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SUR

SHAKSPEARE.

HAMLET.

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Hamlet, la plus fameuse de toutes les pièces de Shakspeare, est celle où il a été peut-être le plus inégal. Cette tragédie est comme le chaos traversé par quelques rayons de lumière. Il semble qu'on soit un quart d'heure avec Platon, et le reste du temps à Bedlam.

Le célèbre Göthe, dans son roman de Wilhelm Meister, consacre presque un volume tout entier à développer la profondeur de conception qu'il aperçoit dans Hamlet. Son travail est sans doute ingénieux; mais ne ressemblerait-il pas à l'adresse de ces joueurs de billard, qui voulant, comme on dit, prendre une bille très fine, la prennent si fine qu'ils ne la touchent pas du tout? Il semble que les développements de Göthe sur Hamlet n'aient aucun rapport avec le personnage de Shakspeare.

A l'entendre, Hamlet est un jeune prince, doux, vertueux, instruit, mais faible, d'une humeur tranquille, en qui la destinée va jeter de vive force le

T. 1.

trouble, le désespoir et, pour ainsi dire, le remords du forfait d'autrui. On croit voir ( c'est la comparaison de Göthe) un gros arbre planté dans la caisse étroite et élégante d'un oranger, et la rompant de ses vigoureuses racines.

Sans doute, il y aurait là une idée intéressante et tragique. Mais, est-ce bien l'impression que laisse l'Hamlet de Shakspeare ? Voilà ce qui nous paraît loin d'être démontré. D'autres commentateurs que Göthe ont aussi exercé la finesse de leurs yeux à démêler les beautés cachées de cet ouvrage. Le fruit de leurs recherches est au-dessus de l'intelligence commune; et tout ce qu'on peut dire, ce nous semble, de l'ouvrage que nous analysons, c'est que les éclairs de génie, quoique fort rares, y jettent une si vive lumière qu'il est tel passage d'Hamlet, préférable lui seul à toute une tragédie.

Le sujet d'Hamlet est tiré de la cent huitième histoire tragique de Belleforest, qui l'avait lui-même empruntée des légendes dont se composent les commencements fabuleux de l'histoire du Danemarck, dans Saxon le grammairien. Le livre de Belleforest jouissait de la plus grande vogue à l'époque où Shakspeare a écrit sa pièce, c'est-à-dire, en 1595. Elle obtint un succès dont la vogue était devenue populaire.

En 1589, un auteur anglais, nommé Thomas Kyd, avait déjà fait jouer une tragédie sur le même sujet, et puisée aux mêmes sources.

ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

Des soldats montent la garde sur une plate-forme, devant le château du roi de Danemarck, à Elseneur. Horatio, un ami d'Hamlet, vient se joindre à eux et ils lui racontent l'apparition d'un spectre semblable en tout au dernier roi du pays. L'ombre apparaît un instant, et se retire. En réfléchissant sur ce prodige avec les soldats de garde, Horatio leur apprend la nouvelle d'une guerre prochaine contre Fortinbras, neveu du roi de Norwège. Il suppose que c'est pour présager les suites de cet événement que le spectre est sorti de la demeure des ames. Nouvelle apparition de l'ombre. Horatio lui demande ce qui l'amène sur la terre... Un soldat veut joindre à l'éloquence d'Horatio les moyens de persuasion d'un coup de sa pique... Mais le coq chante, et l'ombre s'évanouit. Horatio se propose, dès qu'il dès qu'il sera sorti de garde, d'aller instruire Hamlet de ce qu'il vient de voir.

SCÈNE SECONDE.

Une salle de réception, dans le château.

Le roi Claudius, oncle d'Hamlet, envoie des ambassadeurs au roi de Norwège, pour l'engager à prévenir la guerre que prépare Fortinbras.

Un seigneur danois, Polonius, demande pour son fils Laertes la permission de voyager en France. Le roi l'accorde.

La reine Gertrude, veuve du feu roi, et remariée à son beau-frère, interroge son fils Hamlet sur les causes du morne chagrin où on le voit toujours plongé, et le roi exhorte le jeune prince à ne plus conserver un regret inutile.

Hamlet, resté seul, ne peut plus se contenir.

« (1) Ah! pourquoi cette masse trop solide, cette chair, ne peut-elle se dissoudre, se fondre et s'écouler comme l'onde? Ah! si l'Éternel n'avait pas prononcé sa sentence contre le meurtrier de soi-même.... O mon Dieu! mon Dieu! combien me semblent fastidieuses, usées, insipides et inutiles toutes les pratiques de ce monde.... Ah! fi de la vie! fi!»

Le prince s'indigne d'avoir vu sa mère, un mois après la mort d'un roi si magnanime et qui l'aimait si tendrement, passer dans le lit du frère de son premier époux.

Horatio vient trouver Hamlet, qui laisse percer à ses yeux le motif de l'indignation qu'il éprouve.

(2) Les plats du festin funèbre, dit-il, ont pu être rapportés froids au banquet nuptial. »

Horatio révèle au prince l'apparition de l'ombre de

(1) O that this too solid flesh would melt, Thaw, and resolve itself into a dew!

(2)

Or that the everlasting had not fix'd

His canon against self-slaughter! o God! o God!
How weary, stale, flat, and unprofitable

Seem to me all the uses of this world!

Fie on't! o fie!

The funeral bak'd meats

Did coldly furnish forth the marriage tables.

son père. Frappé de ce phénomène, Hamlet veut en être témoin et monter la garde avec les soldats, la nuit prochaine.

SCÈNE TROISIÈME.

La maison de Polonius.

Laertes fait ses adieux à sa sœur Ophélia, et lui recommande de ne point se confier avec crédulité à l'amour qu'Hamlet montre pour elle.

« (3) Quant à Hamlet, et au badinage de ses amours, regardez cela comme une fantaisie de mode, un jouet

(3) For Hamlet, and the trifling of his favour,
Hold it a fashion, and a toy in blood;

A violet in the youth of the primy nature,
Forward, not permanent, sweet, not lasting,
The perfume and suppliance of a minute.
No more.

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Then weigh what loss your honour may sustain,
If with too credent ear you

Or lose your heart; or your

list his songs;

chaste treasure open

To his unmaster'd importunity.

Fear it, Ophelia, fear it, my dear sister;
And keep you in the rear of your affection,
Out of the shot and danger of desire.
The chariest maid his prodigal enough,
If she unmask her beauty to the moon :
Virtue itself scapes not calumnious strokes :
The canker galls the infants of the spring,
Too oft before their buttons be disclos'd;
And in the morn and liquid dew of youth
Contagious blastments are most imminent.
Ba
wary then best safety lies in fear;

:

Youth to itself rebels, though none else near.

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