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disposait à évacuer Troyes pour continuer sa retraite, l'empereur Alexandre s'était opposé à ce mouvement. Un conseil de guerre avait été convoqué dans la nuit, et l'on avait avisé aux moyens de ne pas toujours reculer devant nos petites armées. A cet effet, on était convenu de se procurer une masse de forces telle que le nombre pût désormais l'emporter sur le courage, triompher des manœuvres et maîtriser toutes les chances. Le nouveau plan consiste à réunir en une seule armée les forces immenses de Blücher et de Schwartzenberg. Toute opération d'attaque ou de retraite doit être ajournée jusqu'après cette grande concentration. Déjà l'ordre avait été donné à Blücher de se rapprocher des bords de la Marne; en conséquence, il n'y a plus qu'à se mettre en marche pour aller au-devant de lui. Le rendez-vous général est donné dans les plaines de Châlons Schwartzenberg s'y rendait par la route d'Arcis.

Combien Napoléon, fatigué de conseils timides et de récits décourageants, était loin de soupçonner qu'il pût encore intimider ses ennemis au point de leur inspirer des marches d'une si haute prudence! En cherchant à manoeuvrer sur leurs flancs, il est tombé dans la nouvelle direction qu'ils viennent de prendre, et

retrouve leur avant-garde. Cette rencontre est extrêmement critique pour l'armée française. Napoléon y court personnellement de grands risques. Enveloppé dans le tourbillon des charges de cavalerie, il ne se dégage qu'en mettant l'épée à la main. A diverses reprises il combat à la tête de son escorte; et loin d'éviter les dangers, il semble au contraire les braver. Un obus tombe à ses pieds; il attend le coup, et bientôt disparaît dans un nuage de poussière et de fumée: on le croit perdu ; il se relève, se jette sur un autre cheval, et va de nouveau se placer sous le feu des batteries!... La mort ne veut pas de lui.

Tandis que l'ennemi se développe et forme un demi-cerle qui nous renferme dans Arcis, l'armée française se rallie sous les murs crénelés des maisons des faubourgs. La nuit vient la protéger dans cette position, mais on ne peut espérer de s'y maintenir long-temps; à chaque instant l'ennemi nous resserre davantage. Les boulets se croisent dans toutes les directions sur la petite ville d'Arcis; le château de M. de la Briffe, où se trouve le quartier impérial, en est criblé. Les faubourgs sont en feu, et nous n'avons qu'un seul pont derrière nous pour sortir de ce mauvais pas. Napoléon met la nuit à profit; le 21

au matin, un second pont est jeté sur l'Aube, et le mouvement d'évacuation commence.

Cependant l'affaire s'est engagée de nouveau sur toute la ligne, et dure une partie de la journée. On ne combat plus pour la victoire, mais on fait tête à l'ennemi; on le retient, on l'arrête, quand il pouvait nous écraser, et l'on repasse l'Aube avec ordre. Les ducs de Tarente et de Reggio restent les derniers sur la rive gauche.'

Cette affaire achève de convaincre l'armée

qu'elle est trop faible pour lutter corps à corps contre les masses de l'ennemi. N'ayant pu leur barrer le passage de l'Aube, pouvons-nous penser à leur disputer le chemin de la capitale? Napoléon ne veut point reculer devant Schwartzenberg jusqu'aux barrières de Charenton. Il abandonne la route de Paris, et opère sa retraite par les chemins de traverse qui conduisent du côté de Vitry-le-Français et de la Lorraine.

'Avant de quitter Arcis, Napoléon envoie deux mille francs de sa cassette aux sœurs de la charité, pour que, dans ce désastre, elles aient de quoi pourvoir aux premiers besoins des blessés et des malheureux. C'est le comte de Turenne qui est chargé de ce message.

Si Napoléon était mort sur le trône, combien de traits semblables, révélés par la reconnaissance, auraient déjà fatigué l'éloquence des panégyristes! (Note de l'éditeur.)

CHAPITRE X.

MARCHES ET CONTRE- MARCHES ENTRE VITRY,

SAINT-DIZIER ET DOULEVENT.

(Du 21 au 28 mars.)

Nous voici désormais séparés de la capitale : les avenues en sont ouvertes à l'ennemi; mais aura-t-il la confiance d'y marcher?

Le parti que prend Napoléon menace les communications principales des alliés, et va peutêtre allumer un fatal incendie sur leurs derrières. S'ils donnent à cette manoeuvre hardie l'attention qu'elle mérite, Paris n'aura rien à craindre. Déjà ils semblent suivre nos traces avec inquiétude; les ducs de Reggio et de Tarente, qui sont à l'arrière-garde, font dire que toute l'armée ennemie est à notre poursuite. Napoléon, en s'éloignant, emporte donc l'espoir d'attirer les alliés dans un nouveau système d'opérations. Mais en même temps Napoléon ne perd pas de vue la rive gauche de la Seine, que les alliés viennent d'abandonner; il veut manoeuvrer de manière à

rester toujours maître de revenir sur Paris par

cette route.

On passe la nuit du 21 au 22 au village de Somepuis.

Le 22 on traverse la Marne au gué de Frignicourt. Un détachement va sommer Vitry-le-Français d'ouvrir ses portes, et la journée finit par de vaines démonstrations contre cette place. Napoléon s'arrête au château de Plessis-ô-le-Comte, commune de Longchamps, entre Vitry et SaintDizier. Il y dicte le bulletin d'Arcis et quelques dépêches pour Paris; mais les courriers n'ont plus de route: on a recours à des émissaires qui promettent de gagner Paris à travers champs. Le 25, l'armée continue son mouvement. On couche à Saint-Dizier; c'est dans cette ville que le duc de Vicence rejoint le quartier impérial. Il a quitté Châtillon le 20 mars; il est accompagné du secrétaire de légation Rayneval; et pour arriver jusqu'à nous, ils ont dû subir les nombreux détours que l'ennemi leur a prescrits.

Ce retour du duc de Vicence sert de prétexte aux propos d'un sourd mécontentement qui règne dans la plupart des états-majors-généraux. Il y a autour de Napoléon lui-même trop de personnes qui s'éloignent de Paris avec regret. On s'inquiète tout haut; on commence à se plain

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