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1798.

faiblis et divisés; on voulait se fier encore au parti des négociations; on allait jusqu'à se supposer coupable de quelques torts envers la République française, afin de lui offrir divers genres de réparations. A Venise, c'étaient les vieux sénateurs qui avaient incliné vers les partis timides; à Berne, c'étaient les jeunes patriciens qui, abjurant la chaleur et la générosité de leur âge, ne parlaient que de prudence à l'approche du danger. La révolution française avait trouvé dans plusieurs d'entre eux d'imprudens admirateurs; ils ambitionnaient des magistratures suprêmes auxquelles leur âge ne leur permettait pas encore de parvenir. En vain étaient-ils pénétrés de respect ou d'admiration pour les vertus et les talens de l'avoyer Steiger, qui se refusait à de lâches soumissions; ils ne voulaient voir dans sa fermeté inflexible que l'obstination d'un vieillard, digne il est vrai des siècles antiques, mais peu fait pour le sien.

de

Le résultat des délibérations fut, d'un côté, provoquer une levée générale des habitans, et de l'autre, de mendier un armistice auprès du général Brune. On l'obtint, et on eut tout lieu de s'en repentir : les Français employèrent

cette trève pour entretenir des discordes; 1798. Brune excite une sédition dans l'Argovie. Il décide le canton de Schaffhouse à imiter le déplorable exemple de Bâle; puis il envoie des députés de l'un et de l'autre de ces cantons, parler de paix à Berne, vanter la modération du gouvernement français, se glorifier de leurs chaînes nouvelles, rallier à eux les sénateurs ou lâches ou perfides, et rompre les courageuses mesures de l'avoyer Steiger et du général Derlach. Le conseil se divise; la majorité reste fidèle et veut combattre, la minorité proteste, signe une abdication, et consent à toutes les propositions du général français. C'était à l'aspect de Venise opprimée et vendue que Berne répétait successivement toutes les fautes du conseil de Venise.

Mais l'armée bernoise s'assemble; l'Oberland y a envoyé presque toute sa population; la violation du territoire est devenue comme une sorte d'outrage personnel envers chacun de ces cultivateurs; c'est un sacrilége envers leurs aïeux; ils frémissent en apprenant que plusieurs de ces sénateurs qu'ils viennent défendre, ne savent ni s'armer ni s'indigner

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comme eux. L'aristocratie leur est chère plus
que jamais ; c'est la loi du
pays, elle a fait leur
bonheur; ils la regardent comme une garan-
tie de leur gloire ; mais ce sentiment même
les rend furieux contre des aristocrates inti-
midés ou perfides qui parlent d'abdiquer
le pouvoir au moment du danger. A peine
sont-ils armés de fourches et de faux, qu'ils
demandent: Où sont les batteries et les
baïonnettes françaises ? Pourquoi cet armi-
stice, pourquoi ces négociations? Les Français
ne sont-ils pas sur ce territoire où les mai-
sons d'Autriche et de Bourgogne ont trouvé
le salaire de leurs violences? Quand les osse-
mens des Français agresseurs seront-ils joints
à ceux des soldats de Charles-le-Téméraire,
aux champs de Morat et dans la chapelle des
Bourguignons? Les femmes échauffent encore
ce patriotisme bouillant et sinistre : on dirait
qu'elles ont sucé le lait des premières héroïnes
de la patrie. Ces femmes ne veulent plus que
rangs des soldats leur soient fermés; elles
veillent avec eux, partagent leurs travaux et
réclament la première part des dangers. Que
si des officiers bernois gourmandent une
ardeur inconsidérée, qui va faire courir ce

les

peuple à la mort plutôt qu'à la victoire, ils 1798. sont accueillis par de sombres rumeurs. Ne font-ils pas partie de ces traîtres de Berne, qui ont reçu l'or de la France pour asservir leur patrie? Mort aux traîtres! répète-t-on dans tous les rangs. Le général Derlach, qui dans le conseil n'a cessé d'appuyer le patriotisme courageux. de Steiger, lui à qui l'armistice est odieux, et qui sollicite chaque jour l'ordre de le rompre, est lui-même l'objet de ces soupçons, de ces fureurs.

et prise de

Brune voit qu'il n'y a plus un moment à Combats auperdre pour l'attaque; le 2 mars 1798, il rompt tour de Berne, l'armistice, sans en avertir les Bernois. Le gé-Mars 1798. néral Schauenbourg commande l'avant-garde;

on marche sur Soleure; un bataillon de l'Ober-
land a été surpris, mais les nouveaux soldats ne
jettent point leurs armes devant les vainqueurs
de l'Italie. Des femmes, qui sont entrées dans
les
raugs, s'élancent les premières; les Fran-
çais s'étonnent et s'affligent d'avoir à combattre
ce nouveau genre d'ennemis; le bataillon a
perdu deux cents des siens, et son colonel
Wurstenberger. Les Bernois se retirent, mais
pour faire encore plusieurs fois volte-face;
malheureusement ils n'ont point été secondés

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par la milice de Soleure. Cette ville ouvre ses portes ; les magistrats de Fribourg voient fondre sur eux l'orage, et bientôt ils capitulent. Cette lâcheté, qui a livré sans coup férir deux villes susceptibles de quelque défense, perce le cœur des paysans armés; ils ne veulent plus reconnaître la voix de leurs chefs, et supportent à peine quelques officiers. Ce sont eux-mêmes qui s'assignent les postes du combat; le tocsin qu'on sonne de tous côtés entretient leur furie et la pousse jusqu'aux plus horribles excès; ils marchent sur Berne, pour massacrer les membres d'un gouvernement dont ils se disent trahis. Bientôt ils s'étonnent d'un transport qui leur a fait quitter leur poste; leur rage s'assouvit sur les colonels Stettler et Ryhiner, qu'ils percent de mille coups de baïonnette. Sans se repentir de ces indignes meurtres, ils voudraient du moins que le sang des ennemis lavât celui de leurs compatriotes; le 5 mars ils goûtent enfin le bonheur d'engager sur toutes leurs lignes des combats acharnés. Les destins en furent bien différens, mais l'ardeur fut partout la même. Il n'y avait point un plus horrible danger que celui de commander à ces furieux. Le géné

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