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224 ESSAIS LITTÉRAIRES SUR SHAKSPEARE.

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NOTES.

(A) Cette reine n'est point un personnage historique ; Richard, veuf alors, était fiancé à une princesse française de dix ans.

(B) Il faut savoir gré à Shakspeare du courage avec lequel il faisait entendre des vérités aussi hardies que celles qui ressortent des paroles du lâche Richard. Rappelons-nous avec quelle servilité lord Sackville s'était fait, dans sa tragédie de Gorboduc, le prédicateur du pouvoir arbitraire. Singulier contraste! l'homme d'état, riche et puissant, n'est qu'un flatteur des trônes; le pauvre comédien enseigne aux rois le néant de leur grandeur terrestre ! Et qu'on n'aille pas croire que cette audace de Shakspeare fût entièrement sans danger. Il y avait, en Angleterre, une chambre étoilée, qui ne se piquait pas d'être indulgente, ni même d'entendre la raison; nous savons trop que c'est, en général, le moindre soin de toutes les censures, quelles qu'elles soient. Veut-on une preuve de la paternité des censeurs d'alors? Deux ans après la représentation de la pièce que nous analysons, un certain Hayward publia, sur le même sujet, un livre intitulé: Histoire de la première année de Henri IV. Cet ouvrage mit en émoi toute la cour, et fut durement censuré par la chambre étoilée, qui fit jeter l'auteur au fond d'une prison. Il paraît même que, dans la pièce qui nous occupe, on fut obligé, durant tout le règne d'Élisabeth, de supprimer la scène de la déposition de Richard II ( la première du 4o acte ). Elle ne fut rétablie que sous Jacques I.

(c) L'opinion la plus probable, c'est que Henri iv fit mourir de faim son prédécesseur. Shakspeare, dans la manière dont il prépare sa mort, semble avoir été sur-tout inspiré par le meurtre de Thomas Becket, qui fut indiscrètement souhaité et désavoué ensuite publiquement par Henri II.

DU

ROI HENRI IV.

(FIRST PART OF King Henri iv.)

Cette pièce a encore moins d'action et d'intérêt que les précédentes. Ce n'est qu'un tableau historique, dont les divers plans n'ont, pour ainsi dire, aucun rapport entr'eux. Point de personnage qui prédomine sur les autres, et puisse fixer sur lui l'attention des spectateurs. C'est l'anarchie de la scène.

Ce qui la rend digne cependant d'un examen attentif, c'est qu'elle est divisée en partie tragique et en partie comique. Les deux genres y sont bien distincts. La partie tragique est froide, décousue, indécise; mais la partie comique, d'ailleurs absolument étrangère à l'ombre d'action qui fait le sujet de la pièce, mérite quelquefois d'être placée à côté des meilleurs traits des Regnards et même des Molières. Il y règne une gaieté franche; on y trouve un caractère admirablement tracé, et justement célèbre en Angleterre (le chevalier Jean Falstaff). Il est vrai que ces avantages sont trop souvent défigurés par un débordement de plaisanteries grossières et d'injures sales et ignobles. Mais ce défaut, qui serait capital chez nous, ne l'est pas, à beaucoup près, autant chez tous les peuples. Plaute abonde en scènes où les personnages épuisent l'un contre l'autre toutes les

T. I.

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formes de l'insulte. En général, sur les théâtres des nations où le peuple a une grande influence, les injures jouent un grand rôle, parce que les injures sont la manière de plaisanter du peuple, tandis que les gens d'un esprit cultivé badinent entr'eux, au contraire, par une exagération mutuelle de compliments et d'éloges. Dans les deux cas, le principe de la gaieté est le même; c'est toujours l'hyperbole, sous des formes différentes.

ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

Un appartement du palais.

dans Richard,

Ce Henri IV, dont nous avons vu, l'usurpation s'affermir par son hypocrisie, recueille maintenant les fruits d'une puissance acquise par des moyens illégitimes. Il est toujours inquiet sur le trône. Il est sur-tout jaloux de la célébrité qu'obtient par ses exploits le jeune et bouillant Hotspur, le fils du duc de Northumberland, à qui Henri IV doit en partie sa couronne. Il ne saurait, sans un vif dépit, comparer le mérite de ce jeune seigneur avec les désordres où se précipite le prince de Galles, celui qui fut depuis Henri v, et à qui les folies de sa jeunesse et les grandes actions de son règne ont acquis tant d'illustration.

faisaient la

Hotspur vient de triompher des Écossais, qui guerre à Henri IV. Mais il a refusé de remettre au roi les prisonniers qu'il a faits dans cette

rencontre. Le roi confie son ressentiment à deux de ses favoris, Westmoreland et Walter Blount.

SCÈNE SECONDE.

Un autre appartement du palais.

Le prince de Galles est associé à une bande de mauvais sujets, dans laquelle se distingue sir Jean Falstaff, chevalier bouffon, vieilli dans tous les excès d'une vie crapuleuse, poltron, fanfaron, effronté, menteur, qui n'est cependant pas sans une sorte de bonhomie, parce qu'il ment plutôt encore par un besoin de nature, que dans le desir et l'espoir d'être cru. Ce digne chevalier est doué, comme par addition à ces qualités morales, de l'avantage physique d'un énorme ventre et d'un embonpoint démesuré, source intarissable de quolibets et de railleries. Il a toutefois des prétentions à une sorte d'élégance dans les manières, et ces prétentions sont d'autant plus comiques, qu'elles contrastent perpétuellement avec ses actions et avec son langage.

C'est lui qui sert de butte à tous les traits moqueurs du prince. Mais, avec un calme imperturbable, il répond à un torrent d'injures par ces mots pleins de componction:

« (1) Tu m'as fait bien du tort, Hal (A)! Dieu te le pardonne ! Mais, avant de te connaître, Hal, je ne savais

(1) Thou hast done much harm upon me, Hal, God forgive thee for it! Before I knew thee, Hal, I knew nothing; and now am I, if a man should speak truly, little better than one of the

rien de rien, et à présent, s'il faut parler vrai, je ne vaux guère mieux que ce qu'il y a de pire. Il faut que je renonce à cette vie-là, et j'y renoncerai; par le Seigneur, si je n'y renonce pas, je veux être un misérable; il n'y a dans la chrétienté, un fils de roi pour qui je veuille me faire damner.

pas,

HENRI.

Où irons-nous demain couper une bourse, Jack ?

FALSTAFF.

Où tu voudras, mon garçon; je suis de la partie : si je n'y vais pas, appelle-moi un misérable, et fais de moi ton jouet.

HENRI

Je vois que tu amendes bien ta vie. De la prière, à des bourses!

couper

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Que veux-tu, Hal? c'est ma vocation, Hal; et ce n'est pas un péché pour un homme que de suivre sa vocation. >>

wicked. I must give over this life, and I will give it over; by the Lord, an I do not, I am a villain; I'll be damned for never a king's son in Christendom.

PRINCE HENRY.

Where shall we take a purse to-morrow, Jack!

FALSTAFF.

Where thou wilt, lad, I'll make one; an I do not, call me villain and baffle me.

PRINCE HENRY.

I see a good amendment of life in thee; from praying, to purse-taking.

FALSTAFF.

Why, Hal, 'tis my vocation, Hal; 'tis no sin for a man to labour in his vocation.

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