Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

est vrai que je n'avais pas applaudi à son anecdote du prêtre Fournier, enfermé dans un hospice de fous, pour je ne sais quelle phrase de sermon; mais sans m'appesantir sur cette discussion, j'avouerai que Bonaparte a bien connu ses intérêts et ses moyens religieux. Depuis le pape qui est venu le sacrer, jusqu'à ce même Fournier qui est devenu son serviteur, on a vu beaucoup de membres du clergé bénir les nouveaux oints du Seigneur aux dépens des anciens, pour qui, de mon temps, ils avaient opéré le schisme et provoqué la guerre. Le conscrit traîneur et le chouan ont subi l'anathème destiné jadis au soldat patriote; des évèques, charmés de la piété de l'empereur, appelant les vengeances du ciel sur l'Angleterre qui les avait nourris, fidèles à leur serment de dévouement et de révélation, donnèrent occasion à Fouché de leur écrire : « Il y a plus de rapport qu'on ne pense >> entre vos fonctions et les miennes. » Enfin l'empereur put dire en plein conseil : « Avec mes pré» fets, mes gendarmes et mes prêtres, je ferai tou» jours ce que je voudrai. >>

Le hasard d'un rendez-vous antérieur m'avait conduit chez lui au moment où madame ......., pour échapper à la déportation annoncée dans un article, injurieux du Moniteur, était, ce qu'il aura su depuis, sur la route de Lagrange avec ma femme.

dont l'ancien gouvernement jouissait près du saint-siége. Le traitement du clergé par l'État était fixé; on érigeait neuf archevêchés et quarante et un évêchés, etc.

[ocr errors]

[ocr errors]

Je fis naître l'occasion de lui reprocher cette diffamation officielle d'une mère de famille respectable; "il n'y a pas, ajoutai-je, jusqu'à M. de la Harpe » que, par une attaque pareille, vous n'ayez rendu >> intéressant. » « Que ne se défendent-ils ? ré»pliqua-t-il; le Moniteur dit moins de sottises » qu'un autre, mais il en dit encore beaucoup. Je le priai de nommer le journal où l'on pouvait repousser une insulte officielle *. « Eh bien, » dit-il, dans un livre. » Je lui demandai quel imprimeur oserait contredire le gouvernement? Il se jeta dans des récriminations sur l'aristocratie, me disant « que j'étais trop bon; qu'il n'y en avait pas un seul qui n'eût été charmé de me voir pendre; » il se plaignit avec colère de la conduite des salons de Paris. « Je ne suis qu'indifférent » lui dis-je, ils n'ont d'importance que celle qu'on

[ocr errors]

[ocr errors]

* Le 16 janvier 1800, un arrêté des consuls avait réduit à treize le nombre des journaux politiques, pendant toute la durée de la guerre, avec menace de suppression s'ils inséraient des articles contraires au respect dû au pacte social, à la souveraineté du peuple et à la gloire des armées. Le ministre de la police devait veiller à ce qu'aucun nouveau journal ne s'établît à Paris ni dans les départements. Le Moniteur du 10 juillet 1801 publie un relevé pour constater que les abonnements aux journaux politiques étaient tombés de quarante-neuf mille trois cents à trente-trois mille depuis le mois de mars 1800 jusqu'au 19 mai 1801, diminution d'environ un tiers en quatorze mois. Le 27 septembre 1803, parut un nouvel arrêté des consuls portant «que, pour assurer la liberté de la presse, aucun libraire ne pourrait vendre un ouvrage avant de l'avoir présenté à une commission de révision, laquelle devait le rendre s'il n'y avait pas lieu à la censure. »

» leur donne; je m'étonne que des généraux qui » ont vaincu l'Europe daignent s'occuper des gri-, » maces du faubourg Saint-Germain. Soyez juste >> envers tous; cette faction battue et ruinée vous >> reviendra de reste. » - « Je crois que vous avez » raison, reprit-il; mais on me pousse. Ce ne sont » pas seulement les généraux; vos constituants » sont les plus enragés de tous. » Il y avait déjà dans son courroux un fond d'inclination pour ce parti, et dans son despotisme de quoi la rendre réciproque; mais ses premières avances furent celles d'un général, les secondes celles d'un monarque. Aussi disait-il : «Quand je leur ai ouvert » la porte de l'armée, personne n'est venu ; à peine >> ai-je ouvert celle de l'antichambre qu'ils s'y pré» cipitent. » Il a voulu depuis accélérer encore le mouvement, ce qui a donné à quelques personnes l'avantage d'être forcées, et à d'autres le dépit d'être oubliées. C'est alors que, dans son enthousiasme de la prestesse des chambellans et de la grâce des dames du palais, il s'est écrié : « Il n'y a que les gens de >> cette classe qui sachent servir, » éloge dont l'aristocratie a été singulièrement flattée. Jamais il ne m'a parlé des aristocrates et des rois de l'Europe, sans me témoigner combien il avait été frappé de leur malveillance envers moi. « Je suis bien haï, >> disait-il un jour, et d'autres aussi par ces princes » et leurs entours, mais bah! tout cela n'est rien » auprès de leur haine pour vous. J'ai été à portée » de le voir, je n'aurais pas cru que la haine humaine

put aller si loin ! Et il ajouta : Comment, diable! » les républicains ont-ils eu la sottise de croire un >> instant leur cause séparée de la vôtre ? Mais à pré>> sent ils vous rendent bien justice, oh! oui, justice » complète... » Ce mot fut appuyé d'un regard trèssignificatif que je fus loin de déjouer, par la manière dont je reçus l'un et l'autre compliment.

J'étais à Chavaniac, lorsque le roi et la reine d'Étrurie vinrent lui faire leur cour, et parurent à une fête sur le sol même de l'échafaud de leurs malheureux parents *. Au premier mot que je lui en dis à mon retour: « Vous avez craint, » me répondit-il, << que la vue de ce petit roi ne les en ragoûtât?» et reprenant un ton sérieux : « Général Lafayette, » me dit-il, << vous avez renversé la plus forte monarchie >> qu'il y ait eu; voyez toutes celles d'Europe, la nôtre, malgré ses défauts, 'était la mieux constituée. C'est une belle et hardie entreprise; mais vous fîtes une grande faute de vouloir conserver, dans une telle >> révolution, l'ancienne dynastie; car, en lui refu>>sant tout pouvoir, le gouvernement n'allait pas, et en lui en donnant, elle s'en servait contre vous. Le problème était insoluble. » Je lui répondis : « Qu'il

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

* Par un traité du mois de mars 1801, entre le premier consul et la cour de Madrid, les États de Parme avaient été cédés à la France, qui s'était dessaisie de la Toscane en faveur de l'infant de Bourbon, prince de Parme. Au mois de juillet de la même année, l'infant fut ainsi proclamé sous le nom de Louis ler, roi d'Étrurie. En 1807, sa veuve Marie-Louise de Bourbon, reine régente pendant la minorité de son fils Louis II, fut contrainte de déclarer que celui-ci cédait l'Étrurie à l'empire français.

» était consolant pour l'amour-propre, de voir Bonaparte lui-même regarder comme insoluble le problème où nous avions échoué, mais que la » volonté publique, dans laquelle nous trouvions à » la fois et nos moyens et nos devoirs, était égale»ment prononcée pour tous les éléments d'une république démocratique et pour la conservation. » d'un roi qui fût Bourbon et Louis XVI, que cette >> double donnée avait produit l'amalgame consti>>tutionnel de 91, défectueux sans doute, mais

[ocr errors]
[ocr errors]

regardé par la nation comme excellent, ce qui » est le premier ressort d'une institution politique.>> Ces réflexions nous conduisirent à reconnaître ensemble une vérité dont il est aussi persuadé que moi et toutes les personnes qui ont connu la disposition des autres pays, c'est que si la proscription des premiers chefs et des premiers principes de la révolution n'avait pas, dès 92, arrêté le mouvement général que la coalition des émigrés et des rois n'avait fait qu'accroître, l'Europe eût été, avant dix ans, complétement acquise à la doctrine de la declaration des droits. Je fus surpris d'entendre Bonaparte regretter que l'assemblée constituante n'eût pas remplacé les trois ordres par trois chambres, de propriétaires, de négociants et de lettres; idée informe qu'il a réalisée en Italie. Je le fus moins de l'entendre dire, en faveur d'un gouvernement unique et durable, que, « puis» qu'il était naturel que chaque chef fìt pour lui » et sa famille la plus grande fortune possible,

f

« ZurückWeiter »