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1798. rante; un verre d'eau saumâtre se paie au poids de l'or.

Gouverne

melucks.

Mais arrêtons-nous un moment pour conment des Ma-sidérer la nouvelle espèce d'ennemis qu'auront à combattre les Français. Quel étrange phénomène que ces Mamelucks esclaves, enlevés dans leur enfance de la Circassie ou de la Géorgie, qui, familiers et infâmes complaisans de leurs maîtres nés esclaves comme eux, forment une milice souveraine, tantôt en reconnaissant, tantôt en foulant aux pieds la faible suzeraineté de la Porte! Il serait inutile de rechercher ici l'époque précise où cette singulière milice parvint à dominer sur l'Égypte. Saint-Louis, dans son illustre et malheureuse croisade, avait déjà trouvé les Mamelucks établis, mais non aussi puissans dans cette contrée. La race de ces tyrans, voués à la stérilité par la fureur continue d'un penchant monstrueux, ne peut se renouveler que par une perpétuelle adoption de leurs jeunes compatriotes comme ils ont servi avec bassesse, ils commandent avec cruauté. Ce que nos annales ont rapporté de plus hideux et de plus barbare de l'oppression féodale, ne peut encore donner une idée de celle que les Mamelucks exercent sur le peuple d'Égypte.

Les cultivateurs ne sont presque partout que 1798. leurs fermiers, les commerçans que leurs receveurs : ce n'est guère que dans la ville du Caire que leur tyrannie se trouve un peu restreinte ou modifiée par la tyrannie de la Porte ottomane. Celle-ci manifeste-t-elle quelques prétentions jalouses, les Mamelucks ne font qu'une âme pour lui résister; mais ils se divisent dès que rien ne trouble plus leur empire. Le nombre des chefs qu'ils se donnent varie sans cesse ; ils jugent leurs maîtres avec le cimeterre; leurs fréquentes guerres civiles les tiennent dans un continuel exercice des armes. Ce serait pour eux une dégradation que de combattre à pied; mais le monde n'offrait point une cavalerie plus redoutable. Maîtres vigilans, éclairés et judicieux pour leurs seuls chevaux, ils développent par les soins et les caresses de l'amitié l'intelligence et l'ardeur de ce fier animal; le luxe de leurs armes surpasse celui de tous les guerriers de l'Europe. Ils portent dans des ceintures la plus grande partie de l'or qu'ils ont extorqué, et ne l'abandonnent point au milieu du combat, parce qu'ils veulent avoir à défendre à la fois leur fortune et leur vie. A l'époque de la descente, les Mame

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lucks obéissaient à huit beys ou souverains qui partageaient l'Égypte, et dont les plus puissans comme les plus habiles étaient Mourad et Ibrahim. Leur cavalerie, c'est-àdire leur véritable milice se montait à douze mille hommes des Arabes, des Arnautes et des aventuriers de l'Asie ou de l'Europe leur formaient une infanterie fort supérieure en nombre à celle de l'armée française, mais indigne de se mesurer avec elle.

:

L'ennui d'un long désert, les tourmens de la soif et de la faim avaient cruellement agi sur l'imagination des Français. Ils opposaient le souvenir des belles plaines et des délices de l'Italie à ces sables monotones qui fatiguent la vue et leur faisaient craindre la cécité. Sortaient-ils du désert pour entrer dans quelques villages, ils y trouvaient un genre d'abondance qui rendait encore leur désespoir plus profond; c'étaient d'énormes magasins de blé qui, faute de moyens de mouture, ne leur offraient presque aucun aliment. Les grains qu'ils faisaient griller remplaçaient trop mal le pain. Dans leurs murmures, ils n'accusaient point leur général; ils le plaignaient au contraire d'avoir été la victime des ombrages du Directoire, et la

dupe de ses promesses. Ils se regardaient 1798. comme sacrifiés, parce qu'il avait fallu un prétexte pour l'éloignement du héros. « Qu'on «< ne parle plus, disaient-ils, des déserts de la <«< Guiane, où l'on a déporté des royalistes. « Les vainqueurs de l'Italie sont déportés à « leur tour, et voici un désert plus affreux « que ceux du Nouveau-Monde. »> En vain leur parlait-on des richesses et des magnificences du Caire, ils se refusaient à croire que cette ville existât, ou bien ils s'en formaient l'image d'après quelques misérables bourgades qu'ils avaient rencontrées; des grenadiers pleuraient en pensant à leur patrie qu'ils n'espéraient plus revoir. C'était au général Caffarelli Dufalga qu'ils attribuaient le projet de l'expédition d'Égypte : on juge de combien d'imprécations son nom était couvert; mais

ils

y mêlaient quelquefois des plaisanteries, dont les Français ne savent s'abstenir ni dans aucun genre de détresse ni dans aucun accès de colère. Le général Caffarelli portait une jambe de bois, et les soldats disaient : « Il se moque de cela, lui; il a un pied en << France ». Comme ils avaient vu les sayans pleins d'enthousiasme pour cette expédition, ils leur en faisaient un sujet de reproche; il

1798. fallait toute l'autorité de Bonaparte et la considération qu'n témoignait aux savans, pour les mettre à l'abri des fureurs de la troupe.

Chébreisse.

Un désespoir de si mauvais augure se calma par degrés. Les pastèques ou melons d'eau, qu'ils trouvèrent en abondance, furent pour eux la manne du désert. Des transports de joie s'élèvent quand ils découvrent le Nil, on s'y plonge, on s'abreuve de ses eaux, on admire son cours et ses rivages, on s'entretient des merveilles de ses inondations; mais la charge sonne, on aperçoit enfin les ennemis. Huit cents Mamelucks viennent caracoler intrépidement sur le front de l'armée; les Français s'étonnent de leur audace, de leur agilité et de celle de leurs chevaux arabes. Une décharge d'artillerie les force à la retraite; mais ils la font encore en menaçant.

Bataille de Au sortir de Rhamanié, où s'était engagé ce petit combat, il fallait encore se dévouer à la marche la plus fatigante; mais les Mamelucks se chargèrent de tirer les Français de l'état de langueur où ils allaient retomber; ils se présentent au nombre de quatre mille, tout brillans d'or et de fer. L'armée d'Orient n'avait qu'un assez petit nombre de

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