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Le gros de l'armée ennemie sort enfin de Brienne pour se porter sur la route de Bar-surAube, à la rencontre des Autrichiens; mais l'arrière-garde prussienne, qui reste maîtresse d'une partie de la ville, s'obstine à reprendre le château. Nos troupes s'y défendent avec la même obstination, et la nuit qui survient ne peut mettre fin au combat.

Tandis que cette position nous était ainsi disputée, l'armée française établissait ses bivouacs dans la plaine qui est entre Brienne et les bois de Maizières. Nos convois d'artillerie filaient dans la grande avenue, pour aller prendre les positions qui leur étaient assignées; et Napoléon, après avoir donné ses derniers ordres, retournait par cette même avenue à son quartier-général de Maizières; il précédait ses aides-de-camp de quelques pas, écoutant le colonel Gourgaud, qui lui rendait compte d'une manoeuvre; les généraux de sa maison suivaient, enveloppés dans leurs manteaux. Le temps était très noir, et, dans la confusion de ce campement de nuit, on ne pouvait guère se reconnaître que de loin en loin, à la lueur de quelques feux. Dans ce moment, une bande de Cosaques, attirée par l'appât du butin et le bruit de nos caissons, se glisse à travers les ombres du camp, et parvient jusqu'à la route.

Le général Dejean se sent pressé brusquement, il se retourne, et crie aux Cosaques! En même temps, il veut plonger son sabre dans la gorge de l'ennemi qu'il croit tenir; mais celui-ci échappe, et s'élance sur le cavalier en redingote grise qui marche en tête. Corbineau se jette à la traverse; Gourgaud a fait le même mouvement, et, d'un coup de pistolet à bout portant, il abat le Cosaque aux pieds de Napoléon. L'escorte accourt, on se presse, on sabre quelques Cosaques; mais le reste de la bande, se voyant reconnu, saute les fossés et disparaît.

Il est dix heures du soir, quand Napoléon est de retour à Maizières. Le prince de Neufchâtel arrive après tout le monde. On le ramène couvert de boue: il était tombé dans un fossé. Le curé de Maizières était également méconnaissable sous la boue qui couvrait sa soutane ; il avait eu son cheval tué d'une balle derrière Napoléon.

Le 30, à la pointe du jour, l'armée française se trouve entièrement maîtresse de la position de Brienne, et les Prussiens sont en pleine retraite sur Bar-sur-Aube.

Tandis que nos forces se concentrent à Brienne, le duc de Trévise, qui est revenu à Troyes, a ordre de couvrir cette ville, en se portant en avant sur la route de Vandeuvres.

C'est dans ce moment que le duc de Bassano, parti de Paris quelques jours après Napoléon, rejoint le quartier impérial'. On venait de se loger au château de Brienne : cette belle habitation était saccagée; les balles avaient cassé toutes les vitres; les souterrains servaient encore de retraite aux principaux habitants, que le concierge y avait cachés.

Napoléon, élevé à Brienne, ne peut échapper aux souvenirs que ce lieu lui rappelle; il reconnaît les principaux points de vue de la campagne, et les retrouve en proie aux désastres de la guerre: il cherche du moins, à force de libéralités sur sa cassette, à soulager les nombreuses infortunes qui l'environnent. La dévastation du château et l'incendie de la ville l'affligent audelà de toute expression. Le soir, retiré dans son appartement, il fait le projet de rebâtir la ville; d'acheter le château, d'y fonder, soit une résidence impériale, soit une école militaire, soit l'une et l'autre le sommeil vient le surprendre dans les calculs et les illusions de ce projet!

Cependant, à la nouvelle du combat de Brienne, le prince Schwartzenberg était accouru à Bar

Il est accompagné de MM. Monnier et Benoît, chefs de division de la secrétairerie d'état.

sur-Aube avec toutes ses forces, et la jonction de la grande armée autrichienne avec celle du maréchal Blücher venait de se faire. D'un autre côté, le général York était venu précipitamment à Saint-Dizier pour rétablir sa communication avec son général en chef.

Le 31 janvier, le prince Schwartzenberg et le maréchal Blücher font avancer leurs armées réunies, et viennent présenter la bataille dans la plaine qui est entre Bar-sur-Aube et Brienne. Il ne dépend guère de nous de la refuser: le pont de Lesmont, qui doit être notre principal moyen de retraite, est rompu; il a été coupé pour arrêter Blücher lorsqu'il marchait sur Troyes : cet obstacle nous arrête à notre tour dans les manœuvres que nous voudrions faire pour repasser l'Aube. On demande encore vingt-quatre heures pour achever de le rétablir: nos sapeurs redoublent d'activité; mais en attendant, il faut se préparer à recevoir l'ennemi. Le reste de la journée se passe de part et d'autre en disposi

tions.

Nous sommes enfin à la veille d'un événement décisif; mais combien le début de la campagne est déjà différent de celui qu'on s'était promis! Au moment où nous croyions surprendre Blücher, coupé de son arrière-garde et réduit à moitié de

ses forces, il nous échappe, trouve le secours de la grande armée autrichienne, revient sur nous; et c'est lui qui nous engage dans une bataille où nos cinquante mille hommes vont en avoir au moins cent mille à combattre.

La bataille se donne le 1er février sur notre gauche, à Morvilliers, est le duc de Raguse; il a devant lui les Bavarois qui arrivent de Joinville. Entre le duc de Raguse et le centre, est le corps du duc de Bellune, qui occupe Chaumenil et la Gibérie; il combat contre les Wurtembergeois et le corps de Sacken.

La jeune garde impériale est au centre, à la Rothière; les troupes d'élite du maréchal Blücher et de l'armée autrichienne, ainsi que la garde russe, lui sont opposées.

Enfin sur notre droite, vers la rivière, est le corps du général Gérard, qui défend le village de Dienville contre les attaques du corps autrichien de Giulay.

Nos troupes ne sont pour la plupart que de nouvelles levées, conduites par des vétérans; mais partout elles soutiennent le combat avec intrépidité. C'est au centre, vers la Rothière, qu'on est le plus acharné; Napoléon y commande, les souverains alliés y sont aussi. La nuit seule met fin à l'action, et retrouve notre

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