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dre. Dans la salle qui touche à celle où Napoléon s'est enfermé, on entend des chefs de l'armée tenir des propos décourageants'. Les jeunes of ficiers font groupe autour d'eux. On veut secouer l'habitude de la confiance. On cherche à entrevoir la possibilité d'une révolution; tout le monde parle, et d'abord on se demande : « Où va-t-on ? »> Que devenons-nous? S'il tombe, tomberons» nous avec lui? » Jamais Napoléon n'a eu plus besoin de sa forte volonté pour lutter contre l'opposition qui l'entoure; mais, pour la première fois, il ignore ce qui se passe chez lui... ou feint de l'ignorer.

Après l'aveu qui vient de nous échapper, hâtons-nous de rendre justice à l'armée. Officiers et soldats, tous ont conservé l'énergie et le dévouement qui peuvent seuls faire réussir la campagne aventureuse à laquelle on est près de s'abandonner.

Napoléon, avant de prendre un parti définitif, a besoin de recueillir des renseignements plus certains sur celui auquel la grande armée des alliés s'est elle-même décidée. Pour mettre le temps à profit, et continuer l'exécution de ses

1 « Il y a des exemples qui sont pires que des crimes... » Montesquieu, Grandeur des Romains, chap. 8.

projets, il fait attaquer toutes les routes de l'ennemi; il envoie du côté de la Lorraine le duc de Reggio, qui s'établit à Bar-sur-Ornain, et du côté de Langres le général Piré, qui va courir jusqu'à Chaumont. Ces routes sont les lignes d'opération des alliés; elles sont couvertes de leurs parcs, de leurs bagages, de leurs voyageurs; on y trouvera des nouvelles, et il est possible d'y faire d'importantes captures! En attendant, l'armée prend position sur la route qui communique de Saint-Dizier à Bar-sur-Aube. Le 24 au soir, le quartier impérial s'établit à Doulevent; nos ailes s'étendent, l'une vers Bar, l'autre vers Saint-Dizier, prêtes à déboucher également sur les routes de la Lorraine, sur celles de la Bourgogne, ou sur la route de Paris par la rive gauche, suivant les avis qu'on recevra.

Napoléon reste toute la journée du 25 à Doulevent. Pendant ce repos la cavalerie du général Piré entre à Chaumont, intercepte la route de Langres, enlève des estafettes et des courriers, soulève les paysans, et répand l'alarme depuis Troyes jusqu'à Vesoul. Mais le 26 au matin, Napoléon est tout à coup rappelé sur Saint-Dizier; l'ennemi y attaque vivement notre arrière-garde; il l'a forcée d'évacuer cette ville, et s'avance avec une confiance dont Napoléon croit pouvoir pro

fiter. L'armée arrive donc inopinément au secours de l'arrière-garde, et rétablit le combat. La cavalerie des généraux Milhaud et Sébastiani bat l'ennemi au gué de Valcourt sur la Marne. Les alliés en désordre abandonnent Saint-Dizier, et s'enfuient par les deux routes opposées de Vitry et de Bar-sur-Ornain.

Napoléon rentre encore une fois à Saint-Dizier; il y passe la nuit.

Il croyait être poursuivi par l'armée du prince Schwartzenberg, et il apprend par les déclarations des blessés que c'est à un détachement de l'armée de Blücher qu'il vient d'avoir affaire : les rapports de l'arrière-garde n'avaient cessé de répéter que toutes les forces de l'ennemi couraient après nous, et il acquiert la certitude que le corps d'armée de Wintzingerode est le seul qui ait été envoyé à notre poursuite. Que devient donc Schwartzenberg? Comment les troupes de Blücher, qui naguère menaçaient Meaux, se trouvent-elles maintenant aux portes de la Lorraine? On se perd en conjectures.

Napoléon prend le parti de pousser une forte reconnaissance sur Vitry, et le 27 au soir il recueille sous les murs de cette place des détails qui lui donnent enfin l'explication des mouvements de l'ennemi. Les dépositions des prison

niers, le rapport de quelques uns de nos soldats échappés des mains de l'ennemi, les bulletins des alliés, leurs proclamations imprimées que les paysans des environs de Vitry nous apportent, confirment la vérité sur les événements qui viennent de se passer.

Tandis que Schwartzenberg forçait le passage de l'Aube à Arcis, Blücher arrivait par la route de Reims sur les bords de la Marne. Il avait rejeté du côté de Château-Thierry les corps du duc de Raguse et du duc de Trévise. Le 23, la jonction des armées de Blücher et de Schwartzenberg s'était opérée. Jamais, depuis Attila, l'immense plaine qui s'étend entre Châlons et Arcis n'avait contenu plus de soldats!

Il restait aux alliés à décider s'ils marcheraient contre Napoléon, ou s'ils s'avanceraient sur Paris; ils avaient long-temps hésité 1. Les chefs les

1 Les alliés n'ignoraient pas que des instructions secrètes et précises étaient parvenues aux garnisons des places du Rhin et de la Moselle, à l'effet de se mettre en campagne à un signal convenu, et de se réunir à l'armée qu'on promettait de faire manoeuvrer sur la Lorraine... Mais ce qui méritait la plus sérieuse attention, c'étaient les dispositions au soulèvement que manifestaient un grand nombre de paysans de la Lorraine, de la Champagne, de l'Alsace, de la Franche-Comté, et de la Bourgogne. Dans les Vosges et

plus prudents, craignant une Vendée impériale, avaient parlé de se retirer sur le Rhin; et la réunion de toutes leurs forces ne leur paraissait pas moins nécessaire pour effectuer une telle retraite que pour marcher en avant: mais sur ces entrefaites, des émissaires secrets étaient ar

les départements voisins, plusieurs insurrections partielles avaient entravé les opérations des armées alliées, ainsi que la marche de leurs convois. Au sein de l'Alsace, à Mulhausen, on avait découvert un complot tendant à égorger la faible garnison, et à se porter aussitôt sur Huningue pour attaquer les assiégeants, enclouer leurs canons, brûler le pont de Bâle et piller cette ville. Les ramifications de cette trame s'étendaient à plus de quarante paroisses. Ces dispositions hostiles étaient de nature à inspirer de l'inquiétude aux souverains alliés. Ils ne se dissimulèrent pas qu'ils ne pouvaient sans danger laisser manoeuvrer sur leurs communications une armée aussi mobile et un chef aussi entreprenant. Au moindre revers, la population entière des provinces envahies pouvait se lever, couper les ponts et les routes, attaquer les convois, brûler les magasins, harceler et affamer ses ennemis; en un mot, transformer la guerre en une insurrection nationale, et répondre ainsi aux provocations et aux efforts de Napoléon. Paris, cette ville immense, n'était-elle pas en état de guerre, et disposée pour une défense sérieuse ? Presque tous les rapports, les journaux, les bulletins, les proclamations étaient unanimes. (Voyez Beauchamp, campagne de 1814, tome II, page 136 et suivantes. )

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