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1798. étaient restés à Malte. La marine des républicains n'avait paru, soit sur l'Océan, soit sur la Méditerranée, que pour éprouver des désastres. L'incendie de Toulon, en 1793, avait pu faire croire aux chevaliers de Malte qu'aucun armement ne sortirait de long-temps de cette rade pour menacer leur île. Plusieurs des chevaliers allemands, italiens ou espagnols ne condamnaient qu'avec tiédeur la révolution française, et raillaient pesamment la prévoyance inquiète de ceux qui pensaient que cette révolution pourrait un jour planter son étendard sur le glorieux rocher dont ils étaient gardiens. L'influence de ce parti insouciant ne s'était que trop fait sentir l'année précédente; on avait élevé à la fonction de grand-maître de l'ordre de Malte, à cette espèce de souveraineté immortalisée par les Parisot-Lavalette, par les Villiers-Lisle-Adam, un homme dont l'esprit lourd et le caractère apathique eussent été un obstacle à tout bien, même dans les temps les plus calmes: c'était Ferdinand Hompesch. Bonaparte, dont les desseins sur Malte étaient arrêtés depuis longtemps, avait à bord un chevalier de cet ordre que sa vive passion pour les sciences avait fixé à Paris, le chevalier de Dolomieu,

l'un des naturalistes les plus distingués. Le général savait que dans cette île on avait depuis long-temps négligé d'urgentes réparations pour les forts.

Le 21 juin, Bonaparte fit demander au grand-maître de fecevoir dans le port l'armée navale française. Une invasion aussi brusque et aussi formidable n'avait point été prévue. On cherchait à gagner du temps; Bonaparte n'en accordait point. La terreur était la même dans cette ile que si elle n'eût pas été défendue par toutes les fortifications de l'art et de la nature; que si elle n'eût pas eu près de sept mille hommes et une nombreuse artillerie à opposer à l'attaque des Français; enfin que si elle n'eût eu aucun souvenir de l'immortel siége soutenu contre toutes les forces du victorieux Soliman. Bonaparte reconnut à différens signes la terreur, le découragement, et surtout l'anarchie qui régnaient parmi les chevaliers. Il en profita. Le 22, l'armée française prit terre sur huit points différens, et n'éprouva qu'une faible résistance. Un régiment de milice fut désarmé par cent Français; un autre chassé jusque dans la ville. Le général Vaubois marcha sur la cité vieille avec une colonne; on lui ouvrit les portes à

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1798. la première sommation. La confusion s'accroissait entre les chevaliers ; ils s'accusaient réciproquement; ils accusaient surtout le grand-maître de l'ordre, Ferdinand Hompesch. Le peuple et les milices faisaient entendre le cri de trahison, presque toujours aussi funeste qu'une trahison réelle. Tout annonçait que la domination des chevaliers commençait à leur peser, et que les principes de la révolution française avaient pénétré sur ces rochers. Les forces étaient disséminées dans un grand nombre de forts; ils furent presque tous emportés par les Français qui s'étonnaient d'éprouver si peu de résistance dans cet antique et noble asile du courage. Il ne restait plus que la ville à assiéger. Bonaparte menaçait de la bombarder. Les chevaliers parlementèrent; Dolomieu eut le malheur d'être employé à cette négociation, et de réussir suivant les vœux du général. Le 23, il fut convenu que Bonaparte entrerait dans la ville, et sa flotte dans le port. La capitulation lui livra une des places les plus importantes de la Méditerranée, un très beau port, deux vaisseaux de ligne, une frégate, trois galères, trente mille fusils, des approvisionnemens considérables, et le trésor de l'ordre, qui

s'élevait à trois millions de francs. Le vainqueur ne s'engagea qu'à procurer au grandmaître une souveraineté en Allemagne, qui deviendrait le chef-lieu de l'ordre; il lui assurait, en attendant, une pension de cent mille écus, et lui donnait six cent mille francs comptant, exécrable salaire qui couvrira son nom d'une éternelle ignominie. Le général garantissait aux chevaliers français reçus avant 1792 la faculté de rentrer dans leur patrie, sept cents livres de pension, et mille livres aux sexagénaires. Cette expédition, où la fortune seconda d'une manière si étonnante l'activité et la politique, ne coûta à Bonaparte que neuf jours. Il lui tardait de partir et d'accomplir un plus vaste dessein. Il mit à la voile le 22 juin, et laissa pour la défense de sa conquête une forte garnison sous les ordres du général Vaubois, que la flotte anglaise vint bientôt attaquer.

Malte changea de lois, mais pour ne plus rentrer sous celles de ces brillans chevaliers qui seuls rappelaient encore les grands souvenirs des croisades. Ce grand boulevart élevé contre l'islamisme, contre les progrès long-temps si redoutables de la puissance ottomane, et contre les pirateries africaines, disparut en laissant

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un vide immense dans la Méditerranée. Rien ne put persuader aux Anglais de renoncer à cette possession où leur puissante marine remplace si mal les caravanes des chevaliers; la conquête de Bonaparte et celle des Anglais ne tournèrent qu'au profit des puissances barbaresques. Paul Ier conçut la pensée de rétablir l'ordre de Malte, et il se fit donner avec orgueil le titre de grand-maître par de nombreux chevaliers qu'il avait appelés à SaintPétersbourg. La politique anglaise se joua d'une résolution aussi magnanime que chrétienne, et ne vit dans cette prétention qu'un acte de la plus insigne folie. Quant à la déplorable facilité de cette prise de possession, elle est attestée par un mot de l'un des lieutenans de Bonaparte, Caffarelli Dufalga. « Il << est bien heureux, disait-il à la vue d'innom« brables fossés et contrescarpes, il est bien << heureux que nous ayons trouvé quelqu'un « pour nous en ouvrir les portes, car jamais << nous n'aurions pu y entrer. » Le grand-prieur de Malte et un grand nombre de chevaliers protestèrent contre cette infàme capitulation. Le grand-maître Hompesch, le trésorier de l'ordre Ransigat, et plusieurs autres, virent révéler dans cette protestation des faits qui

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