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1798. tique, stupide à force d'injustice et d'inhumanité. Quel en fut le mobile? On ne peut le trouver que dans les calculs les plus délirans de la cupidité, et dans cette fureur systématique qui voulait appuyer la République française sur une longue chaîne de républiques esclaves. Entre les Directeurs, ce fut Rewbell qui prit le plus de part à cette horrible agression. Que son nom en porte tout le poids dans la postérité! Du fond de son cabinet, il fut l'Attila de la Suisse, tandis que La Réveillère-Lépeaux était le Genséric de Rome.

la révolution

État de la Je vais rapidement examiner l'état de la Suisse avant Suisse avant le bouleversement. Je commence et la guerre par le canton qui fut le principal objet de la guerre, celui de Berne.

helvétique.

Cette aristocratie n'avait jamais eu recours à la politique ombrageuse de Venise. Tout son secret, pour cimenter son pouvoir, avait été de rendre le peuple heureux. Ces patriciens, qui se décoraient du titre de magnifiques seigneurs, vivaient sans appareil, et l'économie du père de famille leur avait enseigné les grandes leçons de l'économie de l'homme d'état. Nul gouvernement, en Europe, ne justifiait mieux les publicistes un peu trop insoucians, qui montrent une indiffé

rence absolue pour les formes du gouverne- 1798. ment, et croient voir la meilleure constitution dans l'État le mieux administré. Tout dans le canton de Berne paraissait disposé pour le bien-être de l'homme; l'aisance partout, le faste nulle part; c'était un sénat qui ne semblait voir d'ennemis d'aucun côté; sa police était imperceptible et cependant vigilante. Berne, la ville souveraine, est loin de rivaliser avec la magnificence des villes d'Italie; mais elle tire son éclat d'une propreté et d'un esprit de prévoyance qui ont long-temps manqué aux plus superbes capitales de l'Europe; partout des trottoirs et des arcades continues mettaient les habitans, soit à l'abri des injures du ciel, soit à l'abri du choc rapide et de l'embarras des chars; l'égalité y régnait même avec un peu de monotonie, et l'on eût pris cette capitale d'une forte aristocratie, pour celle de la démocratie la plus judicieuse.

On ne désire point de palais, dans ce séjour de la tranquille aisance. Les ponts, les digues, les écluses, qui domptent les torrens ; les fontaines multipliées avec un sage discernement; les routes plantées d'arbres, soigneusement entretenues, et dont l'agriculture n'accuse point l'excessive largeur ; les chemins vici

1798.

naux ; les sentiers qui grimpent à travers des monts escarpés, faisaient sentir la sagesse paternelle d'un gouvernement qui n'offre point une armée de sbires, de commis.

Deux peuples différens de moeurs et de langage obéissaient aux lois de Berne, et n'offraient que des nuances diverses de bonheur. Le peuple allemand occupait la partie la plus fertile de ce grand canton; nulle part on ne voyait l'agriculture plus honorée, ni le laboureur recevant avec plus de sûreté, avec plus d'aisance, et même de fierté, le prix de ses travaux; commodément logé, nourri d'alimens sains et forts, patriarche sédentaire, veillant au bien-être de sa famille avec aussi peu de bruit que les magnifiques seigneurs veillaient au sien même, il ne voyait rien, sous le ciel, qui pût exciter son envie; égal aux grands de la terre par la domination domestique la plus respectée, égal à tous les sages par un contentement savouré au milieu des travaux et de la paix, il permettait quelque luxe à sa femme, à ses filles, et les marchés de Berne offraient partout aux voyageurs les bracelets, les anneaux, les agrafes et les croix d'or, por

tés
par de simples paysannes. Ce luxe n'avait
rien de choquant, ou plutôt il attendrissait

l'âme, parce qu'il était le même pour toutes 1798. les femmes. La beauté du bétail annonçait la vigilance des gardiens et des gardiennes; les animaux semblaient avoir leur part de cette tranquille félicité. Il est vrai que cet air d'aisance générale allait en diminuant quand on s'approchait des montagnes et des glaciers; mais on y voyait les efforts heureux de l'industrie et de la patience, et on s'étonnait de rencontrer, dans ces lieux sauvages, des auberges tenues avec un luxe et même avec d'agréables recherches dignes des plus grandes capitales.

L'autre peuple sujet de Berne parlait la langue française; c'était le pays de Vaud. Là le bonheur s'offrait sous un aspect plus éblouissant, mais n'était pas goûté avec cette même philosophie pratique. Combien ne se plaît-on pas à voir, sur les bords du lac de Genève, ces villes de Nyon, de Morges, de Rolle, de Lausanne, de Vevay, les unes si remarquables par leur propreté élégante, et les autres si riches en aspects magnifiques. Sur un sol peu fertile s'élevaient des jardins délicieux; la terre était forcée de répondre aux soins les plus constans et les mieux entendus on admirait surtout les terrasses longues et har

1798. dies où la terre a été apportée, à grands frais, pour recevoir la vigne sous une exposition favorable. Le secret par lequel le sénat de Berne avait créé et maintenait cette prospérité dans le pays de Vaud, aussi-bien que dans la partie allemande de ses États, c'était une extrême modération dans les tributs, amenée par une judicieuse modération dans les dépenses; ces impôts ne consistaient guère que dans des dîmes à peu près équivalentes à celles qu'en France on payait au clergé; mais les sénateurs de Berne traitaient avec assez de hauteur un peuple qui, voisin de Genève, participait un peu de l'humeur inquiète de cette ville, aimait les discussions politiques, et souffrait de se voir pour jamais exclu de toute participation aux soins et aux honneurs du gouvernement. La révolution française développa cette disposition chagrine qui devint bientôt turbulente; les baillis de Berne eurent à réprimer quelques tentatives séditieuses que j'ai mentionnées ailleurs, et sévirent avec une rigueur peut-être excessive contre les deux frères La Harpe. Deux partis divisaient le sénat de Berne: l'un et l'autre étaient d'une parfaite intelligence pour maintenir pleine et absolue la domination

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