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si même je crois l'on ne s'arrangea pour qu'il n'y entrât pas du tout. Et voici ce que je tiens d'un des Anglais distingués détenus si longtemps en France, et qui résidait précisément à Lyon. Le général autrichien et lui se firent un malin plaisir de se jeter déguisés dans la foule qui se pressait pour voir le passage du monarque déchu. Ils comptaient jouir l'un et l'autre des imprécations qu'ils supposaient devoir lui être prodiguées. Mais à sa vue il se fit le plus morne silence, et une vieille femme en deuil, d'une tenue au-dessus du commun, l'air égaré, le visage en feu, se précipita sur la portière de sa voiture. Les deux curieux crurent qu'elle allait éclater. « Sire, lui dit-elle avec une espèce de » solennité, que la bénédiction du Ciel vous » accompagne. Tâchez d'être heureux s'il vous » est possible: on vous enlève à nous; mais nos » cœurs vous suivront partout. » Le général ennemi, déconcerté, dit à son camarade : « Éloi»gnons-nous, cette vieille folle m'importune, » et tout ce peuple-ci n'a pas le sens commun, »>

Ce fut un peu au-delà de Lyon, que se présenta sur la route, le général en chef de l'armée de l'Est. Napoléon descendit alors de voiture et marcha long-temps avec lui. En revenant, un des généraux, commissaires des alliés, osa se permettre de témoigner à l'Empereur son

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étonnement de l'intimité qu'il venait de montrer à ce chef. «Et pourquoi cela, reprit Na>>.poléon? - Mais Votre Majesté ignore donc sa » conduite?-Quelle est-elle ? - Sire, depuis >> nombre de semaines il était d'accord avec » nous. Et en effet, disait l'Empereur, celui» là même auquel, sur ce point, j'avais confié » la France, l'avait sacrifiée, perdue. » Et après diverses plaintes récapitulées, il a terminé disant: «< Depuis long-temps, chez lui, le maré»chal n'était plus le soldat; son courage, ses >> vertus premières l'avaient élevé très-haut hors » de la foule; les honneurs, les dignités, la for>> tune l'y avaient replongé. Le vainqueur de Castiglione eût pu laisser un nom cher à la France; mais elle réprouvera la mémoire du >> défectionnaire de Lyon, ainsi que celle de tous >> ceux qui en ont agi comme lui, à moins qu'ils » ne réparent les torts faits à la patrie par de » nouveaux services rendus à la patrie.

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C'est cette circonstance qui a dicté la fameuse proclamation de l'Empereur à son retour. << Fran»çais, y est-il dit, la défection du duc de Cas» tiglione livra Lyon, sans défense, à nos enne» mis; l'armée dont je lui avais confié le com» mandement, était, par le nombre de ses ba» taillons, la bravoure et le patriotisme des >> troupes qui la composaient, à même de battre

le

>> corps d'armée autrichien qui lui était opposé, et d'arriver sur les derrières du flanc » gauche de l'armée ennemie qui menaçait Pa» ris. Les victoires de Champ-Aubert, de Mont» mirail, de Château-Thierry, de Vaux-Champ, » de Mormans, de Montereau, de Craone, de » Reims, d'Arcis-sur-Aube et de St-Dizier; l'in»surrection des braves paysans de la Lorraine, » de la Champagne, de l'Alsace, de la Franche>> Comté, de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les derrières de l'armée enne» mnie, en la séparant de ses magasins, de ses >> parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une situation désespérée. Les Français ne furent jamais sur » le point d'être plus puissans, et l'élite de l'ar»mée ennemie était perdue sans ressource; elle >>> eût trouvé son tombeau dans ces vastes con»trées qu'elle avait si impitoyablement sacca» gées, lorsque la trahison du duc de Raguse » livra la capitale et désorganisa l'armée. La >> conduite inattendue de ces deux généraux, » qui trahirent à la fois leur patrie, leur, prince » et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre. La situation désastreuse de l'ennemi >> était telle, qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu de»vant Paris, il était sans munitions, par la sépa

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»ration de ses parcs de réserve*, etc., etc., etc. » Napoléon fut moins bien traité à mesure qu'il approchait de la Provence; c'est que les machinations avaient eu le temps de le devancer. Il avait échappé au guet-à-pens Maubreuil, il faillit succomber à celui d'Orgon; et cette partie de sa dictée n'est pas la moins curieuse.

Arrivé au lieu de l'embarquement, il s'y trouva deux bâtimens pour le transporter; l'un Français, l'autre Anglais. Napoléon se jeta dans la frégate anglaise, disant qu'il lui en coûterait trop qu'on pût jamais dire qu'un Français l'avait déporté.

Tel est en peu de mots le grand événement dont on aura un jour les détails dictés, ainsi que je l'ai dit plus haut, par l'Empereur même. La France fut inondée dans le temps, à ce sujet, d'une foule de pamphlets tellement dégoûtans de mensonges et d'absurdité, que depuis, les gens honnêtes n'ont pu s'empêcher de rougir d'avoir eu la faiblesse de les croire, ou même le courage de les lire.

* Une de mes connaissances, voyageant en Allemagne, m'a dit y avoir recueilli de la bouche même du chef des parcs russes, et plusieurs années après l'évé nement, que l'exposé ci-dessus était fidèle et l'assertion exacte.

(Nov, 1816 Voici le traité de Fontainebleau annoncé cidessus. Il nous fut soigneusement soustrait dans le temps. Le Moniteur ne l'a jamais publié, et il nous est demeuré long-temps inconnu. On ne le trouve guère que dans des recueils officiels, et encore s'y présente-t-il avec des variantes. J'ai donc pensé qu'on me saurait gré de l'introduire ici. Il appartient tout à fait au sujet, et beaucoup de ses articles sont journellement encore, pour nous autres contemporains, de graves objets de conversations journalières. Il ne peut donc qu'être agréable d'être mis à même d'en pouvoir discuter en toute connaissance de

cause.

TRAITÉ DE FONTAINEBLEAU DU 11 AVRIL.

« Article Ier. S. M. l'Empereur Napoléon renonce, pour lui, ses successeurs et descendans, ainsi que pour chacun des membres de sa famille, à tout droit de souveraineté et de domination, tant sur l'empire français et le royaume d'Italie, que sur tout autre pays.

» II. LL. MM. l'Empereur Napoléon et l'Impératrice Marie-Louise conserveront ces titres et qualités pour en jouir leur vie durant.

» La mère, les frères, sœurs neveux et nièces de l'Empereur conserveront également partout

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