Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

1797.

voyage qu'il fit à Paris à l'époque de sa démis-
sion;
de là vint naturellement son refus de
l'ambassade de Suède. Je soupçonne la fa-
mille Lajolais d'être dans cette intrigue.

« Il n'y a que la grande confiance que j'ai en votre patriotisme et en votre sagesse qui m'ait déterminé à vous donner cet avis : les preuves en sont plus claires que le jour; mais je doute qu'elles puissent être judiciaires.

« Je vous prie de vouloir bien m'éclairer de vos avis sur une affaire aussi épineuse. Vous me connaissez assez pour croire combien a dû me coûter cette confidence; il n'a pas moins fallu que les dangers que courait mon pays pour vous la faire. »

Cette lettre se croisa avec une lettre du Directoire, qui appelait Moreau à Paris; il répondit le 24:

« Je n'ai reçu que le 22, très tard, et à dix lieues de Strasbourg, votre ordre de me rendre à Paris.

« Il m'a fallu quelques heures pour préparer mon départ, assurer la tranquillité de l'armée, et faire arrêter quelques hommes compromis dans une correspondance intéressante que je vous remettrai moi-même.

« Je vous envoie ci-jointe une proclama

tion que j'ai faite, et dont l'effet a été de convertir beaucoup d'incrédules, et je vous avoue qu'il était difficile de croire que l'homme qui avait rendu de grands services à son pays, et qui n'avait nul intérêt à le trahir, pût se porter à une telle infamie.

<< On me croyait l'ami de Pichegru, et dès long-temps je ne l'estime plus. Vous verrez que personne n'a été plus compromis que moi, que tous les projets étaient fondés sur les revers de l'armée que je commandais : son courage a sauvé la République.

>>

Sa proclamation était conçue en ces termes : « Le général en chef à l'armée de Rhin-etMoselle.

« Je reçois à l'instant la proclamation du Directoire du 18, qui apprend à la France que Pichegru s'est rendu indigne de la confiance qu'il a long-temps inspirée à toute la République, et surtout aux armées.

« On m'a également instruit que plusieurs militaires, trop confians dans le patriotisme de ce représentant, d'après les services qu'il a rendus, doutaient de cette assertion.

« Je dois à mes frères d'armes, à mes concitoyens, de les instruire de la vérité.

1797.

1797.

[ocr errors]

Il n'est

que trop vrai que Pichegru a trahi la confiance de la France entière.

« J'ai instruit un des membres du Directoire, le 17 de ce mois, qu'il m'était tombé entre les mains une correspondance avec Condé et d'autres agens du prétendant, qui ne me laisse aucun doute sur cette trahison.

« Le Directoire vient de m'appeler à Paris, et désire sûrement des renseignemens plus étendus sur cette correspondance.

<< Soldats! soyez calmes et sans inquiétude sur les événemens de l'intérieur; croyez que le gouvernement, en comprimant les royalistes, veillera au maintien de la Constitution républicaine que vous avez juré de défendre. »

Que devait-on penser de cette lettre et de cette conduite? Des incertitudes qui existaient alors ne sont point dissipées aujourd'hui même; car il n'existe point de mémoires du général Moreau, ou du moins rien n'en a été encore publié. Mais un premier fait paraît certain, c'est que Moreau connaissait les funestes événemens du 18 fructidor, lorsqu'il écrivit la lettre au directeur Barthélemy, l'une des principales victimes de cette journée. Il est en effet hors de doute que le télé

graphe avait joué sur la ligne de Paris à Stras- 1797bourg, le 18 fructidor. Comme à six heures du matin tout était consommé, Moreau avait dû tout connaître à Strasbourg vers midi, ou du moins vers le soir; il était donc impossible que sa feinte trompât un moment les Directeurs qui lui avaient fait transmettre la nouvelle. C'était le 16 floréal (4 mai) que l'on avait arrêté le chariot de l'émigré Klingin; quatre mois s'étaient donc écoulés depuis que le hasard avait procuré à Moreau une si importante révélation. Ce long silence était un crime manifeste aux yeux du Directoire et des républicains, et d'un autre côté, une révélation de ce genre était un tort cruel envers l'amitié. Le sort de Pichegru était, il est vrai, décidé, et Moreau devait le savoir. Mais combien ce sort n'était-il pas aggravé par une telle publication! Le Directoire, justifié dans ses atroces violences, ne pouvait-il pas substituer une autre peine à celle de la déportation? Il est certain que la situation de Moreau avait été l'une de celles où les devoirs contraires viennent le plus embarrasser l'esprit. Tout fait présumer qu'à cette époque, Moreau, quoique ennemi de l'anarchie et d'un régime atroce qui lui avait ravi son père, était

1797.

Sort des

Guiane.

sinon exalté, du moins sincère dans son républicanisme. Quelque amitié et quelque reconnaissance qui le liât à Pichegru, celui-ci n'avait pas dû compter sur lui pour l'exécution de ses plans monarchiques. En écoutant le cruel devoir prescrit par l'exemple des vieux républicains, et surtout par les exemples hideux des républicains nouveaux, Moreau eût sacrifié la reconnaissance et l'amitié, et se fût livré à un complet avilissement aux yeux du parti qui régnait sur l'opinion. Sa conduite, incertaine dès le premier moment, devint un déplorable exemple de faiblesse, au moment d'une catastrophe qui le forçait à se décider. Le cri universel s'éleva contre lui; et ce général, dont tout à l'heure les modestes vertus semblaient encore rehausser la gloire, tomba dans une position pire peut-être que celle de l'illustre ami dont sa faiblesse avait comblé le malheur. Nous allons voir bientôt comment son dévoûment à sa patrie, sa bravoure et son génie militaire le firent sortir de cette position.

Il faut maintenant que je suive le sort des déportés à la divers députés frappés par la loi du 19 fructidor. La foule des événemens qui vont s'offrir à moi ne me permettrait plus de con

« ZurückWeiter »