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De ces perfides cœurs vous servez les desseins.
Ah! Pourquoi leur prêter vos secours assassins
Contre un faible vieillard, et du haut de la nue
Assaillir sans pitié sa tête chauve et nue?

(c) Oui, ma raison revient, je vous connais..... C'est toi,
Mon pauvre fou! J'ai froid; as-tu froid comme moi ?
Mon corps s'est épuisé dans cette horrible lutte.
Allons, conduisez-nous; où donc est cette hutte?
Montrez-moi cette paille, ami, ce pauvre seuil
Qu'aurait sans doute hier dédaigné mon orgueil,
Tant la nécessité sous sa verge nous plie!

Pauvre fou! ne crois pas que ton maître t'oublie;
Viens; ce cœur, insensible à des malheurs nouveaux,
Sait plaindre encor ta peine et souffrir de tes maux.

(KING JOHN.)

Cet ouvrage commence la longue série des pièces historiques de Shakspeare. Le sujet n'était pas heureux. Jean Sans-Terre fut un des princes les plus pervers, et, ce qui est pire au théâtre, les plus lâches qui aient jamais déshonoré le trône. Ce défaut dans le choix du principal personnage ne permettait donc pas à Shakspeare de rendre sa tragédie intéressante et dramatique : il eût pu, du moins, la faire raisonnable; mais il semble que jamais on n'ait violé plus ouvertement la fidélité due à l'histoire, soit dans la peinture des caractères, soit dans les événements les plus certains. Shakspeare a de plus foulé aux pieds toute espèce de règle; et nous n'entendons pas par là celles que les classiques ont établies; nous entendons celles qu'à défaut d'un art systématique le bon sens et la raison devraient, ce nous semble, imposer pour la conception d'un ouvrage de théâtre.

ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

Northampton. Palais du roi.

Le roi Jean et sa mère Éléonore de Guienne, la veuve de Henri II, donnent audience à Châtillon, ambassadeur du roi de France Philippe-Auguste; Châ

ESSAIS LITTÉRAIRES SUR SHAKSPEARE.

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tillon redemande, au nom de son roi, le trône d'Angleterre, usurpé par Jean sur le jeune Arthur de Bretagne, fils de Geoffroy. Ce Geoffroy était le frère aîné de Jean; et, d'après les lois de la représentation en ligne directe, Arthur avait droit au trône d'Angleterre. Mais l'histoire prouve que les Anglais n'avaient pas pour cet ordre de succession le respect religieux qu'il inspire dans d'autres pays.

On peut croire que la réponse du roi est un refus; l'ambassadeur français lui déclare la guerre de la part de son maître, et se retire.

Il est remplacé sur la scène par deux frères du comté de Northampton, Robert et Philippe Faulconbridge, qui viennent soumettre au jugement du roi une discussion élevée entr'eux pour le partage de leur patrimoine. Robert veut exclure son frère de ce partage, en soutenant et en prouvant, par des raisons incontestables, que Philippe ne peut avoir reçu la naissance de celui dont il porte le nom. Philippe, en effet, est reconnu pour un bâtard de Richard Coeur-de-Lion. Éléonore et le roi Jean, satisfaits de son humeur enjouée, et de son apparence de force et de courage, lui proposent un sort avantageux, si, renonçant à toute prétention sur les biens de son père putatif, il veut s'attacher à la cour et prendre parti dans leur armée. L'aventurier bâtard accepte cette offre avec une satisfaction mêlée d'orgueil. Il se voit déjà, en imagination, humblement salué par tel de ses égaux d'autrefois, et leur rendant le salut avec dédain.

tel ou

«< (1) Et s'il s'appelle Georges,

dit-il,

<< je l'appellerai Pierre : car un honneur de date récente oublie le nom des

gens. >>

Trait d'observation qui doit être senti en France.

Sa mère vient lui reprocher d'avoir compromis l'honneur de sa vertu ; mais il proteste gaiement qu'elle n'est point coupable d'avoir cédé à un roi dont l'ascendant irrésistible l'avait fait surnommer Coeur-de-Lion, et que, s'il pouvait choisir un père à son gré, il n'en souhaiterait pas de plus noble.

ACTE SECOND.

SCÈNE PREMIÈRE.

Devant les murs d'Angers.

Philippe-Auguste, accompagné de son fils, depuis Louis VIII; d'Arthur, dont il soutient les droits; et de la mère de ce jeune prince, Constance ; est venu mettre le siége devant les murs d'Angers. L'archiduc d'Autriche, pour expier le malheur qu'il a eu de tuer Richard, vient appuyer de son secours la cause du

prince Arthur.

Cette intervention du duc d'Autriche, absolument inutile à la marche de l'action, est déraisonnable pour plusieurs motifs. Le premier de tous, et qui

(1) And if his name be George, I'll call him Peter :

For new-made honour doth forget men's names.

c'est que le duc d'Au

dispenserait des autres, triche ne tua point Richard. Le brillant héros des croisades périt au siége de Chalus, près de Limoges On voit difficilement, en outre, comment c'eût été apaiser les manes de Richard que de prendre les armes contre son frère. Au surplus, nous ne relèverons pas toutes les fautes de ce genre qui se présentent dans le Roi Jean : c'est un travail de trop d'étendue, et par cela même trop peu intéressant.

Châtillon, de retour de son ambassade, rend au roi la réponse de Jean, et lui annonce que ce prince arrive en même temps que lui, pour défendre son usurpation, à la tête d'une nombreuse et brillante armée.

Par une de ces invraisemblances qu'il nous répugne de qualifier, en critiquant un génie tel que celui de Shakspeare, mais à laquelle toute la barbarie où était alors plongé le théâtre ne saurait servir d'excuse, le roi Jean paraît tout à coup devant Philippe avec une partie de son armée. A ses côtés sont Eléonore sa mère, Blanche de Castille sa nièce, qui fut mère de Louis

et le bâtard Philippe Faulconbridge.

Le roi Jean et le roi de France entament une discussion diplomatique, bientôt interrompue par les injures véhémentes que s'adressent et se renvoient Constance et Eléonore d'une part, Faulconbridge et l'archiduc de l'autre.

Les rois ne pouvant parvenir à s'accorder à l'amiable, le monarque français fait sommer les habitants d'Angers d'opter entre la cause d'Arthur et celle de Jean.

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