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et l'attendent'. Cependant la journée finit et Napoléon a persisté dans son refus; comment espère-t-il échapper à la nécessité qui le menace?

Depuis quelques jours, il semble préoccupé d'un secret dessein. Son esprit ne s'anime qu'en parcourant les galeries funèbres de l'histoire. Le sujet de ses conversations les plus intimes est toujours la mort volontaire que les hommes de l'antiquité n'hésitaient pas à se donner dans une situation pareille à la sienne ; on l'entend avec inquiétude discuter de sang-froid les exemples et les opinions les plus opposés. Une circonstance vient encore ajouter aux craintes que de tels discours sont bien faits pour inspirer. L'impératrice avait quitté Blois; elle voulait se réunir à Napoléon; elle était déjà arrivée à Orléans, on l'attendait à Fontainebleau: mais on apprend de la bouche même de Napoléon que des ordres sont donnés autour d'elle pour qu'on ne la laisse pas suivre son dessein. Napoléon, qui craignait cette entrevue, a voulu rester maître de la résolution qu'il médite.

Dans la nuit du 12 au 13, le silence des longs corridors du palais est tout à coup troublé par

I

Voyez les révélations de Maubreuil et son procès. (Quotidienne, fin d'avril 1817.)

des allées et des venues fréquentes. Les garçons du château montent et descendent; les bougies de l'appartement intérieur s'allument; les valets de chambre sont debout. On vient frapper à la porte du docteur Yvan, on va réveiller le grand maréchal Bertrand, on appelle le duc de Vicence, on court chercher le duc de Bassano qui demeuré à la chancellerie; tous arrivent et sont introduits successivement dans la chambre à coucher. En vain la curiosité prête une oreille inquiète; elle ne peut entendre que des gémissements et des sanglots qui s'échappent de l'antichambre, et se prolongent sous la galerie voisine. Tout à coup le docteur Yvan sort; il descend précipitamment dans la cour, y trouve un cheval attaché aux grilles, monte dessus et s'éloigne au galop. L'obscurité la plus profonde a couvert de ses voiles le mystère de cette nuit. Voici ce qu'on en ra

conte :

A l'époque de la retraite de Moskou, Napoléon s'était procuré, en cas d'accident, le moyen de ne pas tomber vivant dans les mains de l'ennemi. Il s'était fait remettre par son chirurgien Yvan un sachet d'opium', qu'il avait porté à son cou

1 Ce n'était pas seulement de l'opium; c'était une préparation indiquée par Cabanis, la même dont Condorcet s'est servi pour se donner la mort.

pendant tout le temps qu'avait duré le danger. Depuis, il avait conservé avec grand soin ce sachet dans un secret de son nécessaire. Cette nuit, le moment lui avait paru arrivé de recourir à cette dernière ressource. Le valet de chambre qui couchait derrière sa porte entr'ouverte l'avait entendu se lever, l'avait vu délayer quelque chose dans un verre d'eau, boire et se recoucher. Bientôt les douleurs avaient arraché à Napoléon l'aveu de sa fin prochaine. C'était alors qu'il avait fait appeler ses serviteurs les plus intimes. Yvan avait été appelé aussi; mais apprenant ce qui venait de se passer, et entendant Napoléon se plaindre de ce que l'action du poison n'était pas assez prompte, il avait perdu la tête, et s'était sauvé précipitamment de Fontainebleau. On ajoute qu'un long assoupissement était survenu, qu'après une sueur abondante les douleurs avaient cessé, et que les symptômes effrayants avaient fini par s'effacer, soit que la dose se fût trouvée insuffisante, soit que le temps en eût amorti le venin. On dit enfin que Napoléon, étonné de vivre, avait réfléchi quelques instants: «Dieu ne le veut pas!» s'était-il écrié ; et s'abandonnant à la providence qui venait de con› server sa vie, il s'était résigné à de nouvelles destinées.

Ce qui vient de se passer est le secret de l'intérieur... Quoi qu'il en soit, dans la matinée du 13, Napoléon se lève et s'habille comme à l'ordinaire. Son refus de ratifier le traité a cessé, il le revêt de sa signature'. »

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CHAPITRE VI.

DISPERSION DE LA FAMILLE IMPÉRIALE.

Ceux qui approchent de Napoléon apprennent de lui-même qu'il a cessé de régner. Il les engage à se soumettre au nouveau gouvernement, non pas au gouvernement provisoire, dans lequel il ne voit qu'un comité de traîtres et de factieux; mais aux Bourbons, dans lesquels il consent à reconnaître désormais le point de ralliement des Français.

Bientôt la foule s'écoule de Fontainebleau; il en est de même à Orléans et à Blois : l'impératrice voit presque tout ce qui l'entoure se mettre en route pour Paris. Le petit nombre qui reste encore dans le vaste palais de Fontainebleau ne s'occupe plus que de l'île d'Elbe, et des arrangements à prendre pour s'y rendre. Napoléon fait mettre à contribution la bibliothèque, et s'enferme avec les livres et les cartes, où il peut prendre une idée de la nouvelle résidence qui l'attend.

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