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caractère égal et paisible l'attachait aux prin- 1796. cipes modérés.

Le parti du Directoire ne comptait point aux Anciens d'orateurs remarquables. MM. Baudin et Creusé-Latouche, qui en étaient souvent les organes, se réservaient quelque portion d'indépendance. Dans leurs idées constitutionnelles, ils tenaient à faire usage quelquefois du refus de sanction, afin d'affermir l'existence et la dignité du conseil des Anciens. Par la revue que je viens de faire des principaux orateurs de l'opposition dans les deux Conseils, on voit qu'ils ne s'étaient pas constitués dans un état direct d'hostilité contre la République. Ils la regardaient seulement comme un régime provisoire qui, sous l'empire d'une constitution modérée, ramenerait les Français sans violence vers la fixité et les sages contre-poids de l'état monarchique. Ils voulaient appliquer à la République des principes généraux de justice et de morale que réclame toute espèce de gouvernement bien fonds. Si elle succombait dans l'expérience, c'était une preuve de plus de sa vicieuse nature. Ils voulaient seulement que sa mort ne fût accompagnée d'aucun nouveau désastre pour la France.

Marche et sition dans les

but de l'oppo

deux Conseils.

1796.

Impulsion

Mais les écrivains royalistes, jeunes pour

royaliste don- la plupart, et d'un caractère assez ardent, se née à l'esprit piquaient moins de circonspection; ils se

public.

retrouvaient avec étonnement, avec ivresse, dans une position plus favorable que celle d'où le canon du 13 vendémiaire les avait fait descendre pour quelques jours seulement. La province se montrait aussi éprise que Paris des productions éphémères de leur politique sémillante et passionnée. L'impatience française ne pouvait plus s'accommoder des traités politiques; on était insatiable d'articles de journaux ; tout souriait à une polémique qui faisait présager la chute prochaine de cette révolution que tant de vœux avaient appelée. Il s'imprimait à Paris seulement plus de soixantedix journaux politiques et quotidiens, parmi lesquels on en comptait à peine trois ou quatre empreints de la couleur républicaine, et qui, favorables à l'autorité, ne trouvaient qu'un petit nombre de lecteurs. L'offensive dans ces sortes de débats obtient toujours une extrême faveur. Il pleuvait des satires ménippées. La proscription que les écrivains royalistes avaient encourue avait resserré leurs liens et leur amitié. Échappés à la mitraille et aux commissions militaires, ils se regardaient comme

les

invulnérables. Quinze ou vingt d'entre eux, et c'étaient les plus accrédités dans l'opinion, se réunissaient habituellement. Rien n'était plus gai, plus ouvert ni plus franc que délibérations de ces jeunes publicistes ; leurs vœux conspiraient pour la monarchie, quoiqu'ils ne s'entendissent pas fort bien sur le mode de monarchie qui devait être préféré. Le concert de leurs éloges élevait fort haut une renommée qu'ils prenaient sous leur protection. Ils préparaient les suffrages pour les comices nouveaux, aussi se voyaient-ils sollicités et flattés par les plus illustres candidats. La révolution suivait un tel cours rétrograde, que d'être réputé ami de l'ordre était un titre à la popularité. Ces écrivains étaient si émerveillés de leur pouvoir éphémère, qu'ils s'appelaient quelquefois dans leurs feuilles, magistrats de l'opinion publique. Ils riaient entre eux lorsqu'ils se saluaient de ce titre; mais ce qui nuisait le plus à leur dignité magistrale, c'étaient les épigrammes acérées et perpétuelles dont ils assaillaient le parti ennemi. Le manteau directorial, loin de mettre à l'abri de leurs coups les attirait de préférence. Cependant Carnot était épargné, malgré le souvenir et du vote régicide et du comité de

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salut public. On désolait en même temps des ministres ou des députés, tels que Merlin de Douai, Syeyes, Louvet, Chénier, Tallieu et Fréron. Richer-Sérisy était chargé du département des philippiques. Son style était inégal et peu correct; mais il avait de la verve et du coloris. Il paraissait emporté par une passion trop vive pour être contenue; tout était absolu dans ses sentimens, tranchant dans ses expressions, et c'est ce qui excitait l'enthousiasme des royalistes les plus prononcés. MM. Fiévée et Bertin, qui devaient suivre long-temps la carrière de publiciste, et s'y élever beaucoup, s'annonçaient dans leurs feuilles spirituelles comme des partisans des doctrines de Montesquieu. M. Michaud, qui devait s'illustrer par l'Histoire des Croisades, porta le courage et le zèle jusqu'à faire un éloge direct des princes exilés. C'était un délit qui, dans les lois révolutionnaires, emportait peine de mort. Cet écrivain fut bientôt arrêté et traduit devant des jurés qui osèrent l'acquitter. Un grand et salutaire effet illustrait cet emploi de journaliste, qui ne fut point dédaigné par MM. de La Harpe, Morellet, Fontanes, l'abbé Sicard, le spirituel abbé de Vauxelles, et quelques autres honorables vétérans de la littérature.

les

Comme l'époque de l'élection partielle 1796. approchait, le Directoire et ses partisans ne purent douter qu'elle allait se faire sous l'influence des journaux royalistes, et que le tiers conventionnel qui resterait subirait à son tour la dure loi de la minorité. Ils cherchèrent un moyen de leur imposer un frein qui diminuerait à la fois leur audace et leur crédit. Daunou, Chénier et Louvet proposèrent au Conseil des Cinq-Cents des lois relatives aux délits de la presse. Quoiqu'elles fussent assez rigoureuses, elles commençaient à graduer les peines pour ces sortes de délits, tandis que lois révolutionnaires qu'on leur appliquait portaient toutes la peine de mort; mais leur atrocité les rendait inexécutables. Le combat s'engagea vivement à la tribune. Les orateurs royalistes, et particulièrement MM. Pastoret et l'Emerer s'opposèrent avec énergie et talent à des lois qui arrêtaient les progrès d'une opinion favorable à tous leurs vœux. Ils s'appuyaient sur la constitution et sur l'expérience. N'était-ce pas sur la destruction de la liberté de la presse que Roberspierre et les décemvirs avaient fondé leur monstrueuse tyrannie. « Rougissez, disaient-ils aux Gi

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