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les rares habitants de la contrée, à les convertir en sujets tributaires au lieu de les traquer comme des bêtes fauves. La renommée du chef des Normands Roll, ou Rollon, attirait de toutes parts sous ses drapeaux les plus hardis des aventuriers scandinaves tout en pacifiant le pays qui était le centre de sa domination, il ne renonçait pas aux habitudes guerrières de sa race. En 911, il lança à la fois trois. flottes dans la Seine, la Loire et la Gironde, enlaçant ainsi toute la France de l'Ouest comme d'un cercle de fer. Paris, de nouveau assiégé, résista encore. Une défaite des Normands sous les murs de Chartres arrêta leur élan, mais ne termina pas la guerre. Le roi Charles le Simple, d'après les conseils du duc de France, Robert, eut recours aux négociations il offrit à Rollon la possession de tous les pays qui se sont appelés depuis la Normandie et la main de sa fille Gisèle, à condition qu'il se ferait chrétien et lui prêterait serment comme vassal. Il ajouta même à ce don celui de la Bretagne, abandon bien facile, puisqu'il donnait ainsi une province qui ne reconnaissait pas son pouvoir. Le traité fut conclu à Saint-Clair sur Epte à la fin de 911. On sait qu'une scène à demi-burlesque signala ce traité. Lorsque Rollon prêta serment, on l'avertit que le cérémonial exigeait qu'il baisât le pied du roi. Le

LA FRANCE COMMENCE

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chef barbare s'y refusa énergiquement, et, comme on insistait, il dit à un de ses soldats d'accomplir pour lui cette formalité d'usage. Le soldat normand, sans s'agenouiller, saisit le pied de Charles le Simple et le porta à sa bouche, de telle sorte que le roi tomba à la renverse. On ne pouvait se fàcher avec de si terribles vassaux; on prit le parti de rire de l'incident. Le faible Charles le Simple n'en avait pas moins fait là un acte de haute et bonne. politique. Dès lors les incursions des Normands céssèrent, et la Normandie, convertie au christianisme et rapidement civilisée, fut une des contrées de la Gaule où la chevalerie prit le plus rapide essor.

Les invasions des pirates normands au neuvième et au dixième siècle, en apportant de nouveaux élé-. ments germaniques sur notre sol, ne modifièrent pas cependant d'une manière sensible les traits de la nation nouvelle. Ces derniers venus dans la longue liste des conquérants germains de la Gaule subirent encore plus vite que les autres l'influence de nos maurs et de notre langage. La France est désormais formée. En face d'elle s'élève le redoutable colosse de l'empire germanique. Elle n'a pour lui résister qu'une frontière mal définie, une ligne indécise qui part du bassin supérieur de l'Escaut pour aboutir aux montagnes de la Côte-d'Or et aux Cévennes; les ré

gions de l'Est qui s'appuient à la frontière naturelle du Jura et des Alpes se rattachent, nominalement au moins, à la puissance rivale.

Mais l'Allemagne tourna pendant de longs siècles tous ses efforts vers l'Italie. C'est à Rome que les Césars germains vont chercher cette couronne impériale qui devait, dans leurs rêves, leur donner la domination de tout le monde chrétien. Pendant ces expéditions lointaines, pendant les luttes sanglantes qui divisèrent l'empire allemand au moyen àge, la petite France des Capétiens s'agrandissait, s'affermissait chaque jour, et le jour approchait où elle devait opposer aux envahissements des armées allemandes, à défaut d'une frontière naturelle, le - rempart bien plus solide d'une nation unie pour la défense de son sol. Les invasions du cinquième au neuvième siècle ont laissé en Gaule des guerriers dont les enfants sont devenus les défenseurs de la France; nous entrons maintenant dans l'ère moderne: les races européennes sont constituées, la France adulte a pris sa physionomie, et si les armées allemandes paraissent à ses portes, elle se lèvera pour repousser l'aggresseur. Les questions de races sont vidées, elles ont fait place aux questions politiques.

CHAPITRE II

LES PREMIÈRES GUERRES DE LA FRANCE AVEC
L'EMPIRE GERMANIQUE

I

L'INVASION D'OTTON DE BRUNSWICK ET LA VICTOIRE

DE BOUVINES.

Si en jetant les yeux sur une carte de France on examine les limites du royaume sous l'ancienne monarchie, on est frappé dès l'abord de l'absence de démarcations précises. Au Nord, le comté de Flandre, placé nominalement sous la suzeraineté de nos rois, lié à l'Angleterre par les intérêts commerciaux de ses puissantes communes, assez uni à l'Empire par les liens qui rattachaient à l'Allemagne un grand nombre de seigneurs des Pays-Bas, flotte de

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l'alliance française à l'alliance étrangère. Lorsqu'il passe aux mains d'une famille capétienne, lorsqu'il est acquis à la fin du moyen àge par la puissante maison de Bourgogne, ce sera pour devenir bientôt la possession de la plus dangereuse rivale de la France, pour donner naissance à Charles-Quint, pour être le patrimoine de la maison d'Autriche. Les principautés féodales de l'est de la Belgique actuelle, la riche seigneurie ecclésiastique de Liège, le fief de cet héroïque Godefroi de Bouillon qui commanda la première croisade, et à plus forte raison le Luxembourg, étaient considérés comme terres d'Empire. Les duchés de Lorraine et de Bar, et les cités épiscopales de Metz, de Toul et de Verdun en relevaient aussi.

La province destinée à former de ce côté la frontière française était donc la Champagne, cette vaste plaine, coupée sans doute par des cours d'eau assez importants, mais dont l'immense étendue offre aux envahisseurs de notre sol des champs de bataille favorables à la supériorité du nombre. Attila avait choisi ces plaines pour y développer son immense cavalerie, et les coalisés de 1814 y triomphèrent, grâce à la multitude de leurs soldats, des plus savantes combinaisons de Napoléon. La Champagne se terminait au moyen àge par une frontière des plus indécises. On

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