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grande nation. « Et certes, remarquait-il, je l'ai » montrée telle au monde abattu devant elle. » Et après un léger intervalle, il a repris : « Et » elle le sera encore et le demeurera toujours, » si son caractère national redevient en harmo»nie avec tous ses avantages physiques et ses >> moyens moraux, etc., etc. »

Dans un autre moment, parlant de quelqu'un qu'il aimait beaucoup, il disait : « C'est le carac»tère de la vache: doux et tranquille pour tou»tes choses, excepté sur l'article de ses en» fans; dès qu'on touche à ceux-ci, aussitôt les » cornes en avant; on pourrait le rendre fu>>rieux, etc., etc. »>

=Parlant d'un autre qui avait passé trente ans, et qu'il accusait d'être trop jeune, il disait : «< A »cet âge, pourtant, j'avais fait toutes mes con» quêtes, je gouvernais le monde ; j'avais apaisé -» la tempête, fondu les partis, rallié une na» tion, créé un gouvernement, un empire; il >> ne me manquait que le titre d'Empereur. » Et continuant sur ce sujet, il disait : « J'ai été » gâté, il faut en convenir; j'ai toujours com» mandé; dès mon entrée dans la vie, je me suis » trouvé nanti de la puissance, et les circons>>tances et ma force ont été telles, que dès que » j'ai eu le commandement, je n'ai plus re>> connu ni maîtres ni lois. »>>

VII.

2.

me

Vendredi 1er Novembre.

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Affaissement de l'Empereur. Sa santé continue de s'altérer sensiblement. Inquiétudes du médecin. -Nos prisonniers en Angleterre; les pontons, etc. Aujourd'hui 1, le temps était très-beau. L'Empereur a voulu en profiter. Il a essayé de sortir sur les deux heures. Après quelques pas dans le jardin il a eu l'idée d'aller se réposer chez Me Bertrand; il y est demeuré plus d'une heure dans un fauteuil, ne parlant point, souffrant et abattu; au bout de ce temps il a regagné languissamment sa chambre, où il s'est jeté sur son canapé, sommeillant comme la veille. Cet affaissement m'affectait douloureusement. Il essayait de temps à autre de combattre cette disposition; mais il ne trouvait rien à dire, et, s'il voulait se mettre à lire, la lecture le dégoûtait tout aussitôt. Je l'ai quitté pour le laisser reposer.

Une frégate anglaise est arrivée du Cap, dans sa route pour l'Europe; c'était une occasion pour nous d'écrire à nos amis; mais je me suis interdit désormais la douceur d'en profiter; les plaintes réitérées du Gouverneur m'en font une loi, par la nature des conséquences dont il me menace; peut-être viendra-t-il un moment moins cruel; j'attendrai!...

Le docteur O'Méara est venu voir mon fils, dont l'état ne laissait pas que d'être inquiétant; il avait été saigné hier de nouveau ; il avait eu des évanouissemens trois ou quatre fois dans la journée.

Le docteur a profité de cette occasion pour me parler spécialement de la santé de l'Empereur, me confiant qu'il n'était pas sans inquiétudes sur sa trop grande réclusion; il ne cessait de prêcher, disait-il, pour plus d'exercice; et m'engageait à profiter des fréquentes occasions que j'avais de parler à l'Empereur, pour l'amener à sortir davantage. Il est sûr, convenionsnous, qu'il changeait de manière à effrayer; et lui (le docteur), n'hésitait pas à prononcer qu'un si complet repos, après une si grande agitation, pouvait devenir des plus funestes; que toute maladie sérieuse, que pouvait amener si facilement la qualité du climat, ou tout autre accident de la nature, lui deviendrait infailliblement mortelle. Les paroles du docteur, son anxiété m'ont vivement touché. Dès ce temps j'aurais dû deviner cet intérêt réel qu'il a si bien prouvé depuis.

Sur les six heures l'Empereur m'a fait appeler; il était dans son bain, souffrant peut-être encore plus que de coutume; c'était encore, pensait-il, le résultat de sa sortie d'hier; le bain

lui a réussi; il se trouvait un peu mieux. Il s'est mis à lire l'ambassade de lord Macarteney en Chine, ce qu'il a prolongé assez long-temps, dissertant chemin faisant sur bien des objets qu'il y rencontrait.

Puis, laissant son livre, et se mettant à causer, la situation de nos prisonniers en Angleterre s'est trouvée un des sujets accidentellement amené par le courant de la conversation.

Je vais réunir ici ce qu'il a dit aujourd'hui et en d'autres momens.

La rupture subite du traité d'Amiens, sous de si mauvais prétextes, et avec autant de mauvaise foi, de la part du ministère anglais, avait causé une vive irritation chez le Premier Consul, qui se sentait joué. La saisie de plusieurs bâtimens de notre commerce, avant même de nous déclarer la guerre, vint y mettre le comble. « Sur » mes vives réclamations, disait l'Empereur, ils » se contentèrent de répondre froidement que >> c'était leur usage, qu'ils l'avaient toujours » fait, et ils disaient vrai; mais les temps n'é» taient plus pour la France de supporter pa>> tiemment une telle injustice ni une telle hu>> miliation. J'étais devenu l'homme de ses droits » et de sa gloire, et j'étais tout disposé à mon» trer à nos ennemis avec qui désormais ils avaient affaire. Malheureusement ici, par notre

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position réciproque, je ne pouvais venger une » violence que par une violence plus forte en>> core. C'est une triste ressource que les représailles sur des innocens au fond; mais je » n'avais pas de choix.

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1

» A la lecture de l'ironique et insolente ré»ponse faite à mes plaintes, j'expédiai, au mi» lieu de la nuit même, l'ordre d'arrêter par >> toute la France, et sur tous les territoires oc>>cupés par nos armes, tous les Anglais quel>> conques, et de les retenir prisonniers en représailles de nos vaisseaux si injustement » saisis. La plupart de ces Anglais étaient des >> hommes considérables, riches et titrés venus >> pour leurs plaisirs. Plus l'acte était nouveau, plus l'injustice était flagrante, plus la chose >> me convenait. La clameur fut universelle; » tous ces Anglais s'adressèrent à moi; je les >> renvoyai à leur gouvernement: leur sort dé» pendait de lui seul, répondais-je. Plusieurs, » pour obtenir de s'en aller, furent jusqu'à pro» poser de se cotiser pour acquitter eux-mêmes >> le montant des vaisseaux arrêtés. Ce n'était » pas de l'argent que je cherchais, leur faisais» je dire; mais l'observation de la simple mo» rale, le redressement d'un tort odieux; et, le » croira-t-on, l'administration anglaise, aussi >> astucieuse, aussi tenace dans ses droits mari

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