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ral Derlach s'y dévoue; un affreux et trop 1798. sûr pressentiment le poursuit. Un peu avant le combat, il dit au jeune Varicourt, officier français qui lui servait d'aide-de-camp : « Mon «< ami, je vois lever le soleil, mais je ne le << verrai pas coucher. » Steiger vient aussi chercher le combat, le conseil s'est dissous par une abdication définitive; Steiger, qui s'est opposé le dernier à ce lâche parti, se voit dépouillé de toute autorité, et ne peut plus rien pour sa patrie, que mourir. Septuagénaire, il vient prendre place dans les rangs : le premier magistrat de la République n'est plus qu'un grenadier.

Les deux points principaux de la bataille du 5 mars, furent Neuneg et Fraübrunen ; au premier de ces postes, huit mille Bernois, formés et armés au hasard, eurent à se défendre contre quinze mille Français commandés par le général Pigeon, souvent nommé dans les campagnes d'Italie; d'abord ils furent enfoncés, mais ils revinrent jusqu'à trois fois à la charge; un renfort de milice de l'Oberland décida la victoire pour les Bernois, dix-huit canons en furent les trophées, et deux mille Français restèrent sur le champ de bataille;

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les vainqueurs avaient gagné du terrain, et déjà ils s'apprêtaient à marcher sur Fribourg, lorsqu'ils apprirent la malheureuse issue du combat de Fraübrunen.

Le général Shauenbourg dirigeait l'attaque des Français, le général Derlach commandait les Bernois, et près de lui se trouvait Steiger; la disproportion du nombre était effrayante : six mille Bernois se trouvaient en présence de dix-huit mille hommes de ces troupes qui remplissaient l'univers de terreur et d'admiration; il fallait que les Français, qui avaient à repousser le choc du désespoir, continssent leur ardeur pour n'écouter que la discipline. L'avant-garde ennemie qui vient s'offrirà leurs coups, leur cause un frémissement involontaire; ce sont pour la plupart des femmes qui s'avancent; la mère y conduit ses filles, son époux et ses fils combattent à ses côtés ; les familles ont formé le vœu de mourir ensemble. Pourra-t-on quitter le combat? La femme sera

pour venger son mari, et le frère sera là pour venger ses sœurs; mais point de cavalerie, point d'artillerie volante, point d'ordre, point de tactique; la patrie et la famille voilà les deux seuls appuis du courage.

Les Français s'étonnaient de voir les paysans armés, après avoir été repoussés quatre fois, se replier en bon ordre et faire encore volte-face; tout à coup ces paysans se précipitent à la bouche des canons; les Français frappaient à regret des femmes, et les conjuraient en vain d'éviter une borrible mitraille. Enfin la victoire des Français fut assurée par leur discipline, leurs canons et leur cavalerie; tristement vainqueurs, ils confessaient n'avoir jamais vu un plus hideux champ de bataille, deux cents héroïnes le couvraient de leurs restes. Le chemin de Berne était ouvert aux Français.

Après avoir montré l'héroïsme de ces fidèles Suisses, je suis forcé de parler encore une fois de leurs fureurs; indignés d'avoir vu leur vaillance inutile, ils se persuadent que des traîtres ont seuls empêché le succès de leurs efforts. Ceux même qui avaient combattu à Neuneg tuèrent à coups de pique et de crosse deux colonels qui les avaient conduits à la victoire; les combattans infortunés de Fraübrunen étaient altérés du sang de leur général Derlach. Pendant le combat il avait circulé dans leurs rangs des billets où il était signalé comme un traître, et qui, suivant toute

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apparence, étaient l'ouvrage de quelques émissaires du Directoire, cachés dans les rangs de ces braves; dès la veille on avait essayé d'attenter aux jours du général; il s'entretenait pendant la nuit avec son digne ami l'avoyer Steiger à la clarté mouvante d'un bivouac, lorsqu'un assassin se glissa entre eux, et subitement effrayé, s'enfuit en laissant tomber son poignard. Derlach, après la bataille perdue, s'occupait encore de rallier les siens, lorsqu'après l'avoir couvert d'outrages et d'imprécations, ils le saisissent, l'enchaînent et le livrent à la mort la plus lente et la plus horrible. Steiger se retirait sur un char; les assassins de Derlach le rencontrent, il porte encore les simples habits sous lesquels il a combattu, mais son air de dignité a fait supposer qu'il était magistrat ; et les hommes qui combattent pour le sénat ont juré la mort de la plupart des sénateurs; ils vont frapper; Steiger offre sa poitrine à leurs baïonnettes; ce mouvement leur a fait reconnaître le premier magistrat de la République, et le seul homme dont ils vénèrent encore les vertus. Pleins de repentir, ils tombent à ses ge

noux.

Le soir même du combat, Berne avait ou

vert ses portes, et la campagne n'avait duré
que cinq jours; les vainqueurs s'abstinrent de
cruauté. Le trésor de Berne préoccupait tous
les esprits. On s'empara de toutes les caisses
publiques; et l'on sut même trouver les
sommes que les sénateurs bernois, pour plus
de sûreté, avaient fait transporter jusque sur
les montagnes du fidèle Oberland. Cette proie
répondit à peu près aux avides calculs du Di-
rectoire. Personne cependant n'a pu encore
l'évaluer avec justesse, parce qu'au pillage du
trésor se joignit celui de beaucoup d'autres
caisses; les calculs les plus modérés estiment
à vingt ou vingt-cinq millions le butin fait`
sur l'opulente Berne. Quelques sénateurs ber-
nois se donnèrent la mort en voyant le dé-
sastre de leur patrie; d'autres expirèrent de
douleur. Les Français mirent leur orgueil à
enlever les ours de Berne, ils les firent con-
duire à la ménagerie du Jardin des Plantes;
on dit qu'il y existe encore un de ces animaux.
Comme les Français traversaient les champs
de Morat, ils virent avec horreur la chapelle
où étaient entassés les ossemens des Bour-
guignons : « C'étaient des Français, se dirent-
«< ils; ne souffrons pas plus long-temps cet
<< outrage fait à nos compatriotes! » Après

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