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vaincu si promptement par cet indice, quand il devrait se ressouvenir de l'avoir vu tout récemment encore dans les mains de sa femme..

Le caractère d'Iago est admirablement tracé; mais un pareil monstre semble trop odieux pour être le principal moteur d'une action théâtrale. On peut bien trouver du plaisir à la peinture d'un événement funeste; mais l'imagination répugne à contempler toujours, auprès des personnages qui l'intéressent, un homme qu'elle déteste et méprise à la fois. Pour qu'un grand scélérat puisse paraître en première ligne dans un ouvrage dramatique, sans que sa figure repousse le spectateur, il faut qu'une sorte de courageuse insolence succède quelquefois à l'hypocrisie. Aussi nous semble-t-il que, parmi les créations de Voltaire, quand il s'est emparé du sujet d'Othello, la moins heureuse ne serait pas la lettre de Nérestan à Zaïre, et l'erreur qu'elle amène, si cet incident avait plus de vraisemblance. En effet, on est moins sensible au malheur d'un homme qui se laisse tromper, et tromper par le plus vil des fourbes, qu'à la douleur d'un amant qui n'est abusé que par le délire de sa propre passion.

On a dit avec raison qu'Othello était incomparablement plus naturel qu'Orosmane; mais Desdemona est loin d'avoir le charme de Zaïre.

Presque tous les incidents de la tragédie ont été empruntés par Shakspeare aux cent nouvelles du Conteur italien Géraldi Cinthio. Malone place la composition d'Othello en l'année 1611. Ducis a donné, au théâtre français, une imitation de cette pièce.

(ROMEO AND JULIET.)

Parmi les chefs-d'oeuvre de Shakspeare, Roméo et Juliette est peut-être celui qui présente le plus de défauts, et où les beautés soient le plus clair-semées. Mais le prodigieux intérêt de la situation, l'art avec lequel sont dessinés les principaux caractères, et la peinture fidelle de l'état social, à l'époque et dans le lieu où Shakspeare a pris ses personnages, ont prévalu et devaient prévaloir sur le dégoût qu'inspirent le manque de naturel et la recherche puérile du dialogue pendant presque tout le cours de la pièce.

Au surplus, ce défaut ne paraît pas avoir été involontaire; c'est plutôt une erreur du jugement qu'un écart de l'imagination. Shakspeare semble avoir voulu transporter dans le langage de ses héros la subtilité des concettis italiens, et il a pris faussement pour la couleur locale d'une nation la manie de ses auteurs. Mais la couleur locale ne saurait exister dans les formes du langage, qu'autant qu'elles dérivent des mœurs, de l'influence du climat, des institutions civiles et politiques ; et quand il serait vrai, même, que l'esprit de tout un peuple fût gâté par l'habitude d'une affectation perpétuelle dans les idées comme dans les expressions, les situations fortes, les sentiments énergiques et hors de la vie commune, les hauts intérêts que la tragédie est destinée à peindre,

T. I.

se trouveraient affranchis d'une contrainte qui ôterait au style cette simplicité éloquente et passionnée, toujours la même dans tous les pays, puisque c'est le langage du cœur.

ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

Un lieu public, à Vérone.

Deux puissantes familles de Vérone, les Montaigu et les Capulet, sont divisées par une haine invétérée. Samson et Grégoire, domestiques du chef de la famille des Capulet, se prennent de querelle avec Abraham, valet de Montaigu.

La dispute qu'ils ont engagée est soutenue par Tybalt, neveu de Capulet, et Benvolio, neveu de Montaigu, qui surviennent et mettent l'épée à la main.

Capulet et sa femme, Montaigu et la sienne, accourent et s'invectivent l'un l'autre, au milieu de la foule qui s'est rassemblée de tout côté, et qui a pris parti pour l'une ou pour l'autre famille. Tout annonce un combat sanglant, lorsque le prince de Vérone paraît, et arrête les combattants par ses reproches. Il emmène avec lui Capulet, dont les partisans dispersent.

Montaigu et sa femme s'entretiennent avec Benvolio de la noire mélancolie où est plongé Roméo leur fils; ils le voient s'approcher, et se retirent, en chargeant Benvolio de sonder la cause de l'affliction de son cousin.

Benvolio parvient à apprendre que Roméo est amoureux d'une belle qui rebute sa tendresse, et il lui conseille vainement de changer.

SCÈNE SECONDE.

Pâris, jeune seigneur, cousin du prince de Vérone, demande à Capulet sa fille Juliette en mariage. Capulet l'engage à chercher à plaire à sa fille, et l'invite à une fête qu'il donne le soir même ; il remet à un domestique la liste des personnes qu'il doit aller prier de sa part, et sort avec Pâris.

Le domestique, qui ne sait pas lire, s'adresse à Roméo qu'il rencontre, pour lui demander quels sont les noms des personnes inscrites pour être invitées à la fête de Capulet,

Parmi eux, Roméo lit celui de la dame qu'il aime, et Benvolio l'exhorte à se rendre au bal chez l'ennemi de sa maison. Cette idée sourit à la passion de Roméo.

SCÈNE TROISIÈME.

La maison de Capulet.

La Signora Capulet vient entretenir de la recherche de Pâris sa fille Juliette, qui reçoit cette proposition de mariage avec une grande indifférence.

Cette scène est égayée, ainsi que beaucoup d'autres, le rôle de la nourrice de Juliette, un de ceux, par dit Johnson, où Shakspeare semble s'être complu; il a peint avec vérité cette nourrice à la fois bavarde et dissimulée, servile et insolente, fidelle et sans délicatesse.

SCÈNE QUATRIÈME.

Une rue.

Roméo, agité par un secret pressentiment, par un songe, hésite à se rendre à la fête de Capulet; son ami, parent du prince, le facétieux Mercutio, personnage dont, suivant une tradition, Shakspeare disait qu'il l'avait tué au troisième acte, de peur d'en être tué lui-même, plaisante sur les vagues terreurs du jeune Montaigu, et revêt ses plaisanteries d'une forme singulièrement poetique.

« (1) Oh! je vois que la reine Mab vous a visité cette nuit c'est la fée sage-femme. Elle vient, petite et légère, comme l'agate placée à l'index d'un alderman, traînée par un attelage de minces atomes, et parcourt le nez des hommes, pendant leur sommeil. Les rayons de ses roues sont faits de longues pattes de faucheux; l'impériale de sa voiture, d'ailes de sauterelles; ses traits, de la plus fine toile d'araignée; ses harnais des rayons

(1) O, then, I see, queen Mab hath been with you.
She is the fairies' midwife; and she comes

In shape no bigger than an agate-stone
On the fore-finger of an alderman,
Drawn with a team of little atomies
Athwart men's noses as they lie asleep :
Her waggon-spokes made of long spinners' legs;
The cover, of the wings of grasshoppers;
The traces, of the smallest spider's web;
The collars, of the moonshine's wat'ry beams:
Her whip, of cricket's bone; the lash of film:
Her waggoner, a small grey-coatet gnat,

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