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défense faite de prier Dieu pour l'âme du jeune Lallemand, quoique le curé ne demandât pas mieux que de faire le service *.

Vous savez que l'autre jour cinq à six mille jeunes gens auxquels on a, ainsi qu'aux députés et autres personnes priées au service funèbre, fermé la porte de Saint-Eustache, se sont transportées au cimetière du Père-Lachaise. Là aussi les portes étaient fermées; deux gendarmes à cheval foulaient la tombe de ce malheureux jeune homme, et un commissaire de police défendait d'en approcher. La colonne n'a pas été si loin; des détachements de cavalerie et d'infanterie l'ont arrêtée à la barrière. Les jeunes gens sont allés à la butte Chaumont; un piquet de gendarmerie à cheval y était placé. L'officier a fait mettre sabre à la main, et s'est mis en devoir de charger; Arnold Schoeffer s'est avancé ouvrant sa poitrine, et les défiant de frapper. Les gendarmes ont retourné leurs chevaux et se sont montrés peu disposés à seconder leur commandant; alors un petit discours de protestation, d'éloge et de rendez-vous à l'année prochaine a été prononcé; la colonne est retournée avec le même recueillement et a passé devant la porte du pauvre M. Lallemand le père. Tout le monde a ôté son chapeau, ce qui a fort touché de nombreux spectateurs.

Vous verrez qu'à la séance d'hier, M. Lainé a bien

Voy. les p. 161, 162 et 184 de ce vol. l'anniversaire de la mort du jeune Lallemand.

Le 3 juin 1821 était

parlé sur l'enseignement mutuel, M. Pasquier l'a soutenu aussi tout en faisant des concessions; mais le côté droit s'est obstiné à ne pas vouloir qu'on sût lire et écrire. Je crois pourtant que nous l'emporterons aujourd'hui ; le tout est déjà passablement ridicule.

Mon discours*, auquel nos adversaires ont donné le nom de manifeste, n'en a pas moins beaucoup de succès. J'avais cru que quinze cents exemplaires suffiraient; mais on m'en demande tant, qu'il faut encore en faire tirer; on le réimprime, dit-on, ailleurs. Notre chère madame d'Hénin a commencé à le blâmer avec sa vivacité et son amitié ordinaires. Peut-être changerait-elle d'avis si elle savait tout le bien qu'en a dit avant-hier, à ce qu'on m'assure, M. Royer-Collard. L'aristocratie est furieuse comme les femmes qui ont quelque raison de se mettre en colère contre le peintre.

Bignon a fait imprimer l'excellent discours qu'on ne lui a pas laissé le temps d'achever ; c'est un chefd'œuvre diplomatique. Vous aurez vu que la discussion s'est animée pendant quelques jours ; elle a été hier fort calme.

Vous aurez vu que le ministère public demande la peine de mort contre neuf accusés **; il y en a parmi eux pour qui ces conclusions paraissent bien étranges, même en supposant la vérité de tout ce

* Celui du 4 juin. (Voy. les p. 203 et suiv.)

** A la cour des pairs, dans l'affaire de la conspiration du 19 août 1820. (Voy. la p. 201 de ce vol.)

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qu'ont dit les espions du gouvernement. Le procureur général était hier à la chambre tout près de M...; leurs yeux avaient l'air de me dire, comme je l'ai fait remarquer à mes voisins : « Si tu n'es pas là, ce n'est pas notre faute.

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J'ai fait demander à mon collègue Constant s'il avait besoin de moi à la chambre. Sur sa réponse négative, je suis resté chez moi jusqu'au dîner amé ricain; je regretterais bien de n'y être pas allé. Il y avait plus de quarante convives, tous citoyens des États-Unis. J'y ai reçu, s'il est possible, plus de marques d'amitié que jamais. Dans un appartement au-dessous de nous dînaient ensemble tous les avocats de l'affaire des pairs. La cour prononcera sur chaque accusé l'un après l'autre, sans avoir posé de questions générales. Je vous enverrai un petit écrit tout à fait plaisant de M. Paul-Louis Courier, ainsi que les politesses qui me sont adressées par l'article officiel de l'Observateur autrichien. On l'attribue à M. de Gentz, rédacteur des manifestes de la SainteAlliance; il fait ici assez de sensation. La Quotidienne, le Drapeau blanc, etc., se sont hâtés de

le propager; le Constitutionnel et le Courrier en ont parlé d'une manière fort aimable pour moi. M. Gallatin * m'a fait compliment de ce que la cour de Vienne me traite de puissance à puissance par un manifeste officiel; il n'y a que moi jusqu'à présent qui n'ai pas lu cet article; je le trouverai sans doute facilement. Me voilà rentré dans les affaires; j'ai déjà eu ce matin une petite réunion de collègues chez moi, et je vais me rendre à la chambre, où un discours de M. Josse de Beauvoir a causé hier dans nos rangs beaucoup d'irritation. Je suis loin d'avoir trouvé la paix faite. Le retour du beau temps sera commode pour la tonte de mon troupeau.

(6 juillet.) P. S. Les journaux vous apprendront la mort de Napoléon. Elle est encore, malgré la situation odieuse et cruelle où il était depuis sept années, un grand événement politique. Les Anglais perdent ainsi un moyen de menace et d'influence, les agents provocateurs une mine féconde d'accusation; beaucoup de bonapartistes vont se rattacher au parti patriote.

Paris, 17 juillet 1821.

L'arrêt de la cour des pairs vous sera porté par la

Gazette. On m'a dit que des pairs, mécontents de

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* Ministre des États-Unis.

ne pas avoir encore plus de condamnations, avaient voulu protester contre la procédure et le jugement. Sans doute on n'a pas oublié le fameux supplément d'instruction contre les députés; mais, m'a-t-on assuré, sur l'observation de M..., que ce précédent deviendrait fort commode pour les pairs de la minorité, et qu'ils auraient plus d'une occasion de protester à leur tour; on n'a pas donné de suite à ce projet.

Le garde des sceaux est venu, suivant son usage, à la tribune dire et recevoir de mauvais compliments. Notre session se prolonge par une foule d'amendements *. Il y en a un très-raisonnable de M. Darrieux qui, voyant dans la charte des électeurs à 1500 francs de revenu, pense que le cens électoral devrait baisser avec le dégrèvement de la rente foncière. Vous jugez bien qu'il ne passera pas.

On croit toujours au changement partiel du ministère; on parle même de dissolution, à laquelle je ne crois pas.

J'ai eu la visite de M. de Torreno, qui est trèsrassuré sur l'état de son pays, quoique n'ayant aucun doute sur la nature et l'origine des efforts qu'on y fait pour détruire l'ordre actuel. Je souhaite bien qu'il ait raison. J'ai vu aussi sir Robert Wilson.

*

La session de 1820-1821 fut close le 31 juillet.

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