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il s'est mis à passer en revue sur ses doigts les différens ministres :

« Mes grands dignitaires, disait-il, Cambacé» rès et Lebrun, deux personnes très-distinguées >> et tout-à-fait bienveillantes.

» Bassano et Caulaincourt, deux hommes de >> cœur et de droiture; Molé, ce beau nom de la magistrature, caractère appelé probable»ment à jouer un rôle dans les ministères fu

» turs.

» Montalivet, si honnête homme : Decrès, » d'une administration si pure et si rigoureuse; » Gaudin, d'un travail si simple et si sûr; Mol» lien, de tant de perspicacité et de promptitude; et tous mes conseillers d'État, si sages,

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>> si bons travailleurs! Tous ces noms demeurent inséparables du mien. Quel pays, quelle épo» que présenta jamais un ensemble mieux com» posé, plus moral! Heureuse la nation qui » possède de tels instrumens, et sait les mettre » à profit!..... Bien que je ne fusse pas louangeur ›› de mon naturel, et que mon approbation fût >> en général purement négative, je n'en étais >> pas moins éclairé sur ceux qui servaient bien, >> et qui ont des titres à ma reconnaissance. Le » nombre en est immense, et les plus modestes > ne sont pas les moins méritans. Aussi ne m'ar» riverait-il pas d'essayer de les nommer, tant

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>> serait senti le tort de se voir oublié, et pourrait sembler ingrat de ma part!.. etc. >>

Dimanche 17.

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Retour sur les généraux de l'armée d'Italie. Le père d'un de ses aides-de-camp. Ordures de Paris. — Roman abominable. Sur les joueurs. Famille La Rochefoucault, etc.

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L'Empereur était souffrant et n'avait vu personne de tout le jour; le soir il m'a fait appeler. Je me montrais fort inquiet sur sa santé ; mais il m'a dit être plus mal disposé d'esprit que souffrant de corps, et il s'est mis à causer, parcou rant un grand nombre d'objets qui l'ont remis.

Il s'est trouvé passer en revue de nouveau les généraux de l'armée d'Italie; il est revenu sur leur caractère, a cité des anecdotes qui les concernent; a parlé de l'avidité de l'un, de la forfanterie d'un autre, des sottises d'un troisième, des déprédations de plusieurs, des bonnes qualités d'autres, et des grands et vrais services qu'en général ils ont tous rendus. Il s'est arrêté sur un de ceux qu'il y avait le plus aimé; sur sa défection, l'Empereur disait en avoir eu le cœur navré, et terminait en remarquant que pour ce qu'il connaissait de lui, il devait être parfois bien malheureux. «Jamais, observait-il,

» défection n'avait été plus avouée, ni plus fu>> neste ; elle se trouve consignée dans le Moni>>teur, et de sa propre main; elle a été la cause » immédiate de nos malheurs, le tombeau de no>>tre puissance, le nuage de notre gloire, etc..... » Et pourtant, disait-il, avec une espèce de >> ressouvenir d'affection, je le répète parce » que je le pense, ses sentimens vaudront mieux » que sa réputation; son cœur l'emporte sur >> sa conduite; et lui-même, a continué l'Empe>> reur, ne semble-t-il pas penser ainsi : les papiers nous disent qu'en sollicitant vainement » pour Lavalette, il répond avec effusion aux » difficultés du Monarque, en lui disant : Mais, » Sire, moi je vous ai donné plus que la vie! D'au>> tres nous ont livré aussi, disait l'Empereur, » et d'une manière bien autrement vilaine en>> core; mais leur acte du moins n'est pas con>> sacré par des pièces officielles comme ce>> lui-ci. »

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De là, l'Empereur, revenant en arrière, disait l'avoir élevé comme un père eût pu le faire de son fils. Il n'avait pu entrer dans le corps royal de l'artillerie, et avait dû s'attacher à un régiment provincial. « Neveu, disait l'Empereur, >> d'un de mes camarades à Brienne et au régi» ment de la Fère, qui me le recommanda en » partant pour l'émigration; cette circonstance

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>> m'avait mis dans le cas de lui servir d'oncle » et de père, ce que j'avais réellement accompli; j'y pris un véritable intérêt, et j'avais de >> bonne heure fait sa fortune. Son père était >> chevalier de Saint-Louis, propriétaire de for»ges en Bourgogne, et jouissait d'une fortune >> considérable. »

Napoléon racontait qu'en 1794, revenant de l'armée de Nice à Paris, le château du père se trouvait près de sa route; il s'y arrêta et y fut magnifiquement traité, commençant déjà à avoir une certaine réputation. Ce père, du propre dire du fils, était un véritable avare; mais il avait à cœur de bien traiter son hôte, qui avait eu tant de bontés pour son fils, et il le fit à la façon fastueuse des avares: il voulait qu'on jetât tout par les fenêtres; on était en juillet ou août, et il ordonna dans toutes les chambres des feux à étouffer. « Ce trait, terminait Napoléon, eût été >> recueilli par Molière, etc., etc. >>

Plus tard, l'Empereur, parlant des mœurs de Paris, et de l'ensemble de son immense population, énumérait toutes les abominations inévitables, disait-il, d'une grande capitale, où la perversité naturelle et la somme de tous les vices se trouvaient aiguillonnées à chaque instant par le besoin, la passion, l'esprit et toutes les facilités du mélange et de la confusion; et

il répétait souvent que toutes les capitales étaient autant de Babylone. Il a cité quelques détails du plus sale et du plus hideux libertinage : il a dit qu'étant Empereur, il s'était fait représenter et avait parcouru le livre le plus abominable qu'ait enfanté l'imagination la plus dépravée : c'était un roman, qui, au temps de la Convention même, avait révolté, disait-il, la morale publique au point de faire enfermer son auteur, qui l'était demeuré toujours depuis, et qu'il a dit croire vivre encore. Son nom m'est échappé. C'est la première fois que j'entendais citer cette production.

L'Empereur avait essayé, autant que les circonstances le lui avaient permis, de réprimer quelques-unes de ces ordures, disait-il; mais il ne s'était pas senti le courage de descendre aux détails de quelques autres. Il avait, par exemple interdit le jeu masqué, et avait voulu même défendre toutes les maisons de jeu; mais quand il avait voulu faire traiter la chose à fond devant lui, il s'était trouvé que c'était une très-grande question. Et comme je lui racontais à ce sujet que la police nous avait interdit de jouer entre nous, dans une des premières maisons du faubourg St-Germain, il ne concevait pas, disait-il, une telle vexation : elle s'était pourtant exercée en son nom, de la part de Fouché, l'assurais-je.

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