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dre 4,000 livres sterling (100,000 fr.) à un juif de Londres'. MONSIEUR, arrivé à Turin, apprit la chute de Lyon ainsi que la reprise de Toulon par les armées républicaines. Le roi de Sardaigne était son beau-père; il séjourna dans cette cour. Obligé de la quitter après une résidence de quatre mois, il demanda vainement un asile à son parent le duc de Parme. Enfin, il put s'arrêter, au mois de mai 1794, dans les États de Venise, à Vérone, où il organisa sa maison et son conseil. Un des premiers soins de ce conseil que composaient le duc de Lavauguyon, le marquis de Jaucourt et le baron de Flacheslanden, fut de profiter de la journée du 9 thermidor et de la réaction qui suivit pour établir à Paris une agence royaliste. Cette agence, au mois de novembre 1794, comptait six membres : l'abbé Brottier, le chevalier Despomelles, les frères Lemaître, Duverne de Presles et Lavilleheurnois, noms ignorés, mais que leur obscurité même dérobait plus facilement à l'attention des autorités conventionnelles.

Outre Vérone, l'émigration, à cette date, avait deux autres centres d'action ou d'intrigue : Londres, où séjournait le comte d'Artois depuis son retour de Russie, et d'où il correspondait avec les insurgés vendéens et bretons; puis l'armée de Condé,

1. Voici ce qu'on lit, à propos de cette épéc, dans les Mémoires du comte de Vauban:

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« C'était une épée d'or, dont le pommeau était surmonté d'un très-gros diamant, et sur la lame de laquelle étaient inscrites ces paroles : « Donnée par Dieu, pour le roi.» Cette épée avait été bénite dans la cathédrale de SaintPétersbourg, avec le plus grand cérémonial. A l'audience du départ, au milieu de sa cour, dans l'appareil de toute sa grandeur, l'impératrice s'avança vers le comte d'Artois et, la donnant elle-même au prince, lui dit : « Je ne vous la « donnerais pas, si je n'étais persuadée que vous périrez plutôt que de diffé«<rer de vous en servir. » Le prince prit l'épée et dit, avec trop peu de physionomie : « Je prie Votre Majesté impériale de n'en pas douter. » L'heure du dîner sépara la cour. Le comte d'Esthérazy et moi ne fûmes pas plutôt seuls, qu'il me dit : « Que pensez-vous de ce que vous avez vu? Beaucoup de

<< grandeur dans l'impératrice, lui dis-je. — Oui, assurément, me répondit-il. «Et M. le comte d'Artois? - Il a reçu cette épée, lui répliquai-je, comme « un homme qui ne s'en servira pas » Je vis que le comte d'Esthérazy le craignait. >>>

sans quartier général fixe, et dont les différents corps opéraient à la suite des armées coalisées. Ces corps, dans le cours de l'année 1794, et durant les premiers mois de 1795, suivirent la fortune des armées de la Prusse et de l'Autriche. A cette époque, les troupes républicaines, victorieuses à leur tour, avaient refoulé l'invasion au delà du Wahal et du Rhin. Les efforts du comte d'Artois, dans les départements de l'ouest, n'avaient pas eu un meilleur succès : les 17 février et 20 avril 1795, les Vendéens et les insurgés bretons firent leur première soumission au gouvernement de la république. Les intrigues de MONSIEUR, pour réparer le double échec subi par la cause royale à Lyon et dans le midi, furent également sans résultat durant la première année de son séjour à Vérone. Toutefois, ce prince et son frère s'occupaient d'une revanche, le premier, en organisant à l'aide de l'agence royaliste de Paris le mouvement de vendémiaire ; le second, en préparant avec le gouvernement anglais l'expédition de Quiberon, ainsi que sa descente à l'Ile-Dieu, lorsqu'un événement, impatiemment attendu par leur entourage, vint chan— ger les titres que tous deux avaient portés jusqu'à ce jour. Louis XVII mourut le 8 juin 1795 (20 prairial an III) dans la prison du Temple. Le régent prit aussitôt le nom de Louis XVIII, le comte d'Artois devint MONSIEUR. Le nouveau souverain notifia son avénement à toutes les cours étrangères et aux sujets de son royaume, en faisant suivre son nom du titre de roi de France et de Navarre.

Vainement la France révolutionnaire avait jugé et fait exécuter un roi; vainement elle était parvenue à comprimer toutes les résistances intérieures, à repousser sur tous les points l'invasion étrangère; pour l'émigration et pour ses chefs rien n'était changé la France, pour eux, était encore la monarchie de Louis XV, et ils ne voyaient dans l'énergique population de ses villes, de ses campagnes et de ses camps, qu'un troupeau de sujets mutinés à peine dignes de pardon. Les passages suivants du manifeste publié par Louis XVIII, à l'occasion de son avéne

ment, donneront la mesure des illusions qui dominaient encore ce prince au début de sa royauté :

« Les impénétrables décrets de la Providence nous ont transmis, avec la couronne, la nécessité de l'arracher à la révolte. Des hommes impies et factieux vous ont entraînés dans l'irréligion et la révolte. Depuis ce moment, un déluge de calamités a fondu sur vous de toutes parts.

« Vous fûtes infidèles au Dieu de vos pères, et ce Dieu, justement irrité, vous a fait sentir tout le poids de sa colère; vous fûtes infidèles à l'autorité qu'il avait établie pour vous gouverner, et un despotisme sanglant, une anarchie non moins cruelle, se succédant tour à tour, vous ont sans cesse déchirés avec une fureur toujours croissante. Vos biens sont devenus la pâture des brigands à l'instant où le trône est devenu la proie des usurpateurs; la servitude et la tyrannie vous ont opprimés dès que l'autorité royale a cessé de vous couvrir de son égide. Propriété, sûreté, liberté, tout a disparu avec le gouvernement monarchique.

« Il faut revenir à cette religion sainte qui avait attiré sur la France les bénédictions du ciel; il faut rétablir ce gouvernement qui fut pendant quatorze siècles la gloire de la France et les délices des Français, qui avait fait de votre patrie le plus florissant des États et de vousmêmes le plus heureux des peuples.

<< Tous les Français, qui, abjurant des opinions funestes, viendront se jeter au pied du trône, y seront reçus. Il est cependant des forfaits dont l'atrocité passe les bornes de la clémence. Ces monstres (les régicides), la postérité ne les nommera qu'avec horreur, la France entière appelle sur leurs têtes le glaive de la justice..... »

Le retour pur et simple à la royauté de droit divin, le rétablissement de la noblesse et du clergé dans la plénitude de leurs priviléges et de leurs richesses, voilà les conditions du pardon que Louis XVIII daignait promettre à tous les Français repentants qui viendraient abjurer au pied de son trône leurs erreurs des six dernières années. Après s'être ainsi mis en mesure avec ses sujets révoltés, le nouveau roi organisa sa cour. Il eut un ministre des affaires étrangères, le duc de Lavauguyon; un chancelier, M. de Flacheslanden; un capitaine des gardes du corps, le comte d'Avaray; un premier gentilhomme de la cham

bre, le duc de Fleury; puis des ambassadeurs chargés de prouver aux puissances qu'elles ne devaient accorder ni trêve ni merci à la république et que tous les rois étaient intéressés autant que lui-même à seconder par l'invasion de nos provinces frontières les complots des agences royalistes de l'intérieur.

La réaction thermidorienne vint merveilleusement en aide au travail de ces agences. L'ouverture de toutes les prisons de la république jeta sur la scène politique un nombre considérable de royalistes qui n'avaient pas osé ou qui n'avaient pu émigrer; des lois d'amnistie, un régime de large tolérance permirent aux exilés volontaires les plus ignorés ou les moins compromis, de rentrer. Cette masse de mécontents se mit à la tête de la réaction. Proscrits la veille, ils se firent proscripteurs. Aidés par quelques commissaires de la convention qui, sans connaître précisément le but où tendaient les réactionnaires les plus fougueux, cherchaient l'occasion d'abriter leur ancienne exaltation révolutionnaire derrière des exagérations nouvelles, ils organisèrent dans plusieurs provinces, dans celles du midi surtout, des massacres où furent immolés bon nombre de républicains énergiques. Ces représailles sanglantes n'étaient pas faciles à Paris, siége de la convention, centre du gouvernement. Les éléments royalistes y étaient cependant nombreux. L'agence, chargée de les employer, les organisa, non pas en vue de vengeances isolées, mais pour un coup de main politique : elle résolut d'attaquer le gouvernement lui-même. Le 5 octobre 1795 (13 vendémiaire an IV), les gardes nationaux des quartiers opulents, entraînés sous le prétexte de sauver la liberté menacée par la constitution que préparait alors la convention nationale, se portèrent sur les Tuileries. Quelques soldats soutenus par les patriotes les plus résolus ainsi que par le peuple des faubourgs, quelques coups de canon dirigés par le général Bonaparte, firent avorter cette tentative. On le sait depuis longtemps, cette insurrection, fomentée au nom de la liberté menacée, avait une origine et un but exclusivement royalistes.

Cet échec ne fut pas le seul qu'éprouva la cause royale dans le cours de 1795. Plusieurs mois auparavant, une flotte anglaise avait jeté sur la plage de Quiberon un corps nombreux d'émigrés au nombre desquels, par une fatalité étrange ou par la plus odieuse des prévisions, se trouvait la presque totalité des officiers de notre ancienne marine. La Vendée, obéissant, de son côté, à l'appel du comte d'Artois, avait une seconde fois pris les armes. On connaît le résultat de l'expédition de Quiberon; des 10,000 émigrés débarqués dans la presqu'île, quelques-uns seulement revinrent en Angleterre. Le soulèvement de la Vendée n'eut pas un meilleur succès. Tout dépendait de la présence du comte d'Artois au milieu de l'insurrection. Le prince resta plusieurs semaines à l'Ile-Dieu, en vue de la côte; mais, sourd aux supplications des insurgés qui l'attendaient sur le rivage, il refusa opiniâtrément de débarquer. Vainement le commandant de la frégate anglaise le Jason, qui l'avait conduit, eut-il recours lui-même aux prières et aux menaces pour décider MONSIEUR à cet acte de facile courage; MONSIEUR ne voulut rien entendre; il fallut le ramener à Portsmouth. Ce fut à la suite de ce départ que Charette écrivit la lettre suivante à Louis XVIII :

« Sire, la lâcheté de votre frère a tout perdu. Il ne pouvait paraître sur cette côte que pour tout perdre ou tout sauver. Son retour en Angleterre a décidé de notre sort. Aujourd'hui il ne nous reste plus qu'à périr inutilement pour le service de Votre Majesté.

« CHARETTE. >>

Charette ne se trompait pas. L'insurrection, après s'être péniblement maintenue durant quelques mois, fut comprimée par le général Hoche, accouru en Vendée avec les troupes qui venaient de détruire le corps expéditionnaire de Quiberon; Charette lui-même, réduit à quelques soldats et blessé, fut pris le 23 mars 1796 (3 germinal an IV) et fusillé à Nantes le 29 (9 germinal).

Le ministère anglais présenta le désastre de Quiberon comme

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