Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

propos de l'enlèvement des objets d'art, l'une et l'autre indiquant au roi ses engagements personnels, et dans quelques autres renseignements non moins probables. Cette circonstance est devenue, sans doute, une gène de plus pour Louis XVIII, dans l'état où ses alliés l'ont placé à son retour. Cependant, il en tirait alors vanité; et c'est avec le ton d'un Agamemnon moderne qu'il nous apprit, dans ses proclamations de Gand, que toutes les armées de l'Europe étaient réunies à l'étendard du lis pour envahir la France.

CHAPITRE II.

« Ce n'est pas la coalition de souverains, ce sont les idées libérales qui m'ont renversé, » disait Napoléon à Fontainebleau. « Il ne me reste plus de ressources, ajoutait-il, j'ai mis les peuples contre moi. » Aussi saisit-il, en 1815, avec toute la force de son esprit supérieur, l'obligation de se raccrocher aux idées libérales, et de se concilier au moins le peuple français. Son langage devint tout populaire; c'est au peuple qu'il devait, qu'il rapportait tout; et les libertés qu'on lui proposait de reconnaître, ou que le public reprenait de luimême, passaient à peu près sans contradiction; mais en même temps son indomptable caractère se

repliait dans les opinions et les sentiments de la tyrannie. Il est inouï qu'au milieu de tant de concessions et de réclamations républicaines, jamais une mesure spontanée ne soit sortie de sa bouche, ou de sa plume, qui ne fût un acte arbitraire. Lorsque son conseil d'État marchait dans le sens de la nouvelle situation, où lui-même sentait la nécessité de se placer : « Vous l'avez voulu, » disait-il avec colère, « on ne reconnaît plus le vieux bras de l'empereur; mais vous le sentirez... » ajoutait-il entre ses dents.

D'un autre côté, quoique le peuple des campagnes, des villes et de l'armée, et une grande portion des classes les plus instruites, se fussent livrées à Bonaparte, en haine ou en crainte des Bourbons, il n'y avait point là cet élan et cet abandon patriotique qui enlèvent une nation à la voix des chefs révolutionnaires. Personne ne pouvait voir dans l'empereur qu'un grand génie, un grand général, un homme irréconciliable avec la dynastie fugitive, lié à beaucoup d'intérêts du nouveau régime; mais sans vertus patriotiques. L'enthousiasme était refroidi dans la généralité du public, par le souvenir du passé, et dans les tètes pensantes, par la prévoyance de l'avenir. Il n'y avait donc entre le peuple, et son chef nouvellement converti, rien de cette confiance réciproque qui peut susciter et maintenir un élan national de résistance.

Tous les ministres, conseillers, administrateurs impériaux, placés entre le système de despotisme

auquel ils étaient habitués, et le langage républicain qui était revenu à l'ordre du jour, y portaient une figure étonnée, des manières assez gauches, et semblaient servir encore en parlant d'émancipation. L'armée elle-même se rappelait les fautes de 1812, de 1813; enfin, dans cette multitude civile et militaire, beaucoup de gens avaient, à l'égard de l'empereur, des reproches à se faire qui rendaient leur dévouement moins cordial.

Tous disaient cependant : « Il n'y a que Bonaparte qui puisse conduire nos conseils, commander nos batailles; son génie nous tiendra lieu des sentiments de 89, dont nous retrouvons au moins le langage. » Cette disposition, insuffisante pour une résistance révolutionnaire, mais donnant à une résistance régulière le plus de chances possible, était devenue celle de presque tous les patriotes de l'empire français. Napoléon, à son début, employa un autre prestige: il eut l'art de persuader qu'il s'était arrangé avec une partie des puissances, ce qui, de la part de l'Autriche, paraissait tout simple, et, d'un autre côté, pouvait aussi être attribué à la Russie par ceux qui savaient combien elle avait à se plaindre des Bourbons. Sa dissimulation fut telle que son ministre des affaires étrangères, le duc de Vicence, y fut trompé tout le premier. Les détails donnés par l'empereur, les papiers promis pour faire un rapport, tout était si positif, que le ministre ne fut détrompé que plusieurs jours après, lorsque, demandant au prince Joseph, devant son frère, les pièces

que celui-ci prétendait lui avoir remises, il fallut bien que la vérité se découvrit; mais Bonaparte n'éprouva pas le moindre embarras *.

Quant à moi, je ne croyais point à sa conversion; et trouvant de meilleures chances dans la maladroite et pusillanime malveillance des Bourbons que dans la vigoureuse et profonde perversité de leur antagoniste, j'avais de l'humeur de ce qu'il était venu troubler la paix du monde, et les probabilités d'une opposition ou d'un mouvement plus efficaces. Je ne restai à Paris que trois jours, pour n'avoir pas l'air de craindre, et je revins m'enfoncer dans ma retraite de Lagrange.

Le 24 mars, l'empereur, cet ennemi mortel de la liberté de la presse, celui qui muselait les journalistes en France, les fusillait en Allemagne, et recherchait les ouvrages libéraux pour les supprimer ou les dénaturer jusque dans l'héritage col

* En 1813, l'empereur causant avec M. de Fontanes, en présence de plusieurs de ses courtisans, sur les grands hommes anciens et modernes, leur dit : «César n'était qu'un héros; il agissait de mouvement, se livrait à son imagination, il s'est laissé assassiner. C'est Auguste, bien supérieur à César, qui fut un grand homme : il sut être cruel quand il le fallait, clément lorsque cela convenait à sa situation. C'était une tête vraiment politique, sachant persuader ce qu'il ne croyait pas, feindre ce qu'il ne sentait pas. Henri IV fut aussi un héros, Louis XIV un grand homme. Celuici, galant dans sa jeunesse, choisit ses maîtresses parmi les femmes les plus distinguées de sa cour; il fut dévot dans sa vieillesse ; en un mot, il prit toujours le ton qui convenait à son age et à sa position. » Je tiens cette conversation de personnes fort bien instruites. (Note du général Lafayette.)

latéral des bibliothèques, rendit le décret suivant :

«La direction générale de l'imprimerie et de la >> librairie et les censeurs sont supprimés.

[ocr errors]

Le 25, le conseil d'État, dont la soumission sans bornes à l'autorité arbitraire et au système de l'empereur était passée en proverbe, s'exprima ainsi dans une délibération qui contraste étrangement avec la profession de foi de Napoléon à son retour de Russie, en réponse à ce même conseil, reçue alors par lui avec l'assentiment le plus dévoué :

[ocr errors]

« Le conseil d'État, en reprenant ses fonctions, >> croit devoir faire connaître les principes qui font » la règle de ses opinions et de sa conduite. La sou>> veraineté réside dans le peuple; il est la seule source légitime du pouvoir. En 1789, la nation >> reconquit ses droits depuis longtemps usurpés >> ou méconnus. L'assemblée nationale abolit la » monarchie féodale, et établit une monarchie con>>stitutionnelle et le gouvernement représentatif. "La résistance des Bourbons aux vœux du peuple » amena leur chute et leur bannissement du terri>> toire français. Deux fois, le peuple consacra par ses votes la nouvelle forme de gouvernement >> établie par ses représentants. En l'an vii, Bona» parte, déjà couronné par la victoire, se trouva >> porté au gouvernement par l'assentiment natio

Voy. la p. 179 de ce vol.

« ZurückWeiter »