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Le lendemain, 3 mai, le combat s'engagea sur plusieurs points entre des soldats également valeureux; c'étaient quatre mille Suisses d'un côté, et sept ou huit mille Français de l'autre; l'action principale eut lieu sur le bord du lac de Zug; les Suisses, vainqueurs à Morgarten, brûlaient de reprendre une ville de leur confédération; leur position était moins favorable que lorsqu'ils s'appuyaient sur des monts leurs éternels protecteurs. Les Français manœuvraient avec plus d'habileté, les Suisses tiraient avec plus de justesse et de précision. On voyait des armes de tout genre; piques, hallebardes, carabines, massues. Les deux armées étaient divisées en bandes de tirailleurs; de là une confusion et des méprises fatales aux uns et aux autres. Un corps français s'était engagé pour tourner la ville de Schwitz, et n'avait été arrêté que par un petit bataillon de femmes; la nuit était descendue et laissait la victoire indécise; les auxiliaires d'Uri et d'Underwalden avaient été forcés de regagner leurs foyers. Schauenbourg, fatigué d'une si vive résistance, offrait une capitulation honorable. On délibérait, pendant la nuit, sur le sommet des montagnes; une

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1798. voix s'écria : « Point de capitulation jusqu'à « ce que les deux tiers de nous aient péri les "armes à la main! » Cette résolution magnanime obtenait l'assentiment de toute l'assemblée. Un ecclésiastique vénéré de tout le peuple, le chanoine Schuller, osa seul s'opposer à l'avis de ces pâtres intrépides; il fit un tableau énergique de l'état de désolation où serait réduit, après la victoire des Français, un canton à la fois si célèbre et si peu fertile. Comme par la capitulation proposée le général ennemi s'engageait à faire respecter la religion, les biens et les personnes, Schuller ne voyait plus de motif pour vouer tout un peuple à l'extermination. Aloys Reding luimême fut obligé, par son amour pour ses concitoyens, d'appuyer cet avis pacifique. C'était à ses yeux une dure nécessité que celle d'accepter la nouvelle constitution, mais il se persuadait que les Français insisteraient peu sur des actes d'obéissance contraires aux habitudes, aux mœurs et aux sermens de ses concitoyens. Ne suffisait-il pas aux Français que les petits cantons, laissant modifier un peu les principes de leur vieille constitution, ne vinssent pas troubler la révolution nouvelle qui souffrait moins d'obstacle dans des can

tons plus riches et plus populeux. Pourquoi 1798. renouveler sans motif ces scènes de carnage et ces combats où la victoire était si peu assurée ? Le général Schauenbourg, dans sa conférence avec Aloys Reding, promettait, et avec sincérité sans doute, une tolérance secrète pour le régime particulier qu'il conviendrait encore aux petits cantons de suivre; mais il connaissait mal l'inflexibilité cruelle et stupide du Luxembourg.

Révolte et désolation l'Under

Si le Directoire avait commencé cette guerre par cupidité, il la continuait par orgueil. et Schwitz, après avoir accepté la capitulation, goûta quelque tranquillité pendant deux mois; mais arriva l'ordre de faire prêter serment à la nouvelle constitution par chacun des habitans des cantons démocratiques. Le Directoire, habitué à faire prêter des sermens en France par une impulsion presque mécanique, ne concevait pas tout ce qu'ils ont de religieux chez un peuple fidèle aux mœurs comme aux exemples de ses ancêtres; tous les Suisses des petits cantons frémirent à la proposition d'un parjure; ils pouvaient bien rester soumis par la force à la constitution nouvelle; mais jurer de la défendre, de la maintenir, trahir ainsi des promesses faites

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à la face du ciel et sur le tombeau de leurs pères, c'était à leurs yeux abjurer le titre de suisse et de chrétien. La cérémonie dans laquelle on les avait rassemblés pour prêter le serment fut ce qui décida leur nouvelle insurrection; chacun put lire dans les yeux de ses concitoyens l'indignation dont luimême était rempli. « Non, point de ser«<ment, plutôt mourir! » ce fut le cri universel. Comme ce mouvement avait été subit, les mesures étaient mal prises. En plusieurs lieux, et même dans la ville de Schwitz, la révolte fut assez facilement ou contenue ou réprimée; mais elle prit le caractère le plus effrayant dans l'Underwalden; les républicains les plus déterminés de Schwitz, d'Uri et des autres petits cantons s'y portèrent avec empressement, mais ils n'avaient plus à leur tête un chef habile tel qu'Aloys Reding; celui-ci était gardé à vue. Le désespoir était si furieux, qu'il ne pouvait plus se prêter ni à aucun conseil de la prudence, ni à aucune combinaison de l'art. Il s'agissait moins de vaincre que de donner la mort pour la recevoir. Que pouvaient espérer deux ou trois mille pâtres combattant sans artillerie, contre seize mille Français qui ne cessaient de faire

pleuvoir sur la vallée les obus et les boulets?

L'enfant ou la jeune fille qui avait tué un Français se croyait en possession du ciel. Les Français, qui avaient pu se modérer dans leurs combats contre Schwitz, cédaient maintenant à toute leur rage; ils annonçaient leur marche par l'embrasement des villages, des cabanes isolées et des chalets. Après beaucoup de scènes de carnages partiels, le 9 septembre est marqué pour une extermination générale; les victimes venaient d'elles-mêmes s'offrir à tous les coups; il semblait qu'il y eût une honte attachée à vivre. Après avoir combattu derrière des haies, des palissades ou quelques grossiers parapets, les Suisses s'élançaient avec fureur sur les rangs les plus épais et sur les canons même. ` Avaient-ils succombé, leurs femmes et leurs filles venaient se présenter à leur place; les vieillards, les malades, les mourans eux-mêmes se faisaient transporter sur le champ de carnage : du reste point de salut pour ceux même qui ne venaient pas s'offrir à la mort. Soixante-dix personnes furent massacrées dans une église, ayant à leur tête leur curé. Les Francais reprochaient leur propre barbarie au Directoire qui les avait menés à cette horrible expédi

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