fureur des théories politiques. Roberspierre, Hébert et Chaumette avaient voulu courber sous leur nivellement des hommes qu'ils appelaient esclaves. Maintenant il s'agissait de l'imposer à des hommes libres et courageux: nul calcul de prudence ou d'économie, et bien moins encore, nul sentiment de justice et d'humanité, ne pouvait arrêter les pentarques du Luxembourg. Rapinat et un autre commissaire du Directoire, Lecarlier, plus puissant que son collègue parce qu'il avait été conventionnel et régicide, repousserent les représentations des petits cantons, comme étant imbues de préjugés gothiques. S'ils avaient osé, ils les auraient nommées serviles. Ils chargèrent bientôt le général Schauenbourg de transporter les lumières du siècle dans ces cantons rebelles : on leur imposait un délai fort court pour recevoir la constitution unitaire. Au seul mot d'une constitution nouvelle, tout éclata; on courut aux armes. Le peuple de Schwitz se prépara par un acte de mémorable sagesse à un mouvement qui allait rappeler sa gloire antique. Ce gouvernement, en dépit d'une démocratie si pure, 1798. 1798. comptait lui-même des sujets. Le petit peuple de la Marche subissait ses lois; quoiqu'elles fussent d'une douceur extrême, elles pesaient un peu à l'orgueil des habitans. Schwitz les rendit libres, et ils se montrèrent aussi zélés pour la cause commune, que s'ils avaient eu depuis plusieurs siècles leur part de la souveraineté démocratique. Aloys Reding était l'âme de ce mouvement; militaire consommé, il avait longtemps servi en Espagne avec le grade de colonel. Les combats qu'il avait soutenus dans ce royaume contre les Français; le souvenir de ses pères, fondateurs de la liberté helvétique; le souvenir récent et cruel de ses parens, de ses amis, massacrés dans les journées du ro août et du 2 septembre, tout l'appelait à défendre la liberté réelle contre les mensonges d'une liberté oppressive. Depuis qu'il était rentré dans sa patrie, il n'avait cessé d'être réélu, d'année en année, pour la première magistrature. Voué au commerce des lettres, et surtout à l'étude de l'histoire, il y avait puisé la raison mâle qui signale partout l'imposture ou l'erreur; il possédait en outre le courage à la fois héroïque et raisonné qui peut tout inventer à la guerre, et cette 1798. éloquence qui, fondée sur la vérité, peut tout commander à des âmes vraies. Malheureusement l'autorité de ce grand personnage ne pouvait apporter un remède suffisant à la faiblesse du lien fédératif qui unissait sa patrie aux cinq autres cantons démocratiques; l'esprit des localités n'y était que trop réveillé par le danger même. Glaris, Zug, Uri, Appenzel, et Underwalden, craignaient, en portant leurs secours au-dehors, d'ouvrir leurs foyers aux Français C'était la pauvreté même de ces foyers qui les leur rendait plus chers. Ce qui pouvait s'y trouver d'aisance relative était l'ouvrage de plusieurs siècles. Le sabre d'un soldat furieux, ou la pipe d'un soldat insouciant, pouvait tout détruire en un quart d'heure. Chacun, dans son canton, avait déjà signalé le roc, le lac ou le bois qui servirait de théâtre au combat, et qui déjà semblait indiqué pour la gloire par de vieilles annales. Quarante mille Français, vainqueurs de l'Autriche, et récemment vainqueurs du désespoir des paysans bernois, allaient pénétrer dans ce pays, qui ne comptait encore pour sa défense que neuf mille guerriers mal armés. Les prêtres 1798. ୮ a trois et les femmes couraient dans tous les rangs. ་་ ༥ << votre fidélité catholique que vous avez dû 1798. « d'être le peuple le plus libre et le plus res pecté de la terre. Il ne s'agit pas seulement « pour vous de combattre en héros, il faut «< combattre en martyrs. » Il paraît certain qu'à des exhortations si vives les prêtres joignaient des promesses, des prophéties, des apparitions miraculeuses, que la véhémence et l'exaltation de leur zèle pouvaient rendre sincères. Chaque paysan racontait à son voisin une vision dont il avait été frappé : on parlait de larmes qu'avaient versées les madones champêtres; on parlait d'un grand bruit d'armes entendu dans les cimetières ou dans les caveaux des églises. Le capucin Paul Styger et plusieurs curés ne prêchaient plus qu'avec des armes entremêlées aux vêtemens du sacerdoce. Les femmes montraient la même ardeur que celles du canton de Berne; vêtues d'une souquenille semblable à celle de leurs époux, armées au hasard, mais toutes armées, elles se distinguaient par un ruban blanc : c'étaient elles qui portaient les ordres, les munitions et les vivres d'un camp dans un autre; elles faisaient la guerre aux lâches, allaient les cher |