliaires des bienfaits inappréciables qu'un changement de domination n'a pu entièrement détruire. Il apprit à un peuple opprimé par les Mamelucks qu'il peut y avoir des propriétés inviolables; il modéra les tributs en les régularisant. Les travaux hydrauliques, qui sont le premier besoin de l'Égypte, ne demandaient qu'à être perfectionnés sur

une terre qui doit au Nil toute sa fertilité, et où les sciences naquirent. Un grand monument de l'activité et du génie des premiers Arabes venait s'offrir au milieu de tous les

travaux pompeux des Égyptiens, des Grecs et des Romains; c'était le canal d'Amrou. Bonaparte entreprit de le réparer; mais l'expédition de la Syrie arrêta trop tôt cette grande opération. Chacun des savans travaillait non seulement à rendre florissante la nouvelle colonie, mais à enrichir le domaine des sciences. Ils étaient réunis sous le titre un peu fastueux, et pourtant légitime, d'Institut de l'Égypte. Il était en effet peu de sciences qui n'eussent un représentant dans Monge, Bertholet, Fournier, Lefebvre, Geoffroy de Saint-Hilaire, Malus, Noël, Méchain, Conté, Costas, et une foule de généraux et d'officiers qui devaient leur élévation aux études mathématiques. Tous ces savans décernèrent, d'une commune voix, le prix de l'invention pour tous les objets utiles, à Conté, qui fut souvent le sauveur de l'armée par la fécondité de ses ressources. Denon et plusieurs artistes, ainsi que plusieurs officiers, dessinaient et préparaient eux-mêmes avec leurs sayans collègues un monument

1798.

1798. qui console un peu notre orgueil de l'Egypte perdue. Dans cet Institut figurait un poète, M. Parceval Grandmaison, qui vient récemment de s'illustrer par un poëme épique, auquel il ne me convient pas d'assigner un rang entre toutes les productions de ce genre, mais que l'on considérera toujours comme l'un des ouvrages les plus brillans de notre poésie. Le général assistait souvent aux séances de l'Institut d'Égypte ; il y faisait briller la variété de ses connaissances et la fécondité de ses ressources. Les savans avaient plus à se louer que les généraux eux-mêmes de la facilité de ses manières; son empressement à rechercher le suffrage de tout le public savant ou lettré était tel, que toutes ses dépêches portaient ce titre : Bonaparte, membre de l'Institut, et général de l'armée d'Orient.

Dans toute colonie qu'établiront des Français, le superflu se montrera bientôt à côté du nécessaire. Le Caire eut son théâtre et son Tivoli; c'était le nom que portait à Paris l'un de ces jardins publics dont j'ai décrit ailleurs les plaisirs.

Ce luxe, cette activité, tant d'inventions bienfaisantes ou frivoles, ne furent qu'un moment interrompus par une révolte qui

éclata au mois d'octobre dans la ville du 1798. Caire. On peut la regarder comme l'un des résultats de la bataille navale d'Aboukir. Un peuple fataliste avait dû considérer un tel événement comme un arrêt du ciel, qui condamnait les nouveaux conquérans. La PorteOttomane, à laquelle Bonaparte avait fait des soumissions dérisoires, en s'emparant de l'une de ses plus belles provinces, cédait à un juste ressentiment et suivait la loi des Anglais victorieux; elle préparait deux expéditions pour soumettre l'Égypte; délivrée par les Français eux-mêmes de l'usurpation des Mamelucks, il ne lui restait plus qu'à se délivrer de celle des Français, et l'Egypte commencerait alors à lui appartenir véritablement.

Caire.

Déjà les émissaires de ce gouvernement Révolte du avaient traversé les uns la mer, et les autres l'isthme de Suez, pour exciter le fanatisme musulman dans la ville du Caire. Malgré la vigilance de la police française, la conspiration fut couverte d'un secret tel qu'on le connaît seulement dans les États despotiques : on choisit pour éclater le moment où le général allait faire une expédition dans la Syrie.

1798.

Il' importait à la Porte-Ottomane que cette expédition fût prévenue. Les shérifs et les imans n'avaient jamais montré au général une soumission plus respectueuse que la veille même de la révolte. Des rassemblemens se formèrent dans plusieurs quartiers de la ville, et surtout à la grande mosquée, l'une des plus vastes et des plus célèbres de l'Orient. Le général Dupuis, commandant de la place, est assassiné avec plusieurs dragons qui faisaient son escorte. La sédition devient générale; partout on égorge les Français isolés. Les Arabes se montrent aux portes de la ville; les toits des maisons, formés en terrasses, fournissent des moyens de communication aux rebelles; le palais de l'Institut est particulièrement menacé, les savans s'arment pour leur défense; des soldats, que Bonaparte avait envoyés à leur secours, les protégent en faisant un feu continuel. Partout on se rallie au bruit de la générale, on couvre la marche par plusieurs pièces de canon. Les rebelles sont tellement étourdis par les balles, par la mitraille, qu'ils viennent aveuglément se précipiter dans la plus dangereuse retraite, la grande mosquée : ils s'apprêtent à y soute

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