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1798. bord commandé le plus vif enthousiasme le plaisir d'un grand changement et d'un spectacle nouveau y prête bientôt quelque vérité; les Romains se croient rajeunis de deux mille ans; il ne leur en coûte que d'arborer une cocarde tricolore, que de planter les arbres de la liberté, pour se croire non seulement les fils, mais les égaux des Publicola et des Brutus; leurs chefs les conduisent vers l'antique Forum, et leur annoncent la délibération la plus auguste. Le silence prescrit et obtenu, l'un d'eux demande, d'un ton solennel: Est-ce la volonté du peuple romain d'être libre? Vingt mille voix répondent: Oui; la demande est encore répétée, et obtient le même assentiment. Alors, cinq notaires s'avancent et rédigent l'acte par lequel le peuple romain rentre dans tous les droits de l'homme, se déclare libre et souverain, renonce au gouvernement du pape, et prétend vivre et mourir libre. Cependant ceux des Romains qui portaient au fond de leur cœur quelque sentiment et d'indépendance et d'orgueil national, versaient des larmes, en abjurant des lois douces et respectées qui allaient faire place à des lois de sang et de pillage. Ces larmes étaient interprétées comme celles de

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pape,

la joie. Un assaisonnement nécessaire à cette
fête, c'étaient des blasphèmes contre le
les prêtres, et la religion elle-même. La
crainte fit à Rome, comme elle avait fait par-
mi nous, des fanfarons d'incrédulité; on fit
quelques apprentissages de sacrilége, et le
cœur du Saint-Père fut percé par les cris d'une
impiété factice et forcée, qu'il entendait du
haut du Vatican désert; puis on suivit Ber-
thier au Capitole. Ce militaire, peu fait pour
de pareilles saturnales, affectait en vain l'air
de la joie et du triomphe; la gêne perçait
dans ses mouvemens, dans ses discours; il
savait trop à quel prix le Directoire vendait
la liberté. Le lendemain commença le pillage
régulier et continuel de toutes les églises, et
bientôt de tous les palais de la grande métro-
pole de la chrétienté. Comme le pape, sui-
vant la fiction de la veille, avait été dépos-
sédé du pouvoir souverain, sa garde suisse
fut relevée par une garde française; le géné-
ral Cervoni vint le sommer de renoncer à son
autorité temporelle, et de se contenter du
pouvoir spirituel. Pie VI répondit :

« Je tiens mon autorité temporelle de « Dieu, et de la libre volonté des hommes, je ne puis, nine veux y renoncer; j'ai quatre

1798.

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1798. << vingts ans; vous pouvez me faire beaucoup « de mal; mais vous ne pouvez m'en faire << bien long-temps encore. Je suis préparé à << toutes les disgrâces. Pontife suprême, je << veux, autant qu'il dépendra de moi, mou«rir dans l'exercice de tous mes pouvoirs. Employez la force; elle est en vos mains; « mais apprenez que si vous êtes maîtres de « mon corps, vous ne l'êtes point de mon «‹ àme. Libre, dans la région où elle s'est pla«< cée, elle ne craint rien des événemens d'ici«bas. Je touche au seuil d'une autre vie; là, « je serai à l'abri de la violence et de l'impiété. >>

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Bientôt le Saint-Père fut puni de son noble refus; on l'arrache à son trône, à l'autel; on veut bien lui accorder encore un asile en Toscane; mais on ne l'en laissera pas jouir longtemps. Des dragons français le conduisent et semblent fiers de leur inhumanité; cependant le peuple accourt de toutes parts, pour voir encore une fois, pour vénérer l'auguste pontife; ni les années ni les souffrances n'ôtaient rien à la dignité ni même à la beauté de ses traits.

Ses malheurs ont rehaussé pour lui l'éclat de la tiare. On se précipite aux genoux d'un..

souverain dépouillé, et l'on regarde comme un inexprimable bonheur de recevoir la bénédiction d'un captif.

Le grand-duc de Toscane, dans ses sentimens nobles et religieux, s'applaudissait de pouvoir consoler un tel hôte, mais Pie VI fuit la cour; il ne lui faut qu'une retraite pieuse dans laquelle il pourra remercier le ciel de toutes les rigueurs qui éprouvent son vieil âge. Il a choisi le couvent des Augustins de Sienne. De cet asile, il gouverne encore l'Église, et fortifie par ses instructions comme par ses exemples tous les prêtres qui souffrent comme lui; mais le Saint-Père était bien éloigné d'être arrivé encore au terme de son douloureux pélerinage. Un jour, tandis qu'il faisait sa prière dans un endroit écarté du jardin, un affreux tremblement de terre ébranle les. voûtes du couvent, fend les murailles, et fait écrouler presque tout l'édifice. Obligé de choisir une autre retraite, il part pour la Chartreuse de Florence, et vient partager les austérités des fils de saint Bruno. Souvent le grand duc, encore souverain pour quelques jours, vient visiter le souverain captif, et celui-cile fortifie d'avancé contre un malheur pareil au sien; Ferdinand s'y prépare avec plus d'assurance.

1798.

?

1798.

Le Directoire, offensé des pieux égards que ce
prince montre pour le Saint-Père, lui ordonne
de le faire partir pour la Sardaigne; Ferdi-
nand s'honore et provoque sa chute par un
refus. Bientôt la Chartreuse de Florence reçoit
encore un souverain banni de ses États; c'est
le roi de Sardaigne qu'accompagne dans sa
fuite Clotilde sa digne épouse, sœur de ma-
dame Élisabeth dont elle perpétue l'image sur
la terre. On laissait à ces deux époux l'île de
Sardaigne pour unique partage. Clotilde sup-
plie le Saint-Père, dans les termes les plus tou-
chans, de venir avec eux partager cette retraite.
Le Saint-Père est près de les suivre, mais
maintenant c'est le Directoire qui s'oppose à
leurs vœux. On a vu des vaisseaux anglais s'ap-
procher du
port de Livourne, et on leur sup-
pose, non sans fondement, la noble pensée
de délivrer le pape de ses cruels ravisseurs.
Un tel honneur, s'il eût été réservé à un
peuple séparé de l'Église, eût fait oublier
à la chrétienté et ses malheurs présens et ses
discordes de trois siècles. Les Russes, sous la
conduite de Souwarow, furent sur le point
d'accomplir le vœu formé par les Anglais;
mais le Directoire voulut prévenir leurs efforts
libérateurs. Le pape était encore trop puissant

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