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1798. avoir renversé la chapelle, ils enterrèrent les restes des soldats de Charles-le-Téméraire.

pas

Le canton de Zurich, dont les magistrats avaient annoncé les résolutions les plus fermes, était déjà depuis quelques jours en proie aux mêmes discordes que celui de Berne; un parti démocratique s'était formé et fortifié par la nouvelle de la victoire des Français, il força le sénat à l'abdication; la même révolution éclata dans le canton de Lucerne et dans le Valais; partout les Français s'étaient présentés pour faire triompher les rebelles; ils s'emparèrent de Sion, et ne s'abstinrent de piller le pauvre trésor de Notre-Dame-desErmites; les taxes de guerre, les réquisitions de toutes sortes ne cessaient de ravager le pays de l'Europe où l'impôt était le plus léger et celui qui pourrait le moins supporter des tributs considérables. Le Directoire accordait aux généraux de fortes gratifications; celle du général Brune fut de huit cent mille francs. On habilla nos soldats avec des draps enlevés de tous les magasins. Le fléau des commissaires fut, comme en Italie, plus redoutable encore que celui des officiers de l'armée; l'un d'eux, qui portait pour son malheur le nom de Rapinat, porta, par la plus triste célébrité, la peine

soit de ses propres concussions, soit de celles de ses collègues ; je ne me fatiguerai pas à nommer les autres.

Les démocrates suisses frémissaient de ces violences, dont ils n'étaient point affranchis; ils venaient à chaque instant se plaindre aux généraux; ils écrivaient lettres sur lettres au Directoire; leurs suppliques étaient reçues tantôt avec flegme et tantôt avec humeur : on leur répondait qu'ils ne se montraient pas encore assez dignes de la liberté. Des magistrats novices remplaçaient partout ceux qui avaient vieilli avec honneur dans les fonctions publiques; plusieurs se lassèrent d'être les ministres méprisés de la tyrannie exercée sur leurs compatriotes; il fallut chercher des administrateurs jusque dans les derniers rangs de la société ; encore quelques années d'un tel régime, et la Suisse allait tomber dans une misère inconnue même aux pâtres qui brisèrent le joug de la maison d'Autriche.

*

Voici une épigramme que l'on fit à Paris sur ce commissaire :

Un bon Suisse que l'on ruine
Voudrait bien qu'on déterminât
Si Rapinat vient de rapine
Ou rapine de Rapinat.

1798.

1798.

On trouva, pour donner une nouvelle constitution à la Suisse, la même facilité que pour créer les constitutions des républiques romaine, cisalpine, transalpine et ligurienne. Quelques commis du Luxembourg suffirent pour ce travail : c'était encore un misérable calque de la constitution française de 1795. Les barrières des montagnes, des grands lacs, des torrens; la séparation si marquée des pays susceptibles de culture, et de ceux qui ne peuvent la recevoir; la différence du culte, des mœurs, des habitudes et des souvenirs; rien n'arrêta les niveleurs constitutionnels, et l'on proclama la république helvétique une et indivisible.

Pour que rien ne manquât aux chaînes de la Suisse, on lui donna un directoire. Dans un pays où presque partout les fonctions les plus hautes étaient gratuites, on créa, pour chacun des directeurs, un traitement de huit cents louis; tous les autres emplois étaient réglés sur cette échelle. Les premières élections avaient donné quelques hommes assez amis de leur pays pour en défendre encore la mourante indépendance contre le protectorat français. Les commissaires du Directoire s'indignèrent de trouver quelques entraves à

leur tyrannie: ces directeurs, encore suisses, 1798. furent remplacés par les hommes qui avaient les premiers provoqué l'invasion étrangère. Ochs, La Harpe et Oberlin reçurent le prix des services qu'ils avaient rendus à Rewbell, des complaisances qu'ils avaient pour Rapinat. Cependant la tyrannie militaire s'élevait toujours par-dessus leur tyrannie d'emprunt. Il fut rendu une ordonnance par laquelle on déclarait que tout Suisse qui aurait parlé irrespectueusement des autorités françaises, serait puni de mort. C'était ressusciter le génie des ordonnances de Gesler; les GuillaumeTell reparurent.

Dispositions des pe

cantons,

et surtout de

Schwitz, pour

la guerre.

Il s'agissait de soumettre à la constitution une et indivisible, c'est-à-dire de faire courber tits sous cette oppression insolente et cupide, le peuple le plus libre des temps anciens ou modernes, les cantons démocratiques. Leurs premières représentations eurent un caractère de fierté et surtout d'éminente raison, mais elles ne présentaient rien d'hostile. Sans doute, il était douloureux pour ce peuple de pasteurs de survivre à la liberté des autres cantons, qui les avaient vaillamment secondés contre les maisons d'Autriche et de Bourgogne ; mais ils

1798. regardaient leur propre liberté comme inattaquable; leur imagination n'allait pas jusqu'à deviner les prétextes par lesquels un gouvernement qui prétendait n'agir que pour la liberté universelle, pourrait donner des restrictions jalouses à une liberté si vaste et si paisible. Toute espèce d'aristocratie excitait la colère ou réelle ou simulée du Directoire de France. Mais pouvait-on assimiler les constitutions de Schwitz, d'Uri, etc..., où le peuple conserve le plein exercice de la souveraineté, et peut la déléguer tous les ans à des magistrats de son choix, avec ces constitutions de Berne et de Fribourg, où le peuple était entièrement exclu des droits politiques? Enfin, ce qui fondait le mieux leur sécurité, c'est qu'ils ne présentaient aucune amorce à la cupidité du Directoire de France. Où étaient leurs trésors? où était leur luxe? Que viendrait-on chercher sur leurs rochers stériles, ou sur leurs verdoyantes montagnes couvertes d'humbles chalets? Le revenu des six cantons ne paierait pas en dix ans les frais d'une guerre entreprise contre eux; mais ces bons Suisses ne connaissaient pas jusqu'où peut aller, chez des esprits étroits et des âmes haineuses, la

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