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présenté par la lettre d'introduction qu'il a eu la bonté de m'envoyer; ma reconnaissante vénération pour le noble parti anglais dont il est membre, mon estime pour ses qualités personnelles, et votre amitié pour lui, sont autant de motifs qui me font vivement regretter de ne m'être pas trouvé à portée de lui exprimer mes sentiments. J'aurais réclamé une petite part du temps qu'il donne sans doute à ses légitimes hôtes.

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Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je suis plus que jamais rentré dans ma retraite. J'imiterai votre réserve en ne traitant point ici le long et compliqué chapitre de la politique actuelle. Les journalistes, malgré l'état de notre presse et les voyageurs, malgré l'esprit de parti, vous aident à connaître nos affaires. Les discussions parlementaires, qu'on ne peut pas toujours ajourner, nous diront ce qu'ont pensé, sous les rapports d'intérêt et de moralité, les patriotes anglais. Les puissances secondaires vont recueillir les fruits de la protection de celles qui ont pris le nom de grandes; tous les peuples pourront calculer en paix ce qu'ils doivent de civilisation et de bonheur à la philanthropie des cinq coalitions libératrices. Mais, en attendant cette formation de l'opinion européenne, j'ai besoin

* Une ordonnance royale du 8 août, contre-signée par le duc d'Otrante, avait révoqué toutes les autorisations données aux journaux, et soumis tous les écrits périodiques à l'examen d'une commission nommée par le roi sur la présentation du ministre de la police.

de répondre au compliment d'excessive ingénuité que vous nous faites.

Ne croyez pas, mon cher lord, que le nolite confidere principibus* ait été étranger à chacun de nous, quoique cependant le machiavélisme, perfectionné à un tel point, ait dû éblouir la multitude. Personne néanmoins n'a poussé la confiance aussi loin que Napoléon, lorsque pouvant, comme nous le voulions, aller aux États-Unis, il a préféré se rendre à bord du Bellerophon.

Les principes de 89 avaient armé contre nous le royalisme et l'aristocratie; le despotisme d'un conquérant leur a donné pour auxiliaires les peuples. C'est avec cette force contre nature que Pilnitz et . Coblentz ont reparu à nos portes. Il fallait, pour se défendre, ou s'abandonner à un mouvement national qui suppose enthousiasme et confiance, ou s'unir au gouvernement régulier d'un général qui craignait sa nation plus que l'ennemi. La majorité agissante a préféré le second parti; il a été appuyé par tous, sans humeur et sans réserve.

Bientôt après, l'empereur, ayant perdu la seule armée qui fût en proportion avec les forces opposées, ne chercha de remèdes que dans la dissolution des chambres et un pouvoir destructif de tout élan libéral. On reconnut alors plus généralement qu'il n'y avait de défense possible qu'en soulevant la na

* « Nolite confidere principibus et filiis hominum, quia non est salus in illis. » (Dernières paroles du comte Strafford, ministre de Charles Ier, avant d'aller à l'échafaud.)

tion au nom de la liberté, par un abandon mutuel de confiance entre le peuple et ses mandataires.

Le temps manquait; on dut réclamer, auprès des puissances qui avaient la force, une suspension d'armes fondée sur des déclarations auxquelles trop de gens croyaient encore ; c'est ainsi que depuis on a pu en appeler à des articles de capitulation. Une politique moins violente et plus loyale eût mieux valu, je crois, pour l'intérêt de tous; mais la coalition, dont le roi était membre, s'avança rapidement; les gouvernements provisoires de 1814 et 1815 ont eu des présidents négociateurs. On aurait dû se battre le 5 juillet ou négocier sur la Loire; à la place du roi lui-même, je l'aurais préféré à ce qui s'est passé depuis. Nous ignorons ce qui avait été promis par ses ministres ou ensuite par lui; c'était trop sans doute, mais ses alliés, après son retour, ont étrangement abusé de sa situation; car la résistance a été surtout paralysée et désarmée par l'usage que nos ennemis ont fait de son nom, et par la crainte d'encourir le reproche de notre ruine en voulant s'y opposer plus longtemps.

J'ai peut-être mal justifié mes compatriotes de leur trop de confiance dans la bonne foi des politiques, dans le patriotisme des ambitieux, dans les garanties fondées sur l'intérêt et non sur la moralité; du moins est-il vrai de dire que la raison publique est assez formée pour que le peuple français attache plus de prix aux choses qu'aux personnes. Il connaît ses droits et sent ses besoins. On

avoue qu'il eût suffi à Jacques II de ménager l'horreur publique pour la messe ; mais la restauration des Bourbons aurait besoin de s'appuyer sur un corps plus complet d'institutions et de doctrine.

Vous voyez que je me laisse aller à vous parler politique. C'est à la place où je vous écris *, mon cher lord Holland, que celui dont nous chérissons et vénérons la mémoire me disait : « Si nos deux pays peuvent avoir dans le même temps une administration libérale, la cause du genre humain est gagnée. »

Recevez l'expression de la tendre amitié que je vous ai vouée pour la vie.

* Voy. les p. 70 et 126 du neuvième vol. venu à Lagrange en 1802.

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