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Du quartier impérial d'Elchingen, le 29 vendémiaire an 14 (24 octobre 1805).

Proclamation à l'armée.

Soldats de la grande armée,

En quinze jours nous avons fait une campagne. Ce que nous nous proposions est rempli; nous avons chassé les troupes de la maison d'Autriche de la Bavière et rétabli notre allié dans la souveraineté de ses États. Cette armée qui, avec autant d'ostentation que d'imprudence, était venue se placer sur nos frontières, est anéantie. Mais qu'importe à l'Angleterre ? son but est atteint. Nous ne sommes plus à Boulogne, et son subside ne sera ni plus ni moins grand.

De cent mille hommes qui composaient cette armée, soixante mille sont prisonniers. Ils iront remplacer nos conscrits dans les travaux de nos campagnes. Deux cents pièces de canon, tout le parc, quatre-vingt-dix drapeaux, tous les généraux sont en notre pouvoir; il ne s'est pas échappé de cette armée quinze mille hommes. Soldats, je vous avais annoncé une grande bataille; mais, grâce aux mauvaises combinaisons de l'ennemi, j'ai pu obtenir les mêmes succès sans courir les mêmes chances; et, ce qui est inconcevable dans l'histoire des nations, un si grand résultat ne nous affaiblit pas de plus de quinze cents hommes hors de combat.

Soldats! ce succès est dû à votre confiance sans bornes dans votre Empereur, à votre patience à supporter les fatigues et les privations de toute espèce, à votre rare intrépidité.

Mais nous ne nous arrêterons pas là. Vous êtes impatients de commencer une seconde campagne. Cette armée russe, que l'or de l'Angleterre a transportée des extrémités de l'univers, nous allons lui faire éprouver le même sort.

« A ce combat est attaché plus spécialement l'honneur de l'infanterie; c'est là que va se décider, pour la seconde fois, cette question qui l'a déjà été en Suisse et en Hollande: Si l'infanterie française est la seconde ou la première de l'Europe?

Il n'y a pas là de généraux contre lesquels je puisse avoir de la gloire à acquérir. Tout mon soin sera d'obtenir la victoire avec le moins possible d'effusion de sang: mes soldats sont mes enfants. NAPOLÉON.

Aussitôt après la capitulation d'Ulm, l'Empereur s'était porté sur Vienne, où il était entré sans résistance. La cour s'était enfuie à son approche.

Nous avons trouvé dans Vienne plus de deux mille pièces de canon; une salle d'armes garnie de cent mille fusils; des munitions de toutes espèces; enfin, de quoi former tout l'équipage de trois ou quatre armées.

Le peuple de Vienne a paru voir l'armée avec amitié.

L'Empereur ordonne qu'on porte le plus grand respect aux propriétés, et que l'on ait les plus grands égards pour le peuple de cette capitale, qui a vu avec peine la guerre injuste que l'on a faite, et qui nous témoigne, par sa conduite, autant d'amitié qu'il montre de haine pour les Russes, peuple qui, par ses habitudes et ses mœurs barbares, doit inspirer les mêmes sentiments à toutes les nations policées.

NAPOLÉON.

Le palais de Schoenbrünn, dans lequel l'Empereur est logé, a été bâti par Marie-Thérèse, dont le portrait se trouve dans presque tous les appartements.

Dans le cabinet où travaille l'Empereur, est une statue de marbre qui représente cette souveraine. L'Empereur, en la voyant, a dit que, si cette grande reine vivait encore, elle ne se laisserait point conduire par les intrigues d'une femme telle que madame Colloredo. Constamment environnée, comme elle le fut toujours, des grands de son pays, elle aurait connu la volonté de son peuple; elle n'aurait pas fait ravager son pays par les Cosaques et les Moscovites; elle n'aurait pas consulté, pour se résoudre à faire la guerre à la France, un courtisan comme ce Cobentzel, qui, trop éclairé sur les intrigues de la cour, craint de désobéir à une femme étrangère, investie du

funeste crédit dont elle abuse; un scribe comme ce Collembach ; un homme enfin aussi universellement haï que Lamberty. Elle n'aurait pas donné le commandement de son armée à des hommes tels que Mack, désigné non par la volonté du souverain, non par la confiance de la nation, mais par l'Angleterre et la Russie. C'est en effet une chose remarquable que cette unanimité d'opinions dans une nation tout entière contre les déterminations de la cour; les citoyens de toutes les classes, tous les hommes éclairés, tous les princes même se sont opposés à la guerre. On dit que le prince Charles, au moment de partir pour l'armée d'Italie, écrivit encore à l'Empereur pour lui représenter l'imprudence de sa résolution, et lui prédire la destruction de la monarchie. L'électeur de Saltzbourg, les archiducs, les grands, tinrent le même langage. Tout le continent doit s'affliger de ce que l'empereur d'Allemagne, qui veut le bien, qui voit mieux que ses ministres, et qui, sous beaucoup de rapports, serait un grand prince, ait une telle défiance de lui-même et vive si constamment isolé. Il apprendrait des grands de l'empire, qui l'estiment, à s'apprécier lui-même; mais aucun d'eux, aucun des hommes considérables qui jugent et chérissent les intérêts de la patrie, n'approchent jamais de son intérieur. Cet isolement, dont on accuse l'influence de l'impératrice, est la cause de la haine que la nation a conçue contre cette princesse. Tant que cet ordre de choses existera, l'Empereur ne connaîtra jamais le vœu de son peuple, et sera toujours le jouet des subalternes que l'Angleterre corrompt, et qui le circonviennent de peur qu'il ne soit éclairé. Il n'y a qu'une voix à Vienne comme à Paris les malheurs du continent sont le funeste ouvrage des Anglais.

Le maréchal Ney avait eu la mission de s'emparer du Tyrol : il s'en est acquitté avec son intelligence et son intrépidité accoutumées. Il a fait tourner les forts de Scharnitz et de Ncustark, et s'en est emparé de vive force. Il a pris dans cette affaire dix-huit cents hommes, un drapeau et seize pièces de canon de campagnes attelées.

Le 16, à cinq heures après midi, il a fait son entrée à Ins

pruck; il y a trouvé un arsenal rempli d'une artillerie considérable, seize mille fusils et une immense quantité de poudre. Le même jour, il est entré à Hall, où il a aussi pris de trèsgrands et très-riches magasins, dont on n'a pas encore l'inventaire. L'archiduc Jean, qui commandait en Tyrol, s'est échappé par Luchsthall. Il a chargé un colonel de remettre tous les magasins aux Français, et de recommander à leur générosité douze cents malades qui sont à Inspruck.

A tous ces trophées de gloire est venue se joindre une scène qui a touché l'âme de tous les soldats. Pendant la guerre dernière, le soixante-seizième régiment de ligne avait perdu deux drapeaux dans les Grisons; cette perte était depuis longtemps pour ce corps le motif d'une affliction profonde. Ces braves savaient que l'Europe n'avait point oublié leur malheur, quoiqu'on ne pût en accuser leur courage. Ces drapeaux, sujets d'un si noble regret, se sont trouvés dans l'arsenal d'Inspruck ; un officier les a reconnus; tous les soldats sont accourus aussitôt. Lorsque le maréchal Ney les leur a fait rendre avec pompe, des larmes coulaient des yeux de tous les vieux soldats. Les jeunes conscrits étaient fiers d'avoir servi à reprendre ces enseignes enlevées à leurs aînés par les vicissitudes de la guerre. L'Empereur a ordonné que cette scène touchante fût consacrée par un tableau. Le soldat français a pour ses drapeaux un sentiment qui tient de la tendresse. Ils sont l'objet de son culte, comme un présent reçu des mains d'une maîtresse.

Le général Klein a fait une incursion en Bohême avec sa division de dragons. Il a vu partout les Russes en horreur : les dévastations qu'ils commettent font frémir. L'irruption de ces barbares appelés par le gouvernement lui-même, a presque éteint dans le cœur des sujets de l'Autriche toute affection pour leur prince. « Nous et les Français, disent les Allemands, nous sommes les fils des Romains; les Russes sont les enfants des Tartares. Nous aimons mieux mille fois voir les Français armés contre nous, que des alliés tels que les Russes. » A Vienne, le seul nom d'un Russe inspirait la terreur. Ces hordes de sauvages ne se contentent pas de piller pour leur subsistance; ils enlèvent, ils détruisent tout. Un malheureux paysan

qui ne possède dans sa chaumière que ses vêtements, en est dépouillé par eux. Un homme riche, qui occupe un palais, ne peut espérer de les assouvir par ses richesses: ils le dépouillent et le laissent nu sous ses lambris dévastés.

Sans doute, c'est pour la dernière fois que les gouvernements européens appelleront de si funestes secours. S'ils étaient capables de le vouloir encore, ils auraient à payer ces alliés du soulèvement de leur propre nation. D'ici à cent ans, il ne sera en Autriche au pouvoir d'aucun prince d'introduire des Russes dans ses États. Ce n'est pas qu'il n'y ait dans ses armées un grand nombre d'officiers dont l'éducation a été soignée, dont les mœurs sont douces et l'esprit éclairé. Ce qu'on dit d'une armée s'entend toujours de l'instinct naturel de la masse qui la compose.

Znam, le 27 brumaire an 14 (18 novembre 1805 ).

Vingt-sixième bulletin de la grande armée.

Le prince Murat, instruit que les généraux russes, immédiatement après la signature de la convention, s'étaient mis en marche avec une portion de leur armée sur Znaïm, et que tout indiquait que l'autre partie allait la suivre et nous échapper, leur a fait connaître que l'Empereur n'avait pas ratifié la convention, et qu'en conséquence il allait attaquer. En effet, le prince Murat a fait ses dispositions, a marché à l'ennemi, et l'a attaqué le 25, à quatre heures après midi, ce qui a donné lieu au combat de Juntersdorff, dans lequel la partie de l'armée russe qui formait l'arrière-garde a été mise en déroute, a perdu douze pièces de canon, cent voitures de bagages, deux mille prisonniers et deux mille hommes restés sur le champ de bataille. Le maréchal Lannes a fait attaquer l'ennemi de front; et tandis qu'il le faisait tourner par la gauche par la brigade de grenadiers du général Dupas, le maréchal Soult le faisait tourner par la droite par la brigade du général Levasseur, de la division Legrand, composée des troisième et dix-huitième régiments de ligne. Le général de division Walther a chargé

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