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>> times, que la cour de Rome dans ses préten» tions religieuses, a mieux aimé laisser injuste>> ment dix ans dans les fers une masse très-disrenoncer

>> tinguée de ses compatriotes, que de >> authentiquement pour l'avenir à un misérable » usage de rapines sur les mers.

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Déjà, en arrivant à la tête du gouvernement >> consulaire, j'avais eu une prise avec le cabinet anglais touchant les prisonniers, et cette fois »je l'avais emporté. Le Directoire avait eu la » sottise de se prêter à un arrangement qui nous » était extrêmement préjudiciable, et tout-à-fait » à l'avantage des Anglais.

>> Les Anglais nourrissaient leurs prisonniers » en France; et nous avions la charge de nour>> rir les nôtres en Angleterre. Or, nous avions >> assez peu d'Anglais chez nous, et ils tenaient >> beaucoup de Français chez ecx; les vivres >> étaient presque pour rien en France, ils étaient >> d'un prix exhorbitant en Angleterre. Les An»glais avaient donc fort peu de chose à payer, » tandis que de notre côté nous devions en» voyer des sommes énormes en pays ennemi, » et nous étions fort pauvres. Ajoutez que tous » ces détails exigeaient des agens croisés sur les >> lieux respectifs, et monsieur le commissaire » anglais n'était autre chose que l'espion de nos >> affaires, l'entremetteur, le machinateur des

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>> complots de l'intérieur, ourdis avec les émi» grés du dehors. A peine eus-je pris connais»sance d'un tel état de choses, que l'abus fut » rayé d'un trait de plume. Il fut signifié au » gouvernement anglais, qu'à compter dụ mo>>ment, chaque nation nourrirait désormais les >> prisonniers qu'elle aurait faits, si mieux on » n'aimait les échanger. On jeta les hauts cris, >> on menaça de les laisser mourir de faim. Je >> soupçonnais bien assez de dureté et d'égoïsme >> aux ministres anglais pour en avoir l'envie ; » mais j'étais sûr que l'humanité de la nation >> s'en serait révoltée. On plia; nos malheureux » Français n'en furent ni mieux ni plus mal; » mais nous gagnâmes de grands avantages, et >> échappâmes à un arrangement qui était une >> espèce de joug et de tribut.

>> Durant toute la guerre je n'ai cessé d'offrir » l'échange des prisonniers; mais le gouverne>>ment anglais, jugeant qu'il m'eût été avanta>> geux, s'y est constamment refusé sous un >> prétexte ou un autre. Je n'ai rien à dire à cela; >> la politique à la guerre marche avant le senti>> ment; mais pourquoi se montrer barbare sans >> nécessité? et c'est ce qu'ils ont fait, quand ils » ont vu grossir le nombre de leurs prisonniers. » Alors a commencé pour nos malheureux com» patriotes cet affreux supplice des pontons,

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>> dont les anciens eussent enrichi leur enfer, si
>> leur imagination eût pu les concevoir. Ce n'est
>> pas que je ne croie qu'il y avait exagération de
» la part de ceux qui accusaient; mais aussi il
» n'y a pas eu de vérité dans ceux qui se défen-
» daient. Nous savons ce que c'est qu'un rap-
>> port au parlement; ici nous en sommes sûrs
quand nous lisons les calomnies et les men-
>> songes que débitent en plein parlement, avec
» une si froide intrépidité, ces méchans, qui
» n'ont pas rougi de se faire nos bourreaux. Les
» pontons portent avec eux leur vérité, il suffit
» du simple fait; y avoir jeté de pauvres soldats
» qui n'étaient pas accoutumés à la mer, les
>> avoir entassés les uns sur les autres dans des
>> lieux infects, trop étroits pour les contenir;
» leur avoir fait respirer deux fois par vingt-
>> quatre heures, à la marée basse, les exhalai-
» sons pestilentielles de la vase, avoir prolongé
>> dix ou douze ans ce supplice de chaque jour,
» n'est-ce pas assez pour que
le sang bouillonne
>> au hideux tableau d'une telle barbarie? Et
>> sur ce point je me reproche fort de n'avoir
» pas usé de représailles, de n'avoir pas jeté
» dans des pontons pareils, non les pauvres ma-
>> telots et soldats dont la voix ne compte pas,
>> mais tous les milords et la masse de la classe
» distinguée. Je leur eusse laissé libre corres-

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>> pondance avec leur pays, leurs familles, et >> leurs cris eussent assourdi les ministres et les >> eussent fait reculer. Il est vrai que les salons » de Paris, toujours les meilleurs alliés des en» nemis, n'eussent pas manqué de me dire un tigre, un cannibale; n'importe, je le devais » aux Français qui m'avaient chargé de les pro» téger et de les défendre. J'ai manqué de ca>>ractère : c'était mon devoir. » Et il m'a demandé si les pontons existaient de mon temps. Je ne pouvais le lui dire; cependant je pensais que non, parce que j'étais sûr qu'il existait des prisons parquées en pleine campagne; que beaucoup d'Anglais les visitaient en faisant du bien aux prisonniers, et achetaient leurs petits travaux. Toutefois ils devaient être bien mal et souffrir de la faim; car on racontait qu'un agent du gouvernement y étant entré à cheval, et en étant descendu un instant, il n'avait pas eu le dos tourné que le pauvre animal, en un clin d'œil, avait été enlevé, dépecé et dévoré. Je ne garantissais pas le fait; mais il nous avait été raconté par des Anglais mêmes, et des fanatiques d'entr'eux, qui à la vérité ne le citaient pas comme preuve des besoins des prisonniers français, mais bien pour faire ressortir toute leur férocité et voracité. L'Empereur en riait comme d'un conte bleu, disant que la nature aurait à

en frémir, si la chose était réelle; car il est bien évident à qui que ce soit, remarquait-il, qu'il n'y a que la faim poussée jusqu'à la rage qui puisse porter à dévorer du cheval. Je lui donnais une autre raison, pour croire que de mon temps il n'y avait point encore de pontons; c'est qu'il avait été grandement question de consacrer aux prisonniers quelques petites îles désertes, situées entre l'Angleterre et l'Irlande : on les y eût déposés, toute embarcation quelconque eût été soustraite; on les eût tout à fait abandonnés à eux-mêmes dans un complet isolément, et il n'eût plus été besoin que de quelques bâtimens légers, en constante croisière, pour les garder. Seulement on objectait qu'en cas de descente de la part de l'ennemi, son grand et facile objet serait d'aborder ces îles, et qu'en y distribuant des armes, il y recruterait une armée toute faite ; et peut-être, disais-je, est-ce cette première idée qui aura conduit à celle des pontons; car le nombre des prisonniers croissant toujours l'autorité s'effrayait de les avoir à terre au milieu de soi, par la disposition d'une partie de la population, qu'il soupçonnait d'être fort portée à fraterniser avec les Français. « Eh bien! disait Na» poléon, je conçois ces îles, car la sûreté et >> sa propre conservation avant tout. Mais le supplice des pontons est une tache à l'humanité

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