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notre pouvoir avaient été rendues; le Caire lui-même était remis. Au bout de quelque temps, comme on attendait les vaisseaux, parut une flotte anglaise sous les ordres de l'amiral Keith. L'amiral écrivit à Kléber que son gouvernement refusait de ratifier le traité, et qu'il ne pouvait recevoir l'armée française qu'à discrétion et comme prisonnière de guerre. Elle devait avant tout déposer les armes. A ce coup imprévu Kléber se releva. Pour toute réponse, il fit mettre à l'ordre la lettre de l'amiral avec ces mots :

Soldats, on ne répond à de telles insolences que par la victoire! La réponse, en effet, ce fut la bataille d'Héliopolis, livrée quelques jours plus tard.

Le premier consul rend compte de ces événements dans un message au Corps-Législatif.

Législateurs

Paris, le 19 nivôse an 9 (9 janvier 1801).

Au Corps législatif.

Le gouvernement vous propose le projet de loi suivant : « L'armée d'Orient, les administrateurs, les savants et les artistes qui travaillent à organiser, à éclairer et à faire connaître l'Égypte, ont bien mérité de la patrie ».

Ce projet de loi est l'expression d'un vœu émis par le tribunat, et répété par tout le peuple français.

Quelle armée, en effet, quels citoyens ont mieux mérité de recevoir ce témoignage de la reconnaissance nationale?

A travers combien de périls et de travaux l'Égypte a-t-elle été conquise! Par combien de prodiges de courage et de patience elle a été conservée à la République!

L'Égypte était soumise; l'élite des janissaires de la Turquie européenne avait péri au combat d'Aboukir. Le grand vizir et ses milices tumultuaires n'étaient pas encore dans la Syrie.

Nos revers en Italie et en Allemagne retentissaient dans l'Orient; on y apprend que la coalition menace les frontières de la France, et que la discorde s'apprête à lui en livrer les débris.

Au bruit des malheurs de sa patrie, le sentiment, le devoir

rappellent en Europe celui qui avait dirigé l'expédition d'Egypte. L'Anglais saisit cette circonstance et sème des rumeurs sinistres : « Que l'armée d'Orient est abandonnée par son général; qu'oubliée de la France, elle est condamnée à périr hors de sa patrie par les maladies ou par le fer des ennemis; que la France elle-même a perdu sa gloire et ses conquêtes, et perdra bientôt son existence avec sa liberté. »

A Paris, de vains orateurs accusaient l'expédition d'Égypte, et déploraient nos guerriers sacrifiés à un système désastreux et à une basse jalousie.

Ces bruits, ces discours recueillis et propagés par les émissaires de l'Angleterre, portent dans l'armée les soupçons, les inquiétudes et la terreur.

El-Arisch est attaqué; El-Arisch tombe au pouvoir du grand vizir par les intrigues des Anglais et par le découragement de nos soldats.

Mais, pour arriver en Égypte, il reste un immense désert à traverser. Point de puits dans ce désert qu'au point de Catiéh, et là une forteresse et de l'artillerie. Au-delà du désert, le fort de Salahiéh, une armée pleine de vigueur et de santé, nouvellement habillée, d'abondantes munitions, des vivres de toute espèce, plus de forces enfin qu'il n'en faut pour résister à trois armées telles que celle du grand vizir.

Mais nos guerriers n'avaient plus qu'un désir, qu'une espé rance, celle de revoir, de sauver leur patrie; Kléber cède à leur impatience. L'Anglais trompe, menace, caresse, arrache enfin par ses artifices la capitulation d'El-Arisch.

Les généraux les plus courageux et les plus habiles sont au désespoir. Le vertueux Desaix signe, en gémissant, un traité qu'il réprouve.

Cependant la bonne foi exécute la convention que l'intrigue a surprise. Les forts de Suez, Catiéh, Salahiéh, Belbeis, la Haute-Égypte sont évacués. Déjà Damiette est au pouvoir des Turcs, et les Mameloucks sont au Caire.

Quatre-vingts vaisseaux turcs attendent notre armée au port d'Alexandrie pour la recevoir. La forteresse du Caire, Gizeh, tous les forts vont être abandonnés dans deux jours, et l'armée

n'aura plus d'asile que ces vaisseaux qui sont destinés à devenir sa prison!

Ainsi l'a voulu la perfidie.

Le gouvernement britannique refuse de reconnaître un traité qu'a entamé, qu'a conduit son ministre plénipotentiaire à la Porte, le commandant de ses forces navales destinées à agir contre l'expédition d'Égypte, et que ce plénipotentiaire, ce commandant, a signé conjointement avec le grand vizir.

La France doit à cette conduite la plus belle de ses possessions, et l'armée que l'Anglais a le plus outragée lui doit une nouvelle gloire.

Des bricks expédiés de France ont annoncé la journée du 18 brumaire, et que déjà la face de la République était changée. Au refus prononcé par les Anglais de reconnaître le traité d'El-Arisch, Kléber s'indigne, et son indignation passe dans toute l'armée. Pressé entre la mauvaise foi des Anglais et l'obstination du grand vizir, qui exige l'accomplissement d'un traité que lui-même ne peut pas exécuter, elle court au combat et à la vengeance. Le grand vizir et son armée sont dispersés aux champs d'Héliopolis.

Ce qui reste de Français dans la forteresse du Caire brave toutes les forces des Mameloucks et toutes les fureurs d'un peuple exalté par le fanatisme.

Bientôt la terreur et l'indulgence ont reconquis toutes les places et tous les cœurs. Mourad-Bey, qui avait été le plus redoutable de nos ennemis, a été désarmé par la loyauté française, et soumis à la République; il s'honore d'être son tributaire et l'instrument de sa puissance.

Cette puissance s'affermit par la sagesse; l'administration prend une marche régulière et assurée : l'ordre ranime toutes les parties du service; les savants poursuivent leur travaux, l'Égypte a désormais l'aspect d'une colonie française.

et

La mort du brave Kléber, si affreuse, si imprévue, ne trouble point le cours de nos succès.

Sous Menou, et par son impulsion, se développent de nouveaux moyens de défense et de prospérité. De nouvelles fortifications s'élèvent sur tous les points que l'ennemi pourrait

menacer! Les revenus publics s'accroissent. Estève dirige avec intelligence et fidélité une administration de finances que l'Europe ne désavouerait pas. Le trésor public se remplit et le peuple est soulagé. Conté propage les arts utiles; Champy fabrique la poudre et le salpêtre; Lepeyre retrouve le système des canaux qui fécondaient l'Égypte, et ce canal de Suez qui unira le commerce de l'Europe au commerce de l'Asie.

D'autres cherchent et découvrent des mines jusqu'au sein des déserts; d'autres s'enfoncent dans l'intérieur de l'Afrique pour en connaître la situation et les productions, pour étudier les peuples qui l'habitent, leurs usages et leurs mœurs, pour en rapporter dans leur patrie des lumières qui éclairent les sciences, et des moyens de perfectionner nos arts ou d'étendre les spéculations de nos négociants.

Enfin le commerce appelle les vaisseaux d'Europe au port d'Alexandrie, et déjà le mouvement qu'il imprime réveille l'industrie dans nos départements méridionaux.

Tels sont, citoyens législateurs, les droits qu'ont à la reconnaissance de la nation l'armée d'Égypte et les Français qui se sont dévoués au succès de cet établissement. En prononçant qu'ils ont bien mérité de la patrie, vous récompenserez leurs premiers efforts, et vous donnerez une nouvelle énergie à leur talent et à leur courage.

Le premier Consul, BONAPARTE.

Paris, le 24 pluviôse an 9 (5 février 1801).

Message au Corps législatif et au Tribunat.

Législateurs, tribuns,

La paix continentale a été signée à Lunéville. Elle est telle que la voulait le peuple français. Son premier vœu fut la limite du Rhin. Des revers n'avaient point ébranlé sa volonté, des victoires n'ont point dû ajouter à ses prétentions.

Après avoir replacé les anciennes limites de la Gaule, il devait rendre à la liberté les peuples qui lui étaient unis par une commune origine, par le rapport des intérêts et des mœurs.

La liberté de la Cisalpine et de la Ligurie est assurée. Après ce devoir, il en était un autre que lui imposaient la justice et la générosité.

Le roi d'Espagne a été fidèle à notre cause, et a souffert pour elle. Ni nos revers, ni les insinuations perfides de nos ennemis, n'ont pu le détacher de nos intérêts. Il sera payé d'un juste retour: un prince de son sang va s'asseoir sur le trône de Toscane.

Il se ressouviendra qu'il le doit à la fidélité de l'Espagne et à l'amitié de la France. Ses rades et ses ports seront fermés à nos ennemis, et deviendront l'asile de notre commerce et de nos vaisseaux.

L'Autriche, et c'est là qu'est le gage de la paix, l'Autriche, séparée désormais de la France par de vastes régions, ne connaîtra plus cette rivalité, ces ombrages qui, depuis tant de siècles, ont fait le tourment de ces deux puissances et les calamités de l'Europe.

Par ce traité, tout est fini pour la France; elle n'aura plus à lutter contre les formes et les intrigues d'un congrès.

Le gouvernement doit un témoignage de satisfaction au ministre plénipotentiaire qui a conduit cette négociation à cet heureux terme. Il ne reste ni interprétation à craindre, ni explication à demander, ni de ces dispositions équivoques dans lesquelles l'art de la diplomatie dépose le germe d'une guerre nouvelle.

Pourquoi faut-il que ce traité ne soit pas le traité de la paix générale ! C'était le vœu de la France ! c'était l'objet constant des efforts du gouvernement !

Mais tous ses efforts ont été vains. L'Europe sait tout ce que le ministère britannique a tenté pour faire échouer des négociations de Lunéville.

En vain un agent du gouvernement lui déclara, le 9 octobre 1800, que la France était prête à entrer avec lui dans une négociation séparée : cette déclaration n'obtint que des refus, sous le prétexte que l'Angleterre ne pouvait abandonner son allié. Depuis, lorsque cet allié a consenti à traiter sans l'Angleterre, ce gouvernement cherche d'autres moyens d'éloigner une paix si nécessaire au monde.

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