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CHAPITRE VIII.

Napoléon à Fontainebleau, le 31 mars; concentration des troupes françaises entre cette ville et Paris. Alexandre et le duc de Vicence; retour de ce dernier auprès de Napoléon.Allocution de l'empereur à sa garde; ordre du jour pour la marche de l'armée sur Paris; résistance des maréchaux. Napoléon abdique en faveur de sa femme et de son fils; départ de ses plénipotentiaires pour Paris; leur arrivée à Essonne. Marmont; sa con

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duite depuis le 31 mars; son traité avec le prince de Schwartzenberg; il accompagne les plénipotentiaires à Petit-Bourg; le traité est rompu. Paris, le 4 avril. L'hôtel Talleyrand, le soir du 4. Arrivée des plénipotentiaires; conférence entre Alexandre, Macdonald, Ney, Caulaincourt et le général Dessories.-Rejet de la régence, à la suite de la défection du 6o corps (corps de Marmont). — Scène de nuit. Récit de la défection du 6e corps. - Départ d'Essonne. Arrivée du 6e corps à Versailles; il se soulève et se met en marche pour Rambouillet; Marmont accourt; il apaise la révolte. - · Retour du duc de Raguse à l'hôtel Talleyrand. Les plénipotentiaires reviennent à Fontainebleau. -Napoléon veut continuer la guerre; il abdique sans réserve. Traité du 11 avril; l'em- } pereur refuse de le signer et tente de se suicider; il ratifie. Séjour de Napoléon à Fontainebleau du 13 au 20 avril; ses adieux à sa garde; son départ.

1814. — Lorsque, le 31 mars au matin, Napoléon quitta la maison de poste de Fromenteau, après avoir appris par le duc de Vicence la capitulation définitive de Paris, il revint à Fontainebleau et s'installa, non dans les grands appartements, mais dans une espèce de logement militaire situé au premier étage, le long de la galerie de François Ier. Durant toute cette journée du 31 et dans la matinée du lendemain, les troupes qui avaient défendu Paris arrivèrent, ainsi que le corps d'armée accourant de la Champagne à la suite de l'empereur. Les deux corps de Mortier et de Marmont prirent position derrière la petite rivière d'Essonne: Marmont plaça son quartier général au village de ce nom; Mortier établit le sien à deux lieues en arrière, sur la gauche, à Mennecy; tous les autres détachements sortis de Paris furent ralliés derrière cette ligne. L'armée de Champagne

prit position entre l'Essonne et Fontainebleau. Les maréchaux Mortier et Marmont n'avaient pas seuls rejoint le quartier impérial; Moncey, Lefebvre, Ney, Macdonald, Oudinot, Berthier, s'y étaient successivement rendus. Un seul ministre, le duc de Bassano, se trouvait à Fontainebleau; le duc de Vicence remplissait une mission près des souverains alliés : tous les autres chefs d'administration, partis avec l'impératrice ou le roi Joseph, étaient à Blois.

Le 1er avril, Napoléon, campé à quinze lieues de Paris, avec son avant-garde postée à huit lieues de cette capitale, se trouvait donc avoir 40,000 hommes, au moins, toute une armée sous la main. L'avant-veille, 30 mars, l'empereur aurait fait un acte de témérité en pénétrant dans Paris, soit seul, ainsi qu'il le voulait, soit même à la tête de troupes nombreuses; car, maîtres de toutes les collines au nord de Paris, ayant tous leurs fronts défendus par d'immenses lignes d'artillerie, les alliés, du haut de ces rampes, auraient opposé une résistance que l'empereur n'aurait pu vaincre qu'au prix d'immenses sacrifices. Mais la position de l'ennemi, depuis le 31, était changée; les souverains avaient commis l'inconcevable faute de quitter cette ligne de hauteurs si difficilement abordables, pour descendre dans Paris et pour éparpiller leurs soldats sur les quais et les promenades, sur les boulevards extérieurs et sur les différents chemins conduisant à Fontainebleau. Dans ces conditions, un effort de nos troupes, effort prompt, furieux, aidé par le soulèvement de quelques quartiers du centre et des faubourgs, avait pour résultat d'empêcher la jonction de ces tronçons épars, d'isoler les principaux chefs et de jeter dans chaque colonne, ainsi séparée, une épouvante et une démoralisation assez fortes pour paralyser toute résistance sérieuse. Ce coup d'audace, le général Bonaparte l'aurait tenté sur-le-champ; l'empereur Napoléon, durant quatre jours qui furent quatre siècles pour sa cause, hésita et attendit. Il essayait de négocier.

Le duc de Vicence, comme on l'a vu, s'était rendu le matin du

31 au château de Bondy, alors quartier général des souverains alliés. Le duc avait longtemps résidé à Saint-Pétersbourg comme ambassadeur de Napoléon : ce séjour ne l'avait seulement pas mis en relation officielle avec Alexandre; des rapports plus intimes, fondés sur le caractère et sur les qualités personnelles du duc, s'étaient établis. Ces rapports, l'absence ayait pu les rompre; ils n'étaient pas oubliés. L'accueil du tzar fut empressé, cordial. Mais, aux premiers mots que voulut prononcer Caulaincourt sur la situation-politique, Alexandre l'arrêta, et lui dit qu'absorbé par les soins de son entrée dans la capitale française, il était forcé de remettre au lendemain toute discussion sérieuse. Il est bien tard! s'écria Alexandre, lorsqu'ils se revirent le 1er avril. mot n'impliquait pas un parti pris irrévocable. Le duc de Vicence, encouragé, développa toutes les ressources, toutes les chances qui restaient à Napoléon; sa chaleur, ses instances, entraînèrent Alexandre; le 2, au soir, quand le Sénat avait déjà rendu son décret de déchéance, le duc fut congédié avec ces paroles: « Que Napoléon abdique, et l'on s'entendra peut-être pour la « régence. >>

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Ce fut dans la nuit du 2 au 3 que le duc de Vicence vint rendre compte à l'empereur de sa mission. Il lui conseilla de céder: les moments pressaient, disait-il ; le rappel des Bourbons n'avait pas encore été officiellement proclamé, mais leur nom se prononçait partout; des adresses nombreuses sollicitaient leur retour; la cocarde blanche était publiquement arborée. Napoléon écoutait ces conseils, ces détails, sans répondre ; quelles que fussent les instances de son ministre, il gardait le silence; enfin, le jour venu, il sortit pour inspecter divers cantonnements. Plusieurs régiments de la garde, quand il rentra, étaient en bataille dans la grande cour du château. Sa vue excita les transports des officiers et des soldats. Le cercle, sur son ordre, fut immédiatement formé et, poussant son cheval au centre, il dit d'une voix forte:

« Soldats! l'ennemi nous a dérobé trois marches et s'est rendu « maître de Paris. Il faut l'en chasser! D'indignes Français, des << émigrés auxquels nous avons pardonné, ont arboré la cocarde << blanche et se sont joints aux ennemis. Les lâches! ils recevront << le prix de ce nouvel attentat! Jurons de vaincre ou de mourir! « Jurons de faire respecter cette cocarde tricolore qui, depuis a-vingt ans, nous trouve sur le chemin de la gloire et de l'hon

<< neur ! >>>

Les cris nous le jurons! vive l'empereur ! Paris! Paris! sortirent aussitôt de toutes les bouches. Napoléon était rentré dans son cabinet, que les acclamations duraient encore. Il avait rencontré cet enthousiasme parmi tous les détachements visités le matin; il le retrouva dans les différents corps qu'il inspecta dans la soirée cet admirable dévouément mit un terme à ses hésitations. Le 4 au matin, un ordre du jour apprit aux troupes que le quartier général allait être transféré entre Essonne et Ponthierry.

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Cette nouvelle, accueillie avec transport par les soldats, par les officiers des grades inférieurs et par les jeunes généraux, jeta la stupeur parmi les maréchaux et les officiers du haut étatmajor. Ces derniers, depuis deux jours, s'étaient mis en relation avec Paris; des lettres, des journaux, leur faisaient connaître la marche des événements; quelques-uns, le maréchal Oudinot, entre autres, avaient même reçu des communications directes du gouvernement provisoire.

Les ducs de Reggio et de Raguse étaient les deux lieutenants de l'empereur sur lesquels M. de Talleyrand avait porté le principal effort des intrigues qui, dans sa pensée, devaient amener l'abandon ou la révolte des troupes, et faire de l'armée impériale elle-même, l'instrument de la perte du chef de l'empire. Le langage était différent pour les deux maréchaux. Nous dirons plus loin les considérations politiques à l'aide desquelles Marmont, demeuré à Essonne, fut entraîné. On prit moins de pré

cautions avec Oudinot, soldat intrépide, mais intelligence peu étendue. Un de ses anciens aides de camp, le général Lamotte', fut chargé, au nom du gouvernement provisoire, de persuader au maréchal que l'empereur de Russie était décidé à ne plus traiter avec Napoléon, et que, hors le maintien de ce dernier, les alliés étaient prêts à souscrire à toutes les conditions que la nation et l'armée pourraient demander. Oudinot devait se montrer d'autant plus accessible à ces ouvertures que le nom des Bourbons n'y intervenait pas. A ce moment, la moindre proposition en faveur de ces princes aurait indigné le maréchal. Il se laissa donc convaincre, et, dès la matinée du 3, à quelques pas seulement de l'empereur, on put l'entendre, au milieu de ses collègues, dans les groupes de généraux, gémir sur la France, dont la fortune et la grandeur étaient sacrifiées à la folle ambition d'un seul homme, et déclarer que l'armée devait séparer ses intérêts de ceux d'un chef avec lequel il n'existait ni paix ni repos possible, et qui conduirait inévitablement la patrie à sa ruine.

Fatigués de la guerre, inquiets de l'ayenir, tous les auditeurs du duc de Reggio approuvaient son langage; ils n'hésitaient que devant l'idée d'un lâche abandon: Ce fut dans ce moment de fermentation et d'incertitude que la condition d'abdication, posée par Alexandre à Caulaincourt, pour arriver à une régence et à la paix, vint à transpirer. Chacun accueillit le mot prononcé par le tzar comme une sorte de révélation; on entrevoyait enfin une issue; on avait un but. L'abdication; durant la matinée du 3, devint le texte de toutes les conversations, de toutes les controverses du palais impérial. Cette combinaison, moyen facile de transaction entre l'intérêt et le devoir, ne donnait pas seulement le repos à toutes les consciences, elle assurait la paix tant sou

1. Beau-frère d'un avocat, M. Roux-Laborie, secrétaire du gouvernement provisoire, et dont le nom se trouvera lié dans le volume suivant à l'épisode Maubreuil.

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