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vit alors consacrer aux dépenses publiques ce trésor dont il ne devait compte à personne. Quelques jours après son retour de Leipsick, il y puisait 30 millions qu'il versait dans les caisses de la trésorerie nationale '.

Ce premier secours permit de faire immédiatement de nombreuses demandes aux dépôts de remontes, aux fonderies, aux manufactures d'armes, aux ateliers d'habillement. Des conseils d'administration, des conseils de guerre, de finances, se succédaient d'heure en heure aux Tuileries. Ce que Napoléon n'avait pu faire le jour, il le faisait la nuit. Aucune mesure ne restait en souffrance, aucune décision n'attendait. Il conduisait avec la même activité la formation de nouveaux corps de troupes, la réorganisation de tous les services à l'intérieur, et les négociations alors ouvertes avec les coalisés.

Ceux-ci, depuis vingt ans, n'étaient pas habitués à vaincre. Le choc de Leipsick, malgré l'importance de ses résultats, laissait leurs généraux incertains sur l'issue d'une invasion qui porterait la guerre, non plus au milieu de populations longtemps foulées par la conquête française et accueillant leurs soldats comme des libérateurs, mais au centre même de la puissance si redoutée de Napoléon, au cœur de ces provinces d'où s'étaient élancées, depuis 1792, ces nombreuses armées si longtemps victorieuses sur tous les champs de bataille de l'Europe. Les alliés, s'ils eussent osé pénétrer en France derrière l'empereur, fussent probablement entrés dans Paris avec son arrière-garde ; car rien n'était préparé pour la résistance aux premiers jours de novembre 1813. Napoléon, d'ailleurs, rentrait à peu près seul; les armées assurément ne lui manquaient pas ; il avait deux armées en Espagne, une armée en Italie, et plus de 150,000 hommes dispersés sur les côtes de la Hollande, en Allemagne, en Prusse,

1. Les avances faites par Napoléon, sur son trésor particulier, pour les besoins généraux de l'État, dans les derniers mois de 1813 et les trois premiers mois de 1814, s'élevèrent à 244,164,500 francs. C'était la presque totalité de cette réserve.

jusqu'au fond de la Pologne, dont ils occupaient les places fortes. Les troupes françaises, à cette date, étaient partout, excepté en France. Toutes ces forces se trouvaient entièrement perdues pour la défense du sol national; il fallait du temps pour lever et pour organiser de nouveaux soldats. Heureusement l'aspect seul de nos frontières militaires intimida les coalisés; arrivés au Rhin, leurs têtes de colonnes, étonnées, s'arrêtèrent.

Ce fut dans ce premier instant de crainte et d'hésitation que M. de Saint-Aignan, ministre de France près la cour de Weimar, enlevé de son poste par une bande de partisans, se vit amené au quartier général des coalisés. La liberté lui fut sur-le-champ rendue. La pensée vint alors à M. de Metternich de profiter du retour de cet agent diplomatique en France, pour transmettre au gouvernement impérial de nouvelles propositions d'accommodement. Il lui donna rendez-vous à Francfort, et, là, il lui dicta une note qu'approuvèrent M. de Nesselrode, lord Aberdeen, ainsi que le prince de Schwartzenberg, et que M. de SaintAignan fut chargé de porter lui-même à Napoléon. Cette note contenait en substance :

« Que la France devait se renfermer dans ses limites naturelles, c'est-à-dire entre le Rhin, les Alpes et les Pyrénées; qu'elle devait renoncer à toute souveraineté en Allemagne, l'indépendance de tous les États allemands étant une condition sine quá non; que l'indépendance de l'Espagne et le rétablissement de l'ancienne dynastie étaient de même une condition sine quá non; que le gouvernement de l'Italie devait, comme celui de l'Allemagne, rester complétement en dehors de toute action de la France, l'Autriche devant, en outre, recevoir dans le nord de cette péninsule une frontière qui serait l'objet de négociations ultérieures; que la Hollande devait également recouvrer son indépendance; « enfin, disait-on dans le paragraphe final, si << tous ces principes sont admis par l'empereur Napoléon, on « pourra neutraliser, sur la rive droite du Rhin, tel lieu qu'on « jugera convenable et où les plénipotentiaires de toutes les

<< puissances belligérantes se rendront sur-le-champ, sans cepena dant que les négociations suspendent le cours des opérations « militaires. >>

Ces bases n'étaient plus celles du mois de juillet précédent. A Prague, lorsque Napoléon, campé à Dresde et maître de toute la ligne de l'Elbe, commandait à plus de 200,000 soldats, on lui laissait toutes les conquêtes de la république et la plus grande partie des agrandissements territoriaux décrétés par l'empire. A Francfort, les conditions s'étaient amoindries en proportion de sa fortune; rejeté au delà du Rhin, on ne lui accordait plus que les frontières naturelles; encore ne lui donnait-on même pas la certitude, en acceptant ces bases, de préserver la France de l'invasion, puisque «les opérations militaires devaient continuer nonobstant les négociations. >>

Si l'on songe qu'au moment où M. de Saint-Aignan remit à l'empereur ce dur ultimatum, la Hollande restait encore tout entière dans ses mains, que l'Italie, également intacte, était en outre gardée par une armée nombreuse, on comprendra la grandeur de l'effort que Napoléon dut s'imposer pour lire cette note jusqu'au bout. Il fit plus il y répondit. M. de Saint-Aignan était arrivé à Paris le 14 novembre au matin; le surlendemain 16, le duc de Bassano annonça à M. de Metternich que l'empereur faisait choix de la ville de Manheim pour la réunion du congrès proposé par les souverains, qu'il y serait représenté par le duc de Vicence et que ce plénipotentiaire s'y rendrait aussitôt qu'on lui aurait fait connaître le jour indiqué pour l'ouverture des conférences. Cette réponse, nous devons le faire remarquer, gardait le silence le plus absolu sur les bases indiquées par les coalisés. Elle dut parvenir au ministre autrichien le 20 ou le 21. Il la soumit aux souverains, à leurs ministres, et le 25 il répondit << que les alliés acceptaient la ville de Manheim pour lieu de réunion et qu'ils seraient prêts à entrer en négociation dès qu'ils auraient la certitude que S. M. l'empereur des Français admettait les bases générales et sommaires indiquées à M. de

Saint-Aignan, bases dont la lettre de M. de Bassano ne faisait aucune mention. » Le 2 décembre, le duc de Vicence, qui venait de remplacer M. de Bassano au ministère des relations extérieures, répondit, au nom de Napoléon, que l'empereur adhérait aux bases générales et sommaires proposées. Le 10, M. de Metternich répliqua que cette adhésion avait été accueillie avec la plus vive satisfaction par les souverains de Russie, de Prusse et d'Autriche; «< mais, ajoutait ce ministre, il est nécessaire que ce consentement soit communiqué à tous les alliés de ces monarques; immédiatement après la réception de toutes les réponses, les conférences pourront s'ouvrir. »

Si, au début de cette négociation, Napoléon, qui cherchait surtout à éloigner le moment de l'entrée des alliés sur notre territoire, et à gagner du temps pour préparer ses moyens de défense, avait volontairement retardé les préliminaires en évitant de se prononcer sur les bases posées par les alliés, ceux-ci, à leur tour, semblaient moins pressés de donner suite aux propositions du 9 novembre. C'était le 2 décembre que Napoléon avait adhéré; à sept semaines de là les alliés n'avaient pas encore fixé le jour pour l'ouverture des conférences. A la vérité, une succession d'événements graves amena, durant les mois de novembre et de décembre 1813, de notables et rapides changements dans la position des deux partis. Ainsi, Napoléon commençait à lutter contre des difficultés intérieures qui ne s'étaient jamais produites et qu'il n'avait jamais prévues, tandis que les alliés, dont les forces grossissaient dans des proportions colossales, gagnaient un immense terrain; au nord, la Hollande, accueillant Bulow et ses Prussiens comme des sauveurs, venait de proclamer son indépendance; au midi, Wellington avait franchi les Pyrénées et envahissait les départements limitrophes; à l'est, Murat, oubliant ses devoirs et ses véritables intérêts, venait de traiter avec l'Autriche et de se porter contre le prince Eugène qui tenait déjà tête à une armée autrichienne commandée par le général Bellegarde. En un mot, les immenses frontières

de l'empire, vers le milieu de décembre, se trouvaient menacées au centre et entamées à leurs deux extrémités; et le courage ainsi que l'assurance étaient revenus aux chefs de la coalition.

Napoléon, à son retour de Leipsick, avait d'abord fixé au 2 décembre l'ouverture du Corps Législatif. L'espérance de pouvoir annoncer officiellement l'ouverture du congrès de Manheim fit proroger cette solennité au 19. Elle eut lieu ce jour-là. Voici les passages les plus importants du discours prononcé à cette occasion par l'empereur :

« J'avais conçu et exécuté de grands desseins pour la prospérité et pour le bonheur du monde!... Monarque et père, je sens ce que la paix ajoute à la sécurité du trône et à celle des familles. Des négociations ont été entamées avec les puissances coalisées. J'ai adhéré aux bases préliminaires qu'elles ont présentées. J'avais donc l'espoir qu'avant l'ouverture de cette session, le congrès de Manheim serait réuni. Mais de nouveaux retards, qui ne peuvent être attribués à la France, ont différé ce moment que presse le vœu du monde.

« J'ai ordonné qu'on vous communiquât toutes les pièces originales qui se trouvent au portefeuille de mon département des affaires étrangères. Vous en prendrez connaissance par l'intermédiaire d'une commission. Les orateurs de mon conseil vous feront connaître ma volonté sur cet objet. »

Les communications annoncées regardaient le Sénat comme le Corps Législatif; chacune de ces assemblées dut former, dès lors, sa commission. Celle du Sénat se composa de MM. de Talleyrand, de Fontanes, de Saint-Marsan, de Barbé-Marbois et du général Beurnonville. Ces nominations eurent lieu sans discussion. Il n'en fut pas de même dans le Corps Législatif : une lutte sérieuse de scrutins s'engagea; tous les noms des députés, placés sous la dépendance directe du gouvernement, furent impitoyablement repoussés, et l'assemblée fit choix de MM. Raynouard, Lainé, Gallois, Flaugergues et Maine de Biran, qui représentaient non pas ses passions ou ses opinions politiques,

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