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du sénat, et ne faire aucune concession aux demandes du pays de Vaud; mais ils différaient sur le système qu'il convenait de garder à l'égard de la France révolutionnaire.

Jusqu'à la journée du 10 août, on n'avait pas mis en problème si l'on maintiendrait une neutralité qui avait fait, depuis plusieurs siècles, la commune sécurité des deux États. Un cri d'horreur et de vengeance s'éleva d'abord dans les cantons de Berne, de Soleure et de Fribourg, quand on apprit les atroces massacres auxquels avaient été livrés, après le combat, ces héros fidèles à leur serment, qui, jusque dans la défaite, avaient égalé la gloire des vainqueurs de Morgarten, de Granson et de Morat. Les paysans surtout avaient cédé à leur instinct national et belliqueux. Le bruit du tambour avait roulé sur toutes les montagnes, le son du tocsin dans toutes les vallées; les parens des héroïques victimes, surtout dans les cantons de Fribourg et de Solcure auxquels appartenaient pour la plupart les Suisses du 10 août, se montraient en habits de deuil, et rappelaient avec orgueil les beaux faits des Durler, des Pfiffer, des Backman, des Reding, des Maillardoz, avec horreur les détails de leur supplice. Une

1798.

1798. politique glaciale, inepte et dénaturée réussit à faire taire un généreux transport qui seul pouvait opérer le salut de la Suisse et maintenir sa gloire; on parut satisfaire aux vœux du peuple en convoquant une diète; la plupart des avis y furent dictés par ce lâche égoïsme qui prétend aux honneurs d'une haute prudence. On y allégua trop généralement le danger d'épouser la cause de tous ces guerriers que les Treize-Cantons prêtent à divers gouvernemens comme des troupes auxiliaires; on cita, ou plutôt on dénatura maint exemple historique pour justifier de si lâches conseils, comme s'il n'était pas gravé dans les annales et encore plus dans le cœur de toute nation, qu'il faut venger le sang de ses compatriotes égorgés sur un sol étranger, sur un sol ami, par des tyrans en fureur ou par un peuple en démence; et ce devoir n'était-il pas mille fois plus impérieux, quand ces généreuses victimes, en acquittant la dette de leur patrie, l'avaient enrichie d'une nouvelle gloire? Avec une telle indifférence on mettait sur la même ligne les Suisses du régiment de Châteauvieux, qui avaient rompu leurs sermens, et ceux des Suisses de la garde royale, qui avaient su garder les leurs au milieu

d'un peuple fanatique dans sa rébellion. La Suisse allait donc subir une tache quisemblait faire disparaître du rang des nations le peuple de Guillaume Tell. Le colonel Deweiss, sénateur bernois qui avait eu la plus grande part à cette honteuse résolution du maintien de la neutralité, fut chargé de la notifier aux républicains de France, et s'établit le courtisan de Roberspierre. Ce n'était pas qu'il songeât à trahir les intérêts de l'aristocratie bernoise, dont lui-même était un partisan très déclaré; mais il entendait assez mal la politique pour croire que ses plus hauts mystères peuvent consister dans les plus déplorables bassesses; il fallut bientôt subir de nouveaux affronts, supporter en silence que la ville de Genève, alliée aussi importante qu'illustre de la confédération, fût soumise aux armes de la France, et traitée, par les délégués de Roberspierre, avec autant de barbarie que si elle avait été une ville française.

Cependant Berne, long-temps majestueuse ayant-garde de la Suisse, irritait par son bonheur et son opulence cette République française qu'elle avait cru désarmer par la timide circonspection de sa politique. Rien ne pouvait faire oublier aux Directeurs, et surtout

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1798. à Rewbell, que Berne possédait un trésor évalué de loin à trente ou quarante millions. Berne trouvait ainsi sa perte dans une ressource ménagée depuis trois siècles pour son salut. Quelques argumens qu'on fit valoir pour la Suisse, la cupidité fiscale de Rewbell répondait toujours, et le trésor de Berne! il fallait donc se préparer à la défense, user de toutes ses ressources, éloigner dans l'intérieur tout sujet de discorde. Que de maux n'eût pas prévenus ce sage gouvernement, en se montrant, d'un côté, plus fier envers la République, et de l'autre plus traitable envers ses sujets du pays de Vaud, qu'il était temps d'admettre à quelque exercice des droits de la souveraineté l'aristocratie n'a souvent qu'un

moyen de salut, c'est de s'étendre.

La plupart des autres cantons aristocratiques n'éprouvaient point ces sujets d'alarmes; Fribourg et Soleure, quoique beaucoup moins florissans que Berne, étaient soutenus dans leur éloignement pour la révolution française, par la piété fervente des habitans catholiques; tout s'y ressentait de la paix un peu indolente qu'amène la vie pastorale; on y réfléchissait peu sur les formes du gouverne

nement. La constitution de Bâle offrait une

aristocratie tempérée par un adroit mélange 1798. de forme démocratique; mais les fréquentes visites des Français et le commerce habituel que ce canton entretenait avec eux, le disposaient un peu plus à l'esprit révolutionnaire. Zurich voyait fleurir d'innombrables ateliers et se livrait à la plus active industrie. Neufchâtel jouissait de la liberté la plus douce sous la protection, presque gratuite, du roi de Prusse son commode souverain. Lucerne goûtait une paix si profonde qu'on n'y connaissait que par l'histoire, le nom de faction; les cantons démocratiques, nommés les petits cantons, semblaient voir avec dédain, du haut de leurs montagnes ou dans le calme fortuné de leurs vallées, les agitations vaines et frénétiques avec lesquelles on poursuivait en France une liberté dont quatre siècles de gloire et de vertu leur avaient, assuré la jouis

sance.

C'était surtout depuis la seconde moitié du dix-huitième siècle, que la Suisse s'était élevée à une prospérité nouvelle; elle la devait au génie de plusieurs de ses compatriotes, et surtout à celui de l'éloquent J.-J. Rousseau. Par le tableau de quelques sites de sa patrie, il avait excité partout le plus vif désir de s'élever sur

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