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ner, lorsque Talleyrand prononça ces paroles 1798. mémorables, dont les événemens ultérieurs ont développé le sens profond :

« Ah! loin de redouter ce qu'on voudrait << appeler son ambition, je sens qu'il nous fau«< dra peut-être le sollicitér un jour pour l'ar<< racher aux douceurs de sa studieuse retraite. « La France entière sera libre: peut-être lui « ne le sera jamais.

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De telles paroles avaient encore redoublé l'impatience d'entendre Bonaparte. Voici son discours, antérieur de dix-huit mois au 18 brumaire. Je ne sais si c'est la raison ou l'imagination qui m'y fait découvrir un sens précurseur de cette journée.

« CITOYENS DIRECTEURS,

<< Le peuple français, pour être libre, avait les rois à combattre.

« Pour obtenir une constitution fondée snr la raison, il avait dix-huit siècles de préjugés à vaincre.

« La Constitution de l'an III, et vous, avez triomphé de tous ces obstacles.

«La féodalité et le royalisme ont successivement, depuis vingt siècles, gouverné l'Europe; mais de la paix que vous venez de con

1798. clure date l'ère des gouvernemens représentatifs.

« Vous êtes parvenus à organiser la grande nation, dont le vaste territoire n'est circonscrit que parce que la nature en a posé ellemême les limites.

<< Vous avez fait plus :

« Les deux plus belles parties de l'Europe, jadis si célèbres par les arts, les sciences et les grands hommes dont elles furent le berceau, voient, avec les plus grandes espérances, le génie de la liberté sortir des tombeaux de leurs ancêtres.

« Ce sont deux piédestaux sur lesquels les destinées vont placer deux puissantes nations.

« J'ai l'honneur de vous remettre le traité signé à Campo-Formio, et ratifié par S. M. l'Empereur.

« La paix assure la liberté, la prospérité et la gloire de la République.

<< Lorsque le bonheur du peuple français sera assis sur les meilleures lois organiques, l'Europe entière deviendra libre. »

Barras présidait le Directoire; il répondit à Bonaparte; il parla avec beaucoup d'étendue et de chaleur, d'un événement sur lequel celui-ci avait gardé le silence, le 18 fructidor.

Il célébra les exploits du général de l'armée 1798. d'Italie avec ce faste de mots mal assortis qui faisait encore l'éloquence du jour. Toute la politique du Directoire, et ses véritables sentimens à l'égard d'un général qui devait l'importuner de l'éclat de ses triomphes se découvrirent dans l'invitation que lui fit le directeur Barras d'aller planter à Londres l'étendard tricolore. Voici enquels termes il s'exprima sur ce sujet :

« Enfin, couronnez, citoyen général, une si belle vie par une conquête que la grande nation doit à sa dignité outragée. Allez, par le châtiment du cabinet de Londres, effrayer les gouvernemens insensés qui tenteraient encore de méconnaître la puissance d'un peuple libre. Votre cœur est le temple de l'honneur républicain; c'est à ce puissant génie qui vous embrase que le Directoire confie cette auguste entreprise. Que les vainqueurs du Pô, du Rhin et du Tibre, marchent sur vos pas : l'Océan sera fier de les porter; c'est un esclave indompté qui rougit de ses chaînes; il invoque, en mugissant, le courroux de la terre contre le tyran oppresseur de ses flots; il combattra pour vous : c'est à l'homme libre que les élémens sont soumis. Pompée ne dédaigna pas

1798. d'écraser les pirates; plus grand que ce Romain, allez enchaîner ce gigantesque forban qui pèse sur les mers; allez punir dans Londres des outrages trop long-temps impunis. De nombreux adorateurs de la liberté vous attendent; vous êtes le libérateur que l'humanité outragée appelle par ses cris plaintifs.

« A peine l'étendard tricolore flottera-t-il sur ces bords ensanglantés, qu'un cri unanime de bénédictions annoncera votre présence; et apercevant l'aurore du bonheur, cette nation généreuse vous accueillera comme des libérateurs qui viennent, non pour la combattre et l'asservir, mais pour mettre un terme à ses maux. Vous ne trouverez d'ennemi que le crime : le crime seul soutient ce gouvernement perfide; terrassez-le, et que bientôt sa chute apprenne au monde que si le peuple français est le bienfaiteur de l'Europe, il est aussi le vengeur des droits des nations. »

On voit, par ce discours, que le Directoire cachait, sous ces tributs d'admiration, sous ces flots d'encens, la pensée d'un brillant ostracisme. Le projet d'une descente en Angleterre n'avait jamais été agité sérieusement; on en faisait un prétexte pour couvrir une expédition sur l'Égypte. Les Directeurs ai

maient mieux Bonaparte relégué dans les 1798. sables de la Lybie, que Bonaparte séparé seulement de la France par un détroit, et ajoutant peut-être de nouvelles palmes à l'éclat de ses triomphes.

Bonaparte jouit, sans savoir en user, de l'enthousiasme qu'il inspirait au public et aux soldats, et trompa l'espoir de ceux qui s'étaient dit, le matin : « Il entre aujourd'hui << au Luxembourg; c'est sans doute pour pren<< dre possession de ce palais. » Il resta encore près de trois mois à Paris, ou n'en sortit que pour des voyages sur les côtes de l'Océan, qui paraissaient avoir pour objet la descente simulée en Angleterre. L'expédition d'Égypte amusait son imagination; et s'il différait le moment de s'emparer d'un trône en France, c'était pour en chercher un dans l'Orient. Il voulait encore faire l'Alexandre, avant de jouer, dans la République de France, le rôle de César.

Une anecdote va montrer qu'il était alors médiocrement habile à grossir le nombre de ses amis. Il mécontenta, par un met dur, madame de Staël, qu'on pouvait compter, હૈ raison du moins de son talent, comme une des puissances du jour. J'ai déjà dit que cette

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