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1796.

« rondins, d'appeler le retour de ces lois quí << ont fait verser le sang de vos amis, et qui <<< vous ont fait errer de caverne en caverne. » Malgré cette résistance, une résolution qui établissait un code pénal pour les délits de la presse fut adoptée au Conseil des Cinq-Cents. Mais Portalis et Tronçon-Ducoudray l'attaquèrent avec force au Conseil des Anciens, et ils eurent le bonheur de se voir seconder par quelques uns des Conventionnels. Ce fut surtout Baudin des Ardennes qui décida cette importante victoire. La résolution fut rejetée dans ce Conseil. La joie des journalistes et de leurs lecteurs alla jusqu'à l'ivresse. Le royalisme redoubla d'audace et de confiance.

L'essor de l'opinion devenait irrésistible, parce qu'elle n'émanait d'aucun complot, parce qu'elle ne se liait à aucune intrigue étrangère; elle était spontanée, indigène, naissait de l'état moral où de grands malheurs avaient amené les esprits. On revenait de la philosophie qui ébranle tout, à cette philosophie saine, ou plutôt à cet esprit de bon sens qui replace tout sur des bases solides. La cause de l'étranger était devenue défavorable

aux yeux mêmes du parti royaliste de l'inté- 1796. rieur, qui ne pouvait plus y voir la cause de la royauté, ni celle des Bourbons.

royaliste.

Cependant le Directoire fatigué de sévir Complot contre des révolutionnaires, c'est-à-dire contre Juillet 1796. sa propre armée, était affamé d'un complot royaliste. La trop longue sagesse de ce parti l'excédait; il lui fallait une de ces conspirations telles qu'en rêvent des aventuriers qui veulent se faire valoir, ou des hommes que l'excès de leur zèle rend accessibles à toutes les illusions. Le Directoire réservait à ses propres agens le soin de nourrir cette conspiration de visionnaires. Il ne fut pas difficile de les trouver. M. de la Villeurnois, ancien maître des requêtes, homme à tous les égards recommandable, avait le seul défaut de se laisser fasciner par tout projet qui flattait ses sentimens royalistes. Il se crut appelé à rétablir Louis XVIII sur le trône. Il se lia avec l'abbé Brottier, neveu de l'auteur d'un excellent commentaire sur Tacite, et qui, voué aux études mathématiques, n'y avait pas puisé une grande connaissance des hommes. Celuici lui fit connaître un homme aussi méprisable que dangereux, nommé Duverne-duPresle, qui se disait envoyé par le Roi pour

1796. diriger les royalistes. Il se forma chez M. de la Villeurnois un conciliabule auquel furent appelés d'autres personnages tels que le baron Poli. Ils devisaient entre eux sur les moyens de s'emparer du Luxembourg, des deux Conseils, du trésor, et de faire proclamer dans Paris Louis XVIII. Dans leurs rêveries politiques ils allaient jusqu'à disposer de la volonté du Roi; ils nommaient ses ministres, déterminaient ceux auxquels il pouvait faire grâce, et toutes les lois conciliatrices qui pouvaient cimenter et faire bénir sa puissance. Mais ou n'avançait pas dans les moyens d'exécution, lorsque Poli proposa de s'adresser aux deux chefs de la garde, à ce même Ramel, à ce même Malo qui venaient de mériter la haine implacable des Jacobins, en recevant dans le camp de Grenelle leur fraternité à coups de sabre. On espérait, par leurs moyens, disposer des grenadiers de la garde, et se rendre maître de la personne des Directeurs. Malo, qui avait quitté l'habit de moiue pour suivre la carrière des armes, se présentait comme un auxiliaire fort suspect pour la ' cause du royalisme, mais la haine que les Jacobins lui portaient parut à ces hommes imprudens une garantie suffisante de sa fidélité.

A peine eut-il reçu leurs premières ouvertures, 1796. qu'il courut en faire part au ministre de la police et aux Directeurs. Ramel prit ensuite le même parti, et tous deux reçurent l'ordre d'entretenir les folles espérances des royalistes, et de feindre d'entrer dans leurs projets pour en connaître toute l'étendue. Ils se prêtèrent à ce rôle odieux. Il est fort à présumer que ce furent leurs promesses qui donnèrent à des projets sans base l'apparence d'un complot. la Villeurnois se chargea d'en rédiger le plan et l'écrivit de sa main. Malo leur indiqua pour lieu de rendez-vous l'hôtel même de l'ÉcoleMilitaire, où il résidait; et le choix d'un lieu si dangereux n'altéra point la confiance des conspirateurs. Malo n'avait pas manqué de faire cacher dans son appartement des agens de police pour écouter l'entretien et le troubler subitement. Il venait de leur prodiguer et promesses et sermens lorsqu'il donna le signal. La Villeurnois, Poli, l'abbé Brottier et Duverne-du-Presle sont arrêtés, et l'on saisit sur eux nombre de pièces où sont tracés les détails du complot, et d'autres qui prouvent qu'ils ont agi ou plutôt qu'ils ont cru agir au nom du Roi. Dans la nuit on arrête encore sept ou huit autres personnes soupçonnées

1796. d'intelligence avec eux. Le lendemain grand bruit du complot avorté, du danger imminent et terrible auquel viennent d'échapper ét le Directoire et la République. On fait part aux deux Conseils du plan des conspirateurs, on lit une proclamation qu'ils avaient rédigée nom du Roi. MM. Portalis, Siméon, BarbéMarbois apprennent qu'ils avaient été désignés pour faire partie du ministère provisoire qui attendrait les ordres de Louis XVIII, et le ministre de la police, par les soins duquel ce complot a été découvert ou plutôt ourdi, est obligé d'entendre lire une pièce dans laquelle les conspirateurs lui conservaient au nom du Roi le ministère de la police. Comme il était coupable du vote régicide, on voit que les conspirateurs étendaient assez loin leur clémence. La joie la plus vive règne parmi les vieux montagnards, qui feignent de frémir et de crainte et d'horreur. Les royalistes ne peuvent concevoir qui a pu susciter cette extravagante intrigue, et ils en déplorent les suites pour une cause difficile qu'ils s'attachent à servir de toutes les forces de leur raison. Les amis du Directoire portent au ciel le service rendu à la République par Malo et Ramel, et dans leur enthousiasme ils

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