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»sait-on, deux ou trois jours; c'est que l'Empe>> reur devait passer, et que l'on n'avait pas cru >> qu'il fût bien de le laisser entouré d'un si » grand nombre de prisonniers ennemis. Outre >> que nous avions grande curiosité de le voir, » cet ordre nous blessa extrêmement. Se défie» rait-on, disions-nous, de braves et loyaux ma>> rins? Aurait-on la pensée de les confondre » avec des assassins? nous en étions là, quand, » le jour même de l'arrivée de Napoléon, on » vint nous annoncer, à notre grande surprise, » que nous redevenions libres, et qu'il avait » fort désapprouvé la mesure prise à notre égard. » Nous nous précipitâmes donc sur son pas»sage, et il nous traversa sans escorte dans » une sécurité parfaite, et même avec une sorte » de bienveillance marquée, ce qui nous gagna » tous; et nos acclamations furent aussi sin»cères que celles des Français eux-mêmes.

» Napoléon et Marie-Louise revenant de leur » voyage de Hollande, arrivèrent à Givet sur >> la Meuse, où se trouvaient plusieurs centaines » de prisonniers anglais. Le temps devint subi>>tement horrible; il plut en abondance, la » rivière déborda, le pont de bateaux se rompit, et le passage devint impraticable. Cepen>> dant l'Empereur, très-impatient de continuer

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>> sa route, et qui avait pris l'habitude de ne >>> trouver rien d'impossible, résolut de traverser » la rivière à tout prix. On rassembla à cet effet » les mariniers des environs; mais tous pro>> noncèrent qu'ils n'oseraient jamais le tenter. » Pourtant, répliqua Napoléon, je veux être de >> l'autre côté avant le milieu du jour; et se » rendant lui-même sur les lieux, il commanda >> qu'on lui amenât quelques-uns des principaux >> prisonniers anglais. Y a-t-il beaucoup de ma>> rins parmi vous? leur dit-il; êtes-vous nom>> breux?-Nous sommes 500, et tous marins. >> -Eh bien! faites-m'en venir un certain nom>> bre, je veux savoir s'ils croient le passage de >> la rivière possible, et s'ils veulent se charger » de me transporter à l'autre rive. La chose était >> vraiment dangereuse, pourtant quelques-uns » de nos vieux marins s'engagèrent à en venir à >> bout. Napoléon se livra à nous avec une con» fiance qui nous émerveilla tous, et, rendu de >> l'autre côté, il nous remercia, donna l'ordre » de faire habiller à neuf tous ceux qui lui » avaient rendu ce service, y ajouta un présent >> pécuniaire, et les rendit à la liberté.

» Un jeune matelot anglais, travaillé de la » maladie du pays, s'échappa d'un dépôt, et >> parvint à gagner les bords de la mer, dans » les environs de Boulogne, où il vivait caché

» dans les bois. Dans sa passion de revoir son >> pays à tout prix, il essaya de construire un pe>> tit canot qui put lui servir à gagner les croi>> seurs anglais, qu'il était occupé une grande » partie du jour à guetter de la cime de quel>>ques arbres. Il fut saisi au moment où, chargé » de son esquif, il allait le jeter à l'eau et sy » aventurer. On l'emprisonna comme espion ou » voleur. La chose étant parvenue jusqu'à Na» poléon qui se trouvait à Boulogne, il eut la » curiosité de voir cette embarcation, dont on >> parlait beaucoup; il ne put croire, à sa vue, >> qu'il fût un être assez insensé pour avoir osé >> en faire usage, et il se fit amener le matelot, >> qui lui confirma que telle avait été sa réso» lution, lui demandant pour toute faveur la >> grâce de lui permettre de l'exécuter. - Mais tu >> as donc une bien grande envie de revoir ton » pays, lui dit l'Empereur, y aurais-tu laissé quel>>> que maîtresse?—Non, répondit le matelot, ce » n'est que ma mère qui est vieille et infirme et » que je voudrais revoir.-Eh bien! tu la re» verras, s'écria Napoléon ; et il commanda aus» sitôt qu'on prît soin de ce jeune homme, qu'on >> l'habillât et qu'on le transportât à bord du >> premier croiseur de sa nation; voulant en » même temps qu'on lui donnât une petite >> somme pour sa mère, faisant la remarque

qu'elle devait être une bonne mère, puis>> qu'elle avait un si bon fils *. »

En fait de bienveillance, de la part de l'Empereur, exercée envers des Anglais détenus en France, j'ai connu pour mon compte celle dont fut l'objet un M. Manning, fort de ma connaissance à Paris, lequel, s'étant consacré aux voyages dans l'intérêt de la science, n'imagina d'autre moyen, pour recouvrer sa liberté, que de s'adresser directement à Napoléon par la voie d'une simple pétition, lui demandant qu'il lui permît d'aller visiter le plateau central de l'Asie. Nous lui rìmes au nez, dans nos salons, sur sa simplicité; mais il nous le rendit à son tour quand, au bout de quelques semaines, il vint triomphant nous apprendre son succès et sa liberté. Je lis dans l'ouvrage du docteur O'Meara, et ce n'est pas une des moindres singularités du hasard, que ce même M. Manning, après plusieurs années de longues pérégrinations, se trouvant, dans son retour en Europe, passer à Sainte-Hélène, y

*Depuis mon retour en Europe, il a été publié des lettres de Sainte-Hélène, dans lesquelles j'ai retrouvé ces anecdotes presque mot à mot. Cette circonstance et d'autres m'ont fait prendre des renseignemens sur cette publication, et ils m'ont mis à même de pouvoir affirmer que, bien qu'elle soit anonyme, elle est de la plus grande authenticité, et mérite toute confiance,

sollicite de tous ses moyens la faveur d'aborder Napoléon pour lui exprimer sa reconnaissance, déposer quelques présens à ses pieds, et répondre aux questions de l'Empereur sur l'existence et les particularités du grand Lama, qu'il avait été visiter par sa faveur particulière.

Mercredi 6.

Situation physique de la Russie; sa puissance politique; paroles remarquables. - Notice sur l'Inde anglaise. Pitt et Fox.- Idées de l'économie politique; compagnies ou commerce libre. Les créneaux contre les métiers, etc. - M. de Suffren. Sentimens de l'Empereur pour la marine. L'Empereur a été de mieux en mieux. Il a reçu quelques personnes vers midi. Je m'y suis trouvé avec Mme de Montholon. L'Empereur est devenu très-causant sur les sociétés de Paris, et diverses anecdotes des Tuileries.

Le soir, même amour encore de géographie. L'Empereur s'est arrêté spécialement sur l'Asie; la situation politique de la Russie; la facilité avec laquelle elle pourrait faire une entreprise sur l'Inde et même sur la Chine; les inquiétudes qu'en devraient concevoir les Anglais; le nombre de troupes que la Russie devrait employer, leur point de départ, la route qu'elles auraient à suivre, les richesses métalliques qu'elles en rapporteraient, etc., etc.; et il a donné, sur la

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