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je lis sur ce front que décorent les lauriers de Rivoli, de Marengo, d'Austerlitz, de Wagram, d'léna, de Friedland; je puis presque toucher cette main qui régit tant de sceptres et distribua tant de couronnes; qui saisit les drapeaux d'Arcole et de Lodi; qui, dans une occasion solennelle, rendait à une femme éplorée les seules preuves de la culpabilité de son mari; j'entends cette même voix qui, à la vue des pyramides d'Égypte, prononçait à ses soldats : « Enfans; >> du haut de ces monumens 40 siècles nous con>> templent! » Qui, arrêtant sa suite à la vue d'un convoi de blessés autrichiens, disait en se découvrant : « Honneur et respect au courage malheureux. » Je cause presque familièrement avec celui-là même dont les conceptions ont manié l'Europe, qui se faisait un passe-temps des embellissemens de nos villes et de la prospérité de nos provinces, qui nous avait élevés si haut dans l'esprit des peuples, et avait porté notre gloire jusqu'aux nues!... Je le vois, je l'entends, je le soigne, je m'efforce de lui être agréable, je le console peut-être!... quelle situation!... Eh bien! à présent me plaint - on encore ? une foule au contraire, n'enviera-t-elle pas mon sort? Qui, au fait, obtint un tel bonheur, réunit des circonstances pareilles aux nôtres ?...

Jeudi 14.

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Nouvelles occupations de l'Empereur.-Sur les grands capitaines; la guerre, etc., etc. Ses idées sur diverses institutions le bien-être de la société. pour Avocats. - Curés. - Autres objets.

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L'Empereur, sur les six heures, m'a fait appeler dans sa chambre. Il venait de dicter, m'at-il dit, un fort beau chapitre sur les droits maritimes; il me parlait d'autres plans d'ouvrages; j'ai osé lui rappeler les 14 paragraphes dont il avait déjà eu l'idée, et que j'ai déjà mentionnés ailleurs. Il en a écouté le ressouvenir avec plaisir, et a assuré qu'il y viendrait certainement un jour.

Il s'est mis de là à lire et à corriger des notes précieuses qu'il avait dictées au Grand-Maréchal; sur la différence des guerres anciennes et modernes, sur l'administration des armées, leur composition, etc., etc. Puis, s'étant mis à causer et se lançant sur le sujet, entr'autres choses il a dit : « Il n'est pas de grandes actions suivies >> qui soient l'œuvre du hasard et de la fortune; » elles dérivent toujours de la combinaison et » du génie. Rarement on voit échouer les grands » hommes dans leurs entreprises les plus péril» leuses. Regardez Alexandre, César, Annibal, » le Grand Gustave et autres, ils réussissent tou

jours; est-ce parce qu'ils ont du bonheur qu'ils >> deviennent ainsi de grands hommes? Non, » mais parce qu'étant de grands hommes, ils » ont su maîtriser le bonheur. Quand on veut >> étudier les ressorts de leurs succès, on est » tout étonné de voir qu'ils avaient tout fait pour >> l'obtenir.

» Alexandre, à peine au sortir de l'enfance, >> conquiert, avec une poignée de monde, une >> partie du globe; mais fut-ce de sa part une >> simple irruption, une façon de déluge? Non; >> tout est calculé avec profondeur, exécuté » avec audace, conduit avec sagesse. Alexandre » se montre tout à la fois grand guerrier, grand politique, grand législateur; malheureuse>> ment quand il atteint le zénith de la gloire et » du succès, la tête lui tourne ou le cœur se » gâte. Il avait débuté avec l'ame de Trajan, il >> finit avec le cœur de Néron et les mœurs d'Hé>>liogabale. » Et l'Empereur développait les campagnes d'Alexandre, et je voyais le sujet sous un jour tout nouveau.

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Passant ensuite à César, il disait : qu'au rebours d'Alexandre, il avait commencé sa carrière fort tard, et qu'ayant débuté par une jeunesse oisive et des plus vicieuses, il avait fini montrant l'ame la plus active, la plus élevée, la plus belle; il le pensait un des caractères les

plus aimables de l'histoire. « César, observait-il, >> conquiert les Gaules et les lois de sa patrie; » mais, est-ce au hasard et à la simple fortune

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qu'il doit ses grands actes de guerre? » Et il analysait encore les hauts faits de César comme il avait fait de ceux d'Alexandre.

« Et cet Annibal, disait-il, le plus audacieux » de tous, le plus étonnant peut-être; si hardi, » si sûr, si large en toutes choses; qui, à 26 ans, » conçoit ce qui est à peine concevable, exécute » ce qu'on devait tenir pour impossible; qui, >> renonçant à toute communication avec son » pays, traverse des peuples ennemis ou incon»nus qu'il faut attaquer et vaincre, escalade » les Pyrénées et les Alpes, qu'on croyait in» surmontables, et ne descend en Italie qu'en >payant de la moitié de son armée la seule >> acquisition de son champ de bataille, le seul » droit de combattre; qui occupe, parcourt et » gouverne cette même Italie durant 16 ans, » met plusieurs fois à deux doigts de sa perte » la terrible et redoutable Rome, et ne lâche sa proie que quand on met à profit la leçon qu'il a donnée d'aller le combattre chez lui. Croi>> ra-t-on qu'il ne dut sa carrière et tant de » grandes actions qu'aux caprices du hasard, >> aux faveurs de la fortune. Certes, il devait » être doué d'une forte trempe d'ame, et avoir

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>> une bien haute idée de sa science, en guerre, >> celui qui, interpellé par son jeune vainqueur, » n'hésite pas à se placer, bien que vaincu, >> immédiatement après Alexandre et Pyrrhus, qu'il estime les deux premiers du métier.

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» Tous ces grands capitaines de l'antiquité, >> continuait Napoléon, et ceux qui, plus tard, » ont dignement marché sur leurs traces, n'ont >> fait de grandes choses qu'en se conformant » aux règles et aux principes naturels de l'art; » c'est-à-dire par la justesse des combinaisons » et le rapport raisonné des moyens avec leurs » conséquences, des efforts avec les obstacles. » Ils n'ont réussi qu'en s'y conformant, quelles qu'aient été d'ailleurs l'audace de leurs entreprises et l'étendue de leurs succès. Ils n'ont » cessé de faire constamment de la guerre une » véritable science. C'est à ce titre seul qu'ils » sont nos grands modèles, et ce n'est qu'en les >> imitant qu'on doit espérer en approcher,

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» On a attribué à la fortune mes plus grands » actes, et on ne manquera pas d'imputer mes >> revers à mes fautes; mais si j'écris mes campagnes, on sera bien étonné de voir que dans >> les deux cas et toujours, ma raison et mes fa» cultés ne s'exercèrent qu'en conformité avec >> les principes, etc., etc. ».

Comme il est à désirer que l'Empereur ac

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