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1798. inondations du Nil; du nombre immense des boutiques; de la propreté et de l'art avec lesquels sont tenus les bains publics; du tableau animé des cafés, où le peuple le plus asservi de la terre trouve encore quelque consolation à s'entretenir des affaires publiques; des pieuses magnificences qu'offre un immense cimetière qu'on appelle la ville des morts; enfin du mouvement animé d'une population de deux cent dix mille âmes, composée du mélange d'un grand nombre de nations et de sectes diverses. Les plaisirs de la sensualité ne manquaient pas dans cette capitale : les conserves, les pâtisseries, le café, l'opium, les sorbets, et même des vins recherchés, faisaient oublier aux soldats les horribles privations du désert.

Le repos ne fut pas long pour une grande partie de cette armée. Mourad - Bey s'était retiré dans la haute Égypte; le général Desaix reçut l'ordre de l'y poursuivre. Les Français eurent à traverser des déserts bien plus longs, bien plus effroyables que celui dont ils s'étaient montrés si cruellement fatigués. Bonaparte se chargea de poursuivre Ibrahim-Bey, qui tentait encore avec ses Mamelucks quelques incursions dans le Delta. Rosette et Damiette

étaient soumises. Tout promettait à Bonaparte un nouvel empire d'Orient dont la capitale était encore indéterminée, mais pouvait être ou Damas ou Constantinople même. Que craindre des armées musulmanes, après avoir détruit en deux journées leur plus brillante cavalerie, celle des Mamelucks? L'Égypte fécondée par des mains françaises, quand elle serait enrichie de toutes les cultures qui ont rendu si florissantes les colonies du sud du Nouveau-Monde, devenait une conquête d'un prix inestimable. Tel était l'espoir de Bonaparte, de ses officiers et des savans qui l'entouraient, lorsqu'un événement fatal leur fit dire : « Pour nous plus de conquêtes, plus de «< sûreté, plus de patrie ». Cet événement, c'était la bataille navale d'Aboukir.

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vale d'Abou

Août.

J'ai dit que l'amiral Bruéys désespérant de Bataille nafaire entrer ses vaisseaux dans le port d'Alexan- kir. drie, les avait embossés dans la rade d'Aboukir; il se serait regardé comme coupable de remettre à la voile avant d'avoir eu des nouvelles certaines de l'entrée triomphante des Français dans la ville du Caire; si les événemens leur étaient contraires, fallait-il priver une armée si brillante et de tels généraux des moyens d'être rendus à la France? Mais l'ami

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ral Bruéys, dans l'immobilité de sa position, avait montré un génie peu prévoyant; il n'avait fait nul usage de ses nombreux bâtimens légers pour se mettre à l'abri de l'inspection de l'escadre anglaise; il permettait à trois mille matelots de loger dans Alexandrie; l'île d'Aboukir, si nécessaire pour protéger ses vaisseaux embossés, n'avait pas été couverte de batteries dans toute son étendue; enfin ce qu'il y avait de pis c'est que l'amiral Bruéys n'avait ou ne paraissait avoir aucune disposition bien arrêtée pour le combat qu'il pourrait soutenir dans une rade dangereuse. Nelson, après s'être d'abord éloigné d'Alexandrie, avait reçu l'avis du débarquement effectué; furieux, il revenait sur ses pas, résolu de venger son injure: il semblait que nulle entreprise ne pouvait être téméraire pour la première marine du monde. Son escadre ne se composait que de treize vaisseaux de ligne, tous de 74; elle n'était point escortée de bâtimens légers; enfin quelques uns de ces vaisseaux de ligne étaient vieux ou mal construits; cependant il lui fut facile de faire reconnaître la position et la force de l'escadre française par deux de ces vaisseaux. Le 1er août, son escadre a paru, sur les trois heures après midi, avec toutes voiles dehors.

Le vent secondait son attaque, il avait conçu le hardi projet de déborder la pointe de l'avant-garde française, et de se couler entre le rivage et la flotte ennemie, tandis que d'autres vaisseaux passeraient entre la flotte et l'île, dont les batteries devaient la protéger. Le Culloden, destiné à commencer cette dernière manœuvre, échoua près de l'île. Toutefois les Français ne purent parvenir à s'emparer de ce vaisseau ; mais bientôt six vaisseaux français, savoir, le Guerrier, le Conquérant, l'Aquilon, le Spartiate, le Peuple-Souverain, le Franklin, se trouvèrent engagés contre un même nombre de vaisseaux anglais qui avaient jeté l'ancre, sans que les vaisseaux du centre et de l'arrière-garde française, qui restaient toujours embossés, pussent porter du secours à l'avant-garde ainsi compromise. Un septième vaisseau anglais, le Bellerophon, osa s'approcher du Tonnant, et même de l'Orient, dont les terribles batteries le démâtèrent; à 8 heures du soir, l'avantage paraissait être encore du côté des Français. Nelson ne voulut point que la nuit interrompît le combat; il venait de recevoir deux vaisseaux qu'il avait laissés à Alexandrie, car il avait commencé son attaque avec onze vaisseaux seulement.

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De son côté l'amiral Bruéys avait reçu le renfort de 3000 matelots qui, sur le bruit du combat, revenaient de cette même ville d'Alexandrie. Ce fut alors que la plus terrible fatalité se déclara contre la flotte française: l'amiral Bruéys, qui, à bord de l'Orient, n'avait cessé de combattre au poste le plus périlleux, fut tué; et l'amiral Villeneuve, auquel le commandement passait, ou n'en fut instruit que trop tard, ou ne sut point user de la grande supériorité qui restait encore acquise à la flotte française. Les beaux vaisseaux de sa majestueuse avant-garde ne firent aucun mouvement et restèrent embossés. A onze heures du soir, le plus horrible spectacle vient jeter la consternation dans l'escadre française : c'est le plus beau vaisseau de l'univers, c'est l'Orient qui s'embrase; les pompes sont rompues, les seaux brisés, on voit les matelots éperdus se jeter à la mer; rien ne peut plus arrêter le progrès des flammes; amis ou ennemis, tout fuit l'approche du colosse embrasé; les Français attendent en frémissant le moment de la dernière explosion. Un bruit semblable à l'éruption d'un volcan apprend que le magnifique vaisseau a sauté. Bientôt tout a disparu dans les flots. Cette épouvantable

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