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cas de renversement, s'il y avait danger d'un retour de jacobinisme ou d'une aristocratie royale plus absurde et non moins sanguinaire, je ne désespérerais pas qu'il ne survînt quelques modifications moins contraires à la dignité comme à la liberté de mes compatriotes, et lorsque je considère la prodigieuse influence des doctrines françaises sur les futures destinées du monde, je me dis que moi, promoteur de la révolution, je ne dois pas reconnaître l'impossibilité de la voir de nos jours rétabblie sur ses véritables bases, celles d'une juste et généreuse liberté, en un mot, de la liberté américaine.

A présent que je vous ai ouvert mon cœur, vous paraîtra-t-il déraisonnable ou ingrat de différer une décision qui me ferait dire un adieu formel à l'Europe et former un établissement définitif en Amérique? Les obstacles de famille, dont j'ai parlé au commencement de ma lettre, feront-ils excuser ce délai? C'est à cette question qu'en ma qualité de vieux citoyen des États-Unis, de nouvel habitant de la Louisiane, d'ami de vos principes et de votre personne, je viens solliciter une réponse. Je n'ai pas besoin d'ajouter que si vous avez disposé des premiers témoignages de votre confiance, il n'est, dans le cas où je viendrais sur les lieux, aucune manière d'être utile qui ne me parût très-honorable; mais, comme il se pourrait que quelques membres des deux chambres eussent lié la pensée de leur faveur à celle de mon embarcation immédiate, je n'ai pas voulu envoyer les pouvoirs qui provoqueraient la

désignation de ces terrains concédés, dont la place et le choix doivent fixer la valeur, avant d'avoir soumis aux réflexions d'une amitié aussi éclairée que la vôtre les motifs de ma conduite.

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Je suis resté loin de tout emploi public; je répugnerais à prendre part à une administration si contraire à mes constantes doctrines. Vous verrez, par le petit discours que je joins ici et que mes concitoyens de Haute-Loire ont publié , que, dans mon refus de places départementales, je ne me suis servi que de prétextes polis, tandis que, pour des offres plus importantes, j'ai répondu aux amis du gouvernement et à Bonaparte lui-même, que j'étais déterminé à mener une vie de retraite. Le déplorable sort de mon ami Hamilton m'a profondément affligé **. Je suis bien sûr que, quelle qu'ait été la différence des partis entre vous, vous avez toujours jugé son mérite et que vous regrettez sa perte. Adieu, mon cher et excellent ami; je suis avec tous les sentiments d'affection, de reconnaissance et d'estime, etc. ***.

* Voy. ce discours, p. 38 de ce vol.

** Le colonel Burr, nommé en 1801 vice-président des États-Unis, avait forcé, par des allégations injurieuses, M. Hamilton à le provoquer en duel; M. Hamilton succomba. Le colonel Burr, aux élections de 1804, qui confirmèrent M. Jefferson à la presque unanimité dans les fonctions de président, fut remplacé par M. George Clinton. (Voy., sur M. Hamilton, la p. 127 du huitième vol.)

*** Nous ne publions pas deux autres lettres dans lesquelles le général Lafayette, continuant d'expliquer à M. Jefferson les motifs qui le décidèrent à rester en France, objectait de plus le danger d'être pris par les Anglais dans la traversée. M. Jefferson répondit

A M. JEFFERSON.

MON CHER AMI,

Lagrange, 6 novembre 1806.

Les bulletins de l'armée, l'anéantissement de toutes les forces hostiles de ce côté de l'Oder et plus loin; la position géographique du quartier général français, et des divers corps de nos troupes, n'ont pas besoin d'être accompagnés de réflexion. L'ancien système et les anciens princes du continent sont mis en pièces , pas cependant au nom, ni

*

le 16 février 1806 : « La raison que vous me donniez dans vos pré>> cédentes lettres, pour ne pas traverser l'Océan, était bien » forte, car votre prise par les Anglais eût été un grand malheur. >> Votre présence à la Nouvelle-Orléans eût certainement ajouté » à la sécurité de notre gouvernement dans ce pays; mais, dans >> l'état actuel des affaires, il n'est pas sûr que vous eussiez pu >> vous employer à notre service; car nous ne savons lequel des » deux gouvernements d'Espagne ou d'Angleterre nous forcera à >> nous prononcer contre l'un ou l'autre. Si c'est l'Espagne, et son >> attaque paraît imminente, vous ne pourriez probablement >> prendre aucune part à la guerre. »

*La quatrième coalition continentale de la Prusse alliée à l'Angleterre, à la Russie et à la Suède, se déclara au commencement d'octobre 1806. La victoire d'Iéna est du 14 du même mois; la capitulation d'Erfurth, du 16; le 25, eut lieu l'occupation de

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pour le profit immédiat de ces principes républicains qui avaient donné la première impulsion au mouvement; mais, quoiqu'une direction différente ait été prise, bien des choses ont été gagnées en route; par exemple, l'égalité des taxes est devenue un principe généralement établi, et les armées françaises conduites par un chef si habile sont reconnues invincibles. Mon fils, mon gendre, et tous mes amis personnels sont à l'armée. J'ai assisté, il y a quelques jours, en l'honneur de l'anniversaire de la naissance de Kosciusko, à un dîner polonais où lui-même se trouvait *. Il est presque superflu de dire que je suis constamment occupé et fort satisfait de mes travaux agricoles. Je n'ajouterai aujourd'hui à cette lettre que l'assurance de l'affectueuse gratitude de toute la famille, père, mère, et enfants. Vous connaissez bien mieux que je ne saurais les exprimer les sentiments qui sont gravés dans le cœur de votre ami.

Berlin; quelques jours après, le combat de Prentzlow, la prise de Stettin, de Lubeck, et la reddition de Hambourg, de Magdebourg, l'envahissement du Hanovre et de Posen.

* Au mois de novembre, la ville de Varsovie fut occupée par les troupes françaises.

A. M. JEFFERSON.

MON CHER AMÍ,

Lagrange, 20 février 1807.

Les nouvelles publiques d'Europe qui vous parviennent par la correspondance du ministre, ne peuvent manquer d'être aussi régulières et aussi exactes que celles que je pourrais vous donner de Lagrange. Ce que j'écrivais à propos de l'Oder, s'est trouvé applicable à la Vistule *, et va se vérifier encore sur les bords de quelque fleuve plus à l'est. Jusqu'à présent mon fils, mon gendre Lasteyrie, mes amis, n'ont pas été atteints, excepté le jeune Ségur ** qui a été blessé et fait prisonnier ; il sera, je l'espère, bientôt échangé.

L'abolition de la traite des nègres, en Angleterre, m'a rendu bien heureux ***. Vous m'avez vu, il y a plusieurs années, plein de l'espoir d'assurer à la France l'honneur de la mesure; mais je jouis du fond du cœur de ce qu'elle vient d'être adoptée ail

* Dès le commencement de décembre 1806, la ville de Thorn sur la Vistule fut occupée. Le combat de Preussisch-Eylau contre les Russes eut lieu le 8 février 1807; la prise de Dantzig est du 20 mai. ** Le comte Philippe de Ségur, lieutenant général, membre de la chambre des pairs et de l'académie française.

*** Elle fut abolie le 25 mars 1807.

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