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(Nov. 1816) nais qu'il n'eût rien laissé percer de toutes ces grandes et belles institutions : « A quoi bon ba>>> varder là-dessus, me dit-il, on m'eût pris pour » un charlatan, on m'eût suspecté d'insinua>>tion, de souplesse; l'on se fût familiarisé à me » combattre, et je serais tombé dans le discré» dit. Situé ainsi que je l'étais, sans l'autorité >> héréditaire de l'antique tradition, privé du

prestige de ce qu'ils appellent la légitimité, »je ne devais pas permettre l'occasion d'entrer » en lice vis-à-vis de moi, je devais être tran» chant, impérieux, décisif. Vous me dites qu'on a dit de moi, dans votre faubourg : >> Que n'était-il légitime! Si je l'eusse été, je >> n'aurais pas fait davantage, sans doute, mais >> il m'eût été permis alors d'avoir plus de bon» homie, etc., etc. >>

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Vendredi 8.

La Vendée; Charette. Lamarque. Tragédies d'Eschyle et de Sophocle, etc. Véritables tragédies chez les Romains. La Médée de Sénèque; singularité,

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L'Empereur a travaillé avec l'un de nous, ce qui nous a fort réjouis, en nous prouvant qu'il se trouvait beaucoup mieux.

L'Empereur m'a fait demander avant dîner.

Le travail semblait l'avoir ranimé, il était fort causant et nous marchions dans son appartement. La Vendée, ses troubles, les chefs qu'elle a montrés, ont été un des sujets remarquables de la conversation.

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Charette était le seul dont il fit un cas tout. particulier « J'ai lu une histoire de la Vendée : » si les détails, les portraits sont exacts, disait>> il, Charette est le seul grand caractère, le » véritable héros de cet épisode marquant de >> notre révolution; lequel, s'il présente de grands malheurs, n'immole pas du moins no>> tre gloire. On s'y égorge; mais on ne s'y dé>> grade point on y reçoit des secours de l'é>>tranger; mais on n'a pas la honte d'être sous » sa bannière, et d'en recevoir un salaire jour» nalier pour n'être l'exécuteur de ses vo>> lontés. Oui, a-t-il continué, Charette me laisse >> l'impression d'un grand caractère, je lui vois >> faire des choses d'une énergie, d'une audace >> peu communes ; il laisse percer du génie.»> Je lui disais alors avoir beaucoup connu Charette dans mon enfance, nous avions été gardes de la marine ensemble à Brest; nous y avions partagé long-temps la même chambre, mangé à la même table, et il avait fort surpris, par ses exploits et sa brillante carrière, tous ceux de nous qui avions été liés avec lui. Nous avions jugé Cha

que

rette assez commun, de peu d'instruction, volontiers atrabilaire et surtout extrêmement indolent. Pas un de nous qui ne l'eût condamné à demeurer dans la foule des insignifians. Il est bien vrai qu'à mesure qu'il prenait de l'éclat nous nous rappelions, et nous aimions à faire ressortir, qu'à une de ses premières.campagnes dans la guerre d'Amérique, et devant n'être encore qu'un enfant, sortant de Brest, durant l'hiver, sur un cutter, son bâtiment perdit son mât, ce qui, pour ce genre d'embarcation, équivaut à une perte presque certaine; le temps était si épouvantable et la mort si infaillible, que, les matelots à genoux et l'esprit perdu, se refusèrent à tout travail qui eût pu les sauver. Le garde de la marine Charette, malgré son extrême jeunesse, en tua un pour contraindre les autres à travailler; il parvint, en effet, par ce terrible exemple, à décider tout le reste, et l'on sauva le bâtiment. « Et bien! voyez, disait >> l'Empereur, le vrai caractère perce toujours » dans les grandes circonstances: voilà, en

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effet, l'étincelle qui signala le héros de la Ven» dée. Il ne faut pas toujours s'y méprendre, il >> est des dormeurs dont le réveil est terrible. » Kléber aussi était d'habitude un endormi; » mais dans l'occasion, et toujours au besoin, » il avait le réveil du lion. » J'ajoutais avoir

mainte fois entendu raconter à Charette, que dans un certain moment et d'un élan spontané, les matelots du cutter s'étaient écriés, d'une voix commune, qu'ils faisaient vœu d'aller, en chemise et pieds nus, porter un cierge à notreDame-de-Recouvrance (Portion de Brest), si elle obtenait leur salut : « Et vous en croirez » ce que vous voudrez, nous ajoutait naïvement >>> Charette; mais il est de fait qu'à peine ils eu>> rent fini de prononcer leur prière, que le >> vent tomba subitement, et que dès cet ins>> tant commencèrent nos espérances de salut. » Et les matelots au retour, leurs officiers en tête, accomplirent dévote ment leur vou. Du reste, disais-je, ce ne fut pas la seule circonstance miraculeuse du petit cutter. On était au mois de décembre, la nuit fort longue et des plus obscures; on se savait au milieu des récifs; mais privé du mât et de tout secours nautique, on flottait à l'aventure, n'attendant de salut que du Ciel, quand on entendit le son d'une cloche. On sonda, et trouvant très peu de fond, on jeta. l'ancre. Quelle ne fut pas, au point du jour, la surprise et la joie de se voir à l'entrée de la rivière de Landernau! La cloche qu'on avait entendue était celle de la paroisse voisine. Or le bâtiment avait merveilleusement traversé les innombrables écueils dont est semée l'entrée de

Brest; il avait enfilé le goulet, passé à travers de trois ou quatre cents voiles qui couvraient la rade, et était venu trouver un abri précisément à l'entrée d'une rivière, sur un point calme et tout-à-fait à l'écart. « Voyez, disait l'Empereur, » toute la différence du tâtonnement des hom» mes, à la marche assurée, franche de la na» ture: ce qui vous étonne si fort, devait arri» ver. Très-probablement qu'avec toutes nos >> connaissances humaines, le trouble, les er>> reurs de nos sens, eussent amené le naufrage » du bâtiment. Au travers de tant de chances >> malheureuses, la nature l'a sauvé sans hésita» tion, la marée s'en est saisie, et la force du >> courant l'a conduit sans péril, précisément au >> milieu de chaque chenal; de la sorte il ne de» vait, il ne pouvait pas périr, etc. »

Et revenant sur la guerre de la Vendée, il a ❤ rappelé qu'il avait été tiré de l'armée des Alpes, pour passer à celle de la Vendée, et qu'il avait préféré donner sa démission, à poursuivre un service dans lequel, d'après les impulsions du temps, il n'eût pu concourir qu'à du mal, sans pouvoir personnellement prétendre à aucun bien. Il a dit qu'un des premiers soins de son consulat avait été de pacifier tout-à-fait ce malheureux pays, et de lui faire oublier ses désastres. Il avait beaucoup fait pour lui; la popula

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