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terre avait excédé tous les droits d'une médiation armée. L'abbé Dubois seul fit éclater une joie inhumaine (1).

Il est vrai que sa fortune semblait attachée aux malheurs de l'Espagne. Après le traité de La Haye, il avait obtenu l'entrée au conseil des affaires étrangères. Mais lorsque la conclusion de la quadruple alliance eut abaissé le royaume sous l'influence anglaise, Dubois aspira hautement à régir en maître ces nouveaux rapports politiques. Stanhope, à son retour de Madrid, arracha au Régent cette importante concession. Le maréchal d'Uxelles fut remercié, le conseil des affaires étrangères supprimé, et Dubois créé secrétaire d'état. Ce retour vers les anciennes formes s'étendit aux autres branches du gouvernement, et j'expliquerai ailleurs les motifs et les intrigues qui préparèrent cette subversion totale du système de la régence. Dès ce moment, Law, d'Argenson et Dubois formèrent le second triumvirat élevé sur les ruines de Noailles, d'Uxelles et D'Aguesseau.

Cependant, plus les représailles de l'Espagne rendaient la guerre inévitable, moins le ministère anglais osait la déclarer. Il voulut faire la revue de ses forces et consulter ses amis sur le péril de sa position, car dans ces pays d'inquiétude et de

(1) Dans sa lettre à M. Craggs, du 31 août 1718.

liberté on a quelquefois l'air de gouverner par conspiration. Soixante membres du parlement, qui lui étaient le plus dévoués, se réunirent dans une assemblée nocturne où les questions furent longuement discutées. On y convint unanimement que la rupture définitive avec Philippe V n'était proposable qu'autant que la France en donnerait l'exemple; mais on ne douta pas que le peuple anglais ne consentît à tous les sacrifices si on pouvait lui montrer le spectacle aussi doux qu'imprévu d'une guerre ouverte entre les deux branches de la maison de Bourbon. Cette décision mettait dans nos mains le sort des ministres anglais, et, suivant les règles de la politique la plus commune, il était naturel d'en profiter. Chavigny, confident de Dubois, n'hésita pas à le lui proposer. Mais le nouveau ministre lui répondit avec un soupir hypocrite qu'il était enchaîné. On conçoit de quels liens s'était chargé cet ambitieux. A peine sa nomination fut-elle connue que M. Craggs, ministre du roi Georges, lui écrivit : << C'est pour le coup que je m'attends à voir cul<< tiver un même intérêt dans les deux royaumes, << et que ce ne sera plus qu'un même ministère (1). » Dubois lui répondit : « Si je n'étais retenu par le « respect, j'écrirais à sa majesté britannique pour

«

(1) Lettre de M. Craggs à l'abbé Dubois, du 29 septembre 1718.

<< la remercier de la place dont monseigneur le

Régent m'a honoré (1). » Quelques jours après, dans une lettre à lord Stanhope, il ratifia encore mieux sa dégradation. « Je vous dois jusqu'à la « place que j'occupe, dont je souhaite avec pas«sion de faire usage selon votre cœur, c'est-à« dire pour le service de sa majesté britannique, « dont les intérêts me seront toujours sacrés (2). » J'ai sauvé de l'oubli ces lignes si voisines de la trahison, comme un avertissement aux princes qui se sentiraient assez lâches pour recevoir leurs ministres des mains de l'étranger.

Mais le duc d'Orléans ne se trouvait pas dans une situation moins embarrassante que le ministère anglais. La rupture qui alarmait la cupidité des négocians de Londres devait blesser en France de plus nobles affections. Il n'était pas aussi facile de séduire l'opinion publique que d'acheter les suffrages de quelques conseillers de régence. D'ailleurs, depuis la mort du roi, les partis n'avaient cessé de travailler dans l'ombre, et rien n'était plus propre à les faire éclater qu'une guerre odieuse. Dubois, placé sur le volcan, se défendit avec une rare habileté. Nous le verrons bientôt étouffer l'incendie sous les matières même qui devaient en être l'aliment. Mais pour l'intelligence

(1) Lettre de l'abbé Dubois à M. Craggs, du 1er octobre 1718. (2) Lettre de l'abbé Dubois à lord Stanhope, du 14 octobre 1718.

de ces faits, il faut reporter ses regards en arrière, et connaître les causes de fermentation qui, pendant trois années, s'étaient sourdement réunies dans le cœur de l'État.

CHAPITRE VI.

Janséuisme.Ducs et pairs.- Princes légitimés.
Parlement.

L'ESPRIT de discorde, que les Français ont reçu de leurs ancêtres, manque rarement d'éclater aussitôt que les ressorts de l'autorité se détendent. Ce sont des orages que l'époque des régences ramène fidèlement sur l'ancienne terre des Gaulois. L'administration du duc d'Orléans n'en fut pas exempte. Le schisme allumé par la constitution unigenitus, la querelle entre les ducs et la magistrature, la dégradation des enfans naturels de Louis XIV, et l'insurrection parlementaire l'agitèrent assez dangereusement, pour qu'on désire prendre au moins une notion rapide de ces divers sujets de nos troubles domestiques.

C'est aux historiens du dix-septième siècle qu'il appartient d'écrire l'origine du jansénisme.

Ils diront comment, après avoir été l'amusement des sophistes d'Athènes, et l'un des exercices de la moderne scolastique, quelques subtilités inintelligibles sur la liberté des actions humaines sortirent tout à coup de la poussière des écoles, et devinrent, par l'ambition de quelques prêtres, une querelle religieuse, et, par l'imprudence de Louis XIV, une espèce de guerre politique. En France, où l'amour de la dispute supplée au fanatisme, cette épidémie avait gagné toutes les classes de la société, et répandu à la fois le goût des études graves et solides, et l'amertume du zèle théologique. L'ancien jansénisme, où il s'agissait des cinq propositions de l'évêque d'Ypres, révéla au géomètre Pascal le secret de sa vive éloquence, et produisit ces fameuses Lettres Provinciales, qui firent encore plus de mal à la religion que d'honneur à la langue française. La secte vit sous ses drapeaux et les grands hommes du Port-Royal, et cette duchesse de Longueville, l'héroïne de la Fronde, et cette belle Hamilton, que le chevalier de Grammont avait dérobée à l'Angleterre. Mais dans le second jansénisme, sorti de la condamnation du livre des Réflexions morales du père Quesnel, tout était dégénéré, et l'on ne trouvait que des noms inconnus, et de l'opiniâtreté sans talent. De son côté, le camp moliniste n'offrait plus à cette époque que le tombeau de deux

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