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1798.

cher dans leurs retraites, et les forçaient de
marcher; leur cri de ralliement était : « A bas
«<les Gessler! » Il se trouvait que les trois cou-
leurs des drapeaux français étaient précisé-
ment celles des drapeaux de l'Autriche pen-
dant la longue guerre de la liberté. Les femmes
profitaient de cette circonstance pour enflam-
mer la
rage et pour exalter l'héroïsme uni-
versel; le bâton sec et dépouillé qu'on appe-
lait l'arbre de la liberté, ne leur rappelait que
la perche abhorrée de Gessler. On les voyait
apporter leurs ustensiles de cuisine pour faire
des balles postées sur des hauteurs, elles
avaient l'emploi de les garder pendant que
leurs maris ou leurs pères iraient percer les
colonnes françaises.

Aloys Reding voulut profiter d'une ardeur si générale, et ne craignit pas de saisir l'offensive avec une armée de neuf mille hommes, pour la plupart nouveaux soldats, mais guerriers par le cœur. On marcha sur Lucerne, qui avait subi le joug français. Quelques affaires d'avant-poste prouvèrent que le courage du désespoir pouvait l'emporter, au moins momentanément, sur un courage tourné en habitude, fortifié par la tactique et

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maintenu par la discipline. L'armée de Reding 1798. entra dans Lucerne, après une capitulation que signèrent avec joie des magistrats qui regrettaient la fière indépendance de leur patrie. Le premier mouvement de leurs libérateurs fut de se précipiter tous dans une église, pour y rendre grâce à Dieu de leur premier succès; leur zèle était bien inconsidéré, car il eût dépendu de quelques habitans d'un parti contraire de les enfermer tous dans l'église, et de détruire le dernier espoir de la vieille Suisse. Le Te Deum finissait à peine, que les Suisses purent comprendre, aux diverses nouvelles qui leur arrivaient de tous côtés, qu'il leur fallait déjà renoncer à l'offensive déjà les Français, après avoir passé la Reuss, s'étaient emparés de la ville de Zug; leurs colonnes filaient sur les deux rives du lac de Zurich, et c'était là le point d'attaque le plus à craindre pour les Suisses. La nécessité voulait qu'on évacuât Lucerne; mais cette conquête n'avait pas été sans quelque résultat; ou y avait pris des canons que les femmes trainèrent jusqu'au sommet de leurs montagnes.

Le 30 avril, les Suisses eurent à combattre dans tous les lieux célèbres par les batailles

1798. dont ils avaient si souvent raconté l'histoire soit à leurs enfans, soit à des étrangers. Ils se regardaient surtout comme invincibles dans ce défilé de Kusnacht, où Guillaume Tell avait percé de sa flèche l'oppresseur de sa patrie. Les Français ne purent emporter le défilé à la suite d'un combat opiniâtre; les événemens n'avaient pas été aussi heureux sur d'autres points. Le colonel Paravicini et le capitaine Hauser avaient fait en vain, avec leurs compagnons, des prodiges de valeur pour repousser les Français qui s'avançaient du côté du lac de Zurich. De graves blessures que ces deux chefs reçurent presque en même temps, laissèrent les soldats incertains: ils combattirent jusqu'au dernier moment, mais en abandonnant une partie du territoire que tout leur rendait sacré.

Combat de Les habitans de Schwitz étaient mainteMorgarten. rant séparés de leurs frères belliqueux : la prise de la ville de Zug avait ému les petits cantons. Schwitz ne comptait plus que quatre mille hommes sous les armes; mais Aloys Reding était à leur tête, et ils occupaient le poste de Morgarten, ce théâtre de la plus glorieuse victoire des fastes helvétiques; pour cette fois c'était presque sans espérer la vic

toire qu'on les menait au combat. « Mou- 1798. << rons de la mort glorieuse de nos aïeux!»> était le seul cri de l'armée. Aloys Reding ne voulait par aucune promesse tromper ses compatriotes, et n'en avait pas besoin pour soutenir leur courage. Le 2 mai, le point du jour leur montra les Français qui descendaient une montagne opposée à celle de Morgarten. « Il ne faut pas les attendre, s'écrie Reding, << allons les recevoir la baionnette en avant. >> Ce fut pour les Français un grand spectacle que de voir deux bataillons de nouvelle levée traverser une plaine de huit cents pas de largeur sous le feu de leur artillerie et de leur mousqueterie, sans que leurs rangs parussent un moment chanceler et se rompre. Les Français cette fois se sont laissés prévenir le par pas de charge qu'ils préfèrent à toutes les manoeuvres. Les Suisses gravissent en courant la hauteur d'où les Français descendent; leur choc est si terrible qu'ils ont tout culbuté, et leur drapeau flotte déjà sur le sommet; mais d'autres colonnes ennemies se sont présentées sur d'autres points. Le général Schauenbourg vient en personne escalader le plateau de Morgarten. Trois cents. chasseurs d'Uri venaient d'arriver au secours

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de leurs alliés ; cinquante d'entre eux courent aux Français : le combat s'engage et devient terrible. Les Suisses, en regardant Aloys Reding, croyaient voir celui de ses aïeux qui avait déjà mérité que le nom de Morgarten fût joint au sien. De toutes parts on détachait des roches qu'on faisait rouler sur les assaillans. Les Français ne s'avançaient que pour trouver leurs ennemis embusqués dans des broussailles d'un autre côté, les femmes s'avançaient au milieu de la mitraille pour apporter aux combattans, dont les munitions s'épuisaient, tout ce qui pouvait leur en servir. On rapporte qu'un chasseur qui visait avec une justesse meurtrière, se plaignait de n'avoir plus de cartouches, lorsqu'il est atteint par une balle : elle avait pénétré peu avant; il la retire, en charge son fusil, et la renvoie sur-lechamp à l'ennemi. Les Français ont tenté trois fois l'escalade, et ils ont été repoussés avec une grande perte: celle des Suisses a été considérable; ils sont vainqueurs, mais point de renfort à espérer pour eux, tandis que la perte des Français est plus que compensée par les nouveaux compagnons que chaque moment leur envoie.

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