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« Il s'étendit alors beaucoup sur la force naturelle des deux contrées. << Deux puissances de cette force, en s'entendant bien, pouvaient gouver« ner le monde ; mais elles pourraient aussi le bouleverser dans leur lutte. Il dit que, s'il n'avait pas constamment éprouvé les effets de l'inimitié «< du gouvernement britannique depuis le traité d'Amiens, il n'y aurait « rien eu qu'il ne fit pour lui prouver son désir de vivre en bonne intelligence. Il l'aurait admis à participer aux indemnités aussi bien qu'à << l'influence sur le continent; il aurait fait avec lui des traités de com«merce, en un mot, tout ce qui aurait pu le satisfaire et lui témoigner des dispositions amicales. Mais rien n'avait pu vaincre la haine invétérée « du gouvernement anglais, et l'on en était arrivé aujourd'hui à décider « la grande question de la paix ou de la guerre. Pour conserver la paix, « il fallait remplir le traité d'Amiens; sinon supprimer totalement, du «< moins resserrer dans des bornes étroites et borner aux papiers anglais « le système de diffamation suivi dans les papiers publics; enfin retirer « la protection accordée ouvertement à ses plus cruels ennemis, c'est-àdire, Georges Cadoudal et les gens de cette espèce. Voulait-on la guerre? Il ne fallait que le dire, et se refuser à remplir le traité d'A« miens. Il dit que ce n'était pas lui rendre justice que de supposer qu'il « se crût au-dessus de l'opinion de son pays ou de l'Europe; il ne voudrait pas courir le risque de la réunir contre lui par quelque acte « de violence ou d'agression; il n'était pas non plus assez puissant « pour déterminer la France à entrer en guerre, à moins qu'il ne lui « en démontrât la nécessité. Il ajouta qu'il n'avait point châtié les Algériens, de peur d'exciter la jalousie des autres puissances; mais qu'il espérait que l'Angleterre, la Russie et la France sentiraient un jour qu'elles ont intérêt à détruire un pareil nid de brigands, et à les for«cer de vivre plutôt de la culture de leurs propres terres que de pilla"ges. Et lorsque je lui parlai de l'augmentation d'influence et de terri"toire gagnée par la France depuis le traité : « Vous voulez probable«<ment parler du Piémont et de la Suisse ce sont des bagatelles. D'ailleurs vous auriez dû le prévoir lorsque la négociation était pendante. Vous n'avez pas le droit d'en parler à cette heure... Vous êtes << donc décidés à la guerre, ajouta-t-il; nous l'avons faite pendant quinze ans, vous voulez la faire encore quinze années, et vous m'y «forcez. Vous êtes les premiers à tirer l'épée; je serai le dernier à la << remettre. Vous ne respectez pas les traités; il faut les couvrir d'un crêpe noir. Pourquoi des armements? Contre qui des mesures de pré«< caution ? Je n'ai pas un seul vaisseau de ligne dans les ports de France; << mais si vous voulez armer, j'armerai aussi; si vous voulez vous battre,

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je me battrai aussi. Vous pourrez peut-être tuer la France, mais ja

<< mais l'intimider. Il faut respecter les traités. Malheur à ceux qui << ne respectent point les traités! Ils en seront responsables à toute l'Eu « rope. »>

Le ministère anglais ne répondit à cette dépêche qu'en envoyant à lord. Witworth l'ordre de demander ses passe-ports. Le premier consul fit un dernier effort. Il écrivit au roi d'Angleterre une lettre admirable, digne de celle qu'il avait écrite, au début de sa carrière, à l'archiduc Charles, et de celle qui fut adressée au roi de Prusse en 1806, mais qui devait prouver encore une fois qu'en politique il n'y a que des intérêts, et que la raison et la justice n'ont d'autorité qu'en proportion de la puissance de celni qui les invoque. L'une et l'autre n'ont pas manqué à la France pendant cette longue lutte. Ce qui lui a manqué, c'est une marine supérieure à celle de l'Angleterre. Quels qu'eussent été ses droits, dans ce cas, ou même ses prétentions, on les eût trouvés légitimes. Le premier Consul eût-il en pleine paix et sans provocation dispersé les flottes de l'Angleterre et envahi ses pos sessions, les cabinets de l'Europe n'y eussent vu qu'un fait aussi naturel que le partage de la Pologne où l'invasion de la Silésie. Il ne faut pas oublier que l'Empereur n'a été régardé comme un usurpateur qu'en 1814 et 1815. Dix ans auparavant, lorsque Louis XVIII adressait à toutes les cours étrangères une protestation pour les empêcher de reconnaître le nouvel empereur, l'Autriche nous flt remettre cette protestation, disant qu'elle nous l'envoyait sans l'avoir lue, et sans vouloir même répondre à celui qui l'avait écrite, et qu'on désignait plus que dédaigneusement par ce titre de le prétendant. Que pouvait donc faire dans les circonstances présentes la lettre du premier Consul au roi George? L'Angleterre espérait être la plus forte. C'était assez pour se dispenser d'exécuter ses engagements, bien assurée de l'approbation et du concours des cabinets européens, dès que les chances sembleraient lui être favorables. Voici cette lettre, qui complète la liste des documents qu'il est nécessaire de connaître pour se former une opinion exacte et dégagée de toute prévention sur ces grands événements :

<< Sire, la France et l'Angleterre usent leur prospérité : elles peuvent «<lutter pendant des siècles; mais leurs gouvernements remplissent-ils «bien le plus sacré des devoirs? Je n'attache point de déshonneur à << faire le premier pas : j'ai assez, je pense, prouvé au monde que je ne << redoute aucune des chances de la guerre. Elle ne m'offre d'ailleurs au<«< cune chance que je doive redouter. La paix est le vœu de mon cœur, «mais la guerre n'a jamais été contraire à ma gloire. Je conjure Votre Ma ̧« jesté de ne pas se refuser au bonheur de donner elle-même la paix. Elle a a plus gagné depuis dix ans en territoire et en richesses que l'Europe

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d'étendue. Sa nation est au plus haut degré de prospérité. Que veut. «elle espérer de la guerre? Coaliser quelques puissances du continent 2. «Le continent restera tranquille; une coalition ne ferait qu'accroître la prépondérance et la grandeur continentale de la France. Renouveler des « troubles intérieurs ? Les temps ne sont plus les mêmes. Détruire nos « finances? Des finances fondées sur une bonne agriculture ne se détruisent jamais. Enlever à la France ses colonies? Les colonies sont pour la « France un objet secondaire, et Votre Majesté n'en possède-t-elle pas déjà plus qu'elle n'en peut garder? Si Votre Majesté veut elle-même y << songer, elle verra que la guerre est sans but, sans aucun résultat pré«<sumable pour elle. Eh! quelle triste perspective de faire battre des «peuples pour qu'ils se battent? Le monde est assez grand pour que << nos deux nations puissent y vivre, et la raison a assez de puissance « pour qu'on trouve les moyens de tout concilier, si de part et d'autre « on en a la volonté. »>

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Cette lettre n'était pas encore parvenue au roi d'Angleterre, que déjà l'épée avait été tirée. Déjà l'on avait attaqué nos vaisseaux et insulté nos côtes. Il fallait encore une fois se défendre, et, quoi qu'on en ait dit, la France n'a fait que cela depuis 1791 jusqu'à 1815.

Peut-être le désir de faire apprécier avec exactitude les causes de cette guerre, qui a été le principe de toutes les autres, nous a-t-il entraîné au delà des bornes d'un article de critique, lequel ne devrait être consacré qu'à l'examen général de l'ouvrage qui en fait l'objet. Mais il nous semble, bien que la plupart des faits et des documents que nous avons cités soient connus, qu'on ne saurait trop revenir sur ce sujet qui touche à l'honneur de notre pays. En effet, malgré les travaux de nos historiens, malgré les preuves les plus évidentes, si souvent reproduites dans leurs ouvrages, il existe encore des préjugés qu'il importe de dissiper. C'est à quoi chacun doit concourir dans sa mesure. On a tant parlé de l'esprit d'envahissement de la France et de l'ambition de l'Empereur, que beaucoup de nos concitoyens eux-mêmes sont encores injustes en croyant n'être qu'impartiaux. Il est donc nécessaire de répéter même ce qui a été dit tant de fois, de le prouver encore, afin que tout le monde le sache bien, ne fût-ce que pour y puiser ce sentiment du droit, qui, dans certains moments de la vie des nations, est une force malgré le mépris qu'on est disposé à en faire quelquefois dans les hautes régions de la politique c'est à savoir

Le premier Consul fait allusion par cette phrase aux conquêtes des Anglais dans les Indes.

2 C'est en effet ce qu'espérait l'Angleterre, et les événements prouvèrent bientôt que le premier Consul se trompait.

que, si la France a envahi, c'est parce qu'on l'a forcée de mettre les armes à la main. Elle n'attaquait ni la Prusse ni l'Autriche, lorsque l'Autriche et la Prusse se sont coalisées contre elle en 91. Quant à l'Empereur, il est vrai que le spectacle de toutes ces batailles qui se succédaient sans relâche, de ces royaumes conquis, de ces capitales dont les murailles tombaient devant nos soldats, de ces guerres enfin qui ne cessaient que pour recommencer aussitôt avec plus de fureur, a pu donner le change à l'opinion, outre le sentiment des malheurs qui ont suivi, et dont chacun a eu sa part aux jours de nos revers. Cette derrière impression surtout a été profonde et universelle. Elle s'est pour ainsi dire transmise jusqu'à nous; et comme il est dans la nature humaine de chercher à qui se prendre des maux qu'on éprouve, on a mieux aimé les attribuer à l'ambition d'un homme que d'en étudier les causes tâche plus longue et plus difficile, car elle demandait de la réflexion et des lumières, lorsque la plupart des hommes n'ont ni le temps de réfléchir, ni assez de lumières pour juger et aller au delà de ce qui les frappe extérieurement. Chaque victoire ajoutant à la gloire de l'Empereur, on a cru que c'était le besoin de renommée qui le poussait sans cesse à de nouvelles guerres. Or, ce qu'on ne saurait trop répéter, nous le disons encore, c'est que Napoléon n'a fait que se défendre, de même que la révolution, dont il était le représentant, et, si nous pouvons nous exprimer ainsi, le légataire. Cela est si yrai, que les souverains le confondaient avec elle, et que le changement opéré en France par le passage de la République à l'Empire ne leur fit jamais illusion. Sous des formes différentes en apparence, ils savaient que c'était encore la révolution qui régnait. La situation était donc la même à leurs yeux. C'est cette situation qui a tout dominé, l'Empereur lui-même, et c'est l'horreur qu'elle inspirait aux puissances étrangères qui les a mises à la suite de l'Angleterre. Si la France a été vaincue, si elle a éprouvé toutes les humiliations et les désastres de la défaite, ce n'est donc pas à l'ambition de Napoléon qu'il le faut attribuer. Lorsqu'elle combattait sous lui, elle ne combattait que pour ellemême et pour repousser l'agression. L'Empereur n'était que son général. Attaqué de tous côtés, il lui fallait proportionner les moyens de défense aux moyens d'attaque. De là ces efforts gigantesques qui ont épuisé le pays, dit-on, mais que le pays eût dû faire quand il n'aurait pas eu l'Empereur pour le commander. Et qui peut assurer que sans lui on n'eût jamais subi le même sort? Lorsqu'il a été vaincu, la France l'a été avec lui; elle ne s'en est que trop aperçue pendant les temps qui ont suivi. Elle a pu voir alors qu'en abandonnant celui qu'elle avait mis à sa tête, elle s'était abandonnée elle-même, et que peut-être

avait elle commis une plus grande faute que celles qui ont été reprochées à l'Empereur, auxquelles on a voulu attribuer sa perte. Il est déjà un point sur lequel l'histoire peut le justifier: c'est ce délire d'ambition qui aurait été la cause de ses guerres. Il n'est pas jusqu'à l'expédition de Russie qui, étudiée de près, ne démontre l'erreur où l'on est tombé à ce sujet. C'est cette erreur, encore une fois, qu'il importe de combattre jusqu'à ce que le temps de la justice soit venu pour celui qui en a été la victime, mais à qui du moins elle n'a rien enlevé de sa gloire, alors qu'elle a été si fatale à notre pay's.

Saint-Cloud, le 30 floréal an 11 (20 mai 1803. )

Message au Sénat, au Corps l'égislatif et au Tribunat.

L'ambassadeur d'Angleterre a été rappelé; forcé par cette circonstance, l'ambassadeur de la République a quitté un pays où il ne pouvait plus entendre de paroles de paix.

Dans ce moment décisif, le gouvernement met sous vos yeux, il mettra sous les yeux de la France et de l'Europe ses premières relations avec le ministère britannique, les négociations qui ont été terminées par le traité d'Amiens, et les nouvelles discussions qui semblent finir par une rupture absolue.

Le siècle présent et la postérité y verront tout ce qu'il a fait pour mettre un terme aux calamités de la guerre, avec quelle modération, avec quelle patience il a travaillé à en prévenir le

retour.

Rien n'a pu rompre le cours des projets formés pour rallumer la discorde entre les deux nations. Le traité d'Amiens avait été négocié au milieu des clameurs d'un parti ennemi de la paix. A peine conclu, il fut l'objet d'une censure amère : on le représenta comme funeste à l'Angleterre, parce qu'il n'était pas honteux pour la France. Bientôt on sema des inquiétudes, on simula des dangers sur lesquels on établit la nécessité d'un état de paix tel qu'il était un signal permanent d'hostilités nouvelles. On tint en réserve, on stipendia ces vils scélérats qui avaient déchiré le sein de leur patrie, et qu'on destine à le déchirer encore. Vains calculs de la haine ! Ce n'est plus cette France di

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