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blique ligurienne en guerre avec le roi de 1798. Sardaigne, et le Directoire ne manqua pas d'applaudir au bouillant patriotisme qui leur mettait les armes à la main contre un tyran. Chaque jour les rebelles piémontais sortaient du territoire ligurien, passaient en toute sûreté, ou plutôt avec toute protection devant la citadelle de Tortone occupée par des Français. Cependant la fidélité des troupes piémontaises n'était point ébranlée : ni le roi ni son ministre ne donnaient aucun signe de faiblesse; les rebelles, mêlés à des Liguriens, et même à des Français, éprouvèrent deux sanglantes défaites : l'une de ces rencontres coûta la vie à plus de six cents républicains; ils étaient moins tombés sous les coups des soldats que sous ceux des paysans, et avaient péri dans d'horribles supplices, tels qu'on les voit toujours répétés dans les vengeances populaires.

La république ligurienne ne posait point les armes; un grand mouvement se préparait dans la cisalpine, et les généraux français ne cachaient plus qu'ils avaient reçu l'ordre de soutenir et de venger les patriotes opprimés. Brune surtout étourdissait le roi de ses menaces pour en prévenir l'accomplisse

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1798. ment, il exigeait que le roi accordât une entière amnistie aux rebelles, et que les Français fussent reçus dans la citadelle de Turin. A ce prix, il promettait que les Français emploieraient désormais leurs soins pour prévenir de nouvelles rébellions, et leurs armes pour les réprimer. La constance de CharlesEmmanuel était lassée; il donna un triste complément aux fautes de son père, en accédant à une telle proposition. Dès que les Français furent maîtres de la citadelle de Turin, Charles-Emmanuel se vit en quelque sorte captif dans son palais chaque jour on venait lui demander compte du meurtre de quelques Français égorgés dans les campagnes. Pour colorer la plus indigne perfidie, on criait contre lui: Au perfide! Un jour, un secrétaire de la légation française apporta devant le ministre Priocca une caisse remplie de poignards, comme un témoignage évident de trahison, et c'était ce secrétaire qui avait luimême formé cette caisse. On cherchait un éclat, et voici un infâme moyen qui fut imaginé. Une mascarade fut arrangée par un grand nombre d'officiers et de soldats français dans la citadelle de Turin; ils choisirent pour déguisement des costumes faits pour

tourner en dérision les mœurs, les habitudes 1798. et la croyance des graves et religieux Piémontais. La mascarade était appuyée par des soldats qui présentaient la baïonnette, et par des hussards qui couraient sabre levé : cette troupe, dans sa gaîté cruelle, se répandait en invectives contre les magistrats, en insultes contre les femmes, en imprécations contre les prêtres, en menaces contre le roi. Sans respect d'âge ni de sexe, on culbutait tous ceux qui n'ouvraient pas un passage assez prompt à la hideuse mascarade; elle pénétra ainsi jusque dans la place la plus fréquentée de Turin, et le dimanche y avait rendu l'affluence très considérable. Déjà l'on se range sur deux lignes; déjà le peuple dans son désespoir se fortifie de quelques soldats fidèles: des coups de fusil se sont fait entendre de part et d'autre, et quelques Français sont tués sur la place; ainsi, sous les auspices de la folie va commencer un épouvantable massacre dans une des plus belles villes du monde. Le général Ménard, officier plein d'honneur et d'humanité, voit le danger, et a la force de prévenir cette horrible mêlée : d'une voix ferme il menace, il condamne les auteurs de cette coupable mascarade; il ordonne à toute

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la troupe de rentrer dans la caserne, et a le bonheur de se faire obéir.

Mais la sédition se déclare sur tous les points du Piémont; les Français, qui venaient de prendre l'engagement de la réprimer, en sont partout les ministres, les auxiliaires, les provocateurs ; ils s'emparent des forteresses; leur armée est partout. Quelle défense le roi peut-il tenter aujourd'hui? Il s'est laissé cerner dans sa capitale; pas un jour, pas une nuit, ne se passe sans présenter des chances de mort à lui, à l'auguste Clotilde son. épouse, au duc d'Aoste son frère, à tous les siens; le Directoire s'est promis le plaisir de faire passer toute cette famille royale sous le joug, de montrer au peuple de Paris ces augustes captifs, et de les faire gémir dans une prison perpétuelle. M. de Talleyrand, ministre des affaires étrangères, destiné à rendre un jour de si importans services à la monarchie française, sauva, dans la personne de Charles-Emmanuel, la royauté de nouveaux outrages et de nouveaux supplices. C'est le témoignage que lui rend l'intègre et judicieux historien de l'Italie, M. Charles Botta. Au général Brune avait succédé, dans le Piémont, le général Joubert, qui voulait être à la fois

fidèle aux lois de la République et à celles de 1798. l'honneur. M. de Talleyrand, sûr de trouver dans ce vaillant et noble militaire un instrument de ses desseins, lui fit part des projets cruels qu'on agitait, ou plutôt qu'on avait déjà arrêtés au Luxembourg, l'autorisa à en donner l'avis au roi, et à le presser de finir d'interminables malheurs, en signant un acte d'abdication qui lui laisserait au moins son île de Sardaigne pour refuge. Le roi céda à une fatale nécessité; il lui fut permis de sortir de Turin, pendant la nuit, avec toute sa famille, et il avait déjà gagné les États protecteurs du grand-duc de Toscane, lorsqu'arriva l'ordre du Directoire de l'arrêter. CharlesEmmanuel s'embarqua pour la Sardaigne. Les soins d'un peuple fidèle, et ceux de la reine Clotilde, lui firent oublier les ennuis dont il avait été assailli sur un trône trop voisin d'une république conquérante.

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Au moment où la chute du roi de Sardaigne complétait l'asservissement de l'Italie, l'asile le plus vénéré de la liberté dans les temps modernes, la Suisse, était déjà, depuis plusieurs mois, pillée, saccagée, asservie, par les flegmatiques et impitoyables chefs du gouvernement français. Ce fut un crime poli

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