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Les armées n'étaient point soldées sous le Directoire. Elles n'avaient ni pain ni vêtement : toute la fortune du pays allait aux fournisseurs. Plusieurs brigades, à l'armée d'Italie, se révoltèrent. Le premier Consul, instruit de ce désordre, fit connaître son mécontentement aux soldats.

Paris, le nivôse an 8 (25 décembre 1799).

A l'armée d'Italie.

Les circonstances qui me retiennent à la tête du gouvernement m'empêchent de me trouver au milieu de vous.

Vos besoins sont grands: toutes les mesures sont prises pour y pourvoir.

Les premières qualités du soldat sont la constance et la discipline la valeur n'est que la seconde.

Soldats, plusieurs corps ont quitté leurs positions; ils ont été sourds à la voix de leurs officiers la dix-septième légère est de ce nombre.

Sont-ils donc tous morts, les braves de Castiglione, de Rivoli, de Neumarck? Ils eussent péri plutôt que de quitter leurs drapeaux, et ils eussent ramené leurs jeunes camarades à l'hon neur et au devoir.

Soldats, des distributions ne vous sont pas régulièrement faites, dites-vous? Qu'eussiez-vous fait si, comme les quatrième et vingt-deuxième légères, les dix-huitième et trente-deuxième de ligne, vous vous fussiez trouvés au milieu du désert, sans pain ni eau, mangeant du cheval et des mulets! La victoire nous donnera du pain, disaient-elles; et vous!... Vous quittez vos drapeaux !

Soldats d'Italie! un nouveau général vous commande '; il fut toujours à l'avant-garde dans les plus beaux jours de votre gloire. Entourez-le de votre confiance: il ramènera la victoire dans vos rangs.

Je me ferai rendre un compte journalier de la conduite de tous les corps, et spécialement de la dix-septième et de la

Masséna,

soixante-troisième de ligne; elles se ressouviendront de la confiance que j'avais en elles. BONAPARTE.

Le général Bonaparte signala son entrée au pouvoir par un acte de modération qu'il a renouvelé depuis en toute circonstance, sans pouvoir dissiper des préventions encore trop répandues et que le moin. dre examen aurait déjà fait disparaître, si l'on prenait soin d'examiner, et s'il n'était pas plus aisé de décider que de se former une opinion par une étude tant soit peu attentive des faits.

Il écrivit au roi d'Angleterre et à l'empereur d'Autriche pour leur proposer la paix.

On disait, il est vrai, et cela se répète encore gravement de nos jours, que ces propositions n'étaient pas sincères ; qu'elles ne l'ont jamais été ; que ce n'était qu'un moyen de donner le change à l'esprit public, un acte de pure bienséance envers l'opinion qu'au fond plus l'Empereur demandait la paix, plus il désirait la guerre.

Les puissances avaient un moyen bien simple de déjouer cet artifice. C'eût été d'accueillir ces ouvertures, d'en avoir l'air au moins. On aurait su par l'événement, par le plus ou moins de difficultés apportées à la conclusion de la paix, de quel côté était la bonne foi. La négociation aurait montré de quel côté étaient l'ardeur de la domination, l'ambition intolérable, le désir de s'emparer des possessions d'autrui. Comment se fait-il, que, loin de répondre à ces avances on les ait toujours repoussées ouvertement?

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Comment se fait-il, puisqu'on attachait un si grand prix à avoir pour soi les avantages de la modération, que jamais on n'ait prévenu l'Empereur sur ce point; que ce soit toujours lui qui ait fait les premiers pas qu'on n'ait pas cherché à le devancer, ne fût-ce que pour établir d'une manière telle quelle aux yeux de l'Europe l'opinion de cette prétendue modération, et rejeter sur son adversaire tout l'odieux de l'agression? Était-ce donc par sincérité, et pour éviter le reproche qu'on lui adressait à lui-même ?

Toutes les pièces relatives à ces événements ont été publiées depuis 1815. La correspondance officielle de l'Empereur est pleine de ces propositions de paix adressées aux puissances. On a répondu par des accusations, des interprétations. Il eût été mieux de produire une seule pièce, une seule dépêche ayant un caractère authentique, et prouvant qu'on avait désiré sincèrement la paix et fait le moindre effort pour éviter la guerre. Cette pièce, on ne l'a jamais produite.

On opposait, disait-on, les faits aux paroles. Les faits étaient bien simples. On se refusait à traiter. Il fallait combattre. On sait quel était le résultat de la guerre; et quel peut être le résultat de la victoire, si ce n'est la conquête ? On le forçait donc à conquérir; et, lorsque la conquête était accomplie, on l'accusait d'ambition parce qu'il avait conquis, et l'on s'écriait qu'il était impossible de traiter avec lui à cause de son ambition. Il était si naturel aux vaincus d'être disposés à le croire, puisque les vainqueurs eux-mêmes l'ont cru par la suite, qu'on ne voyait pas la nécessité de recourir à d'autres artifices pour paraître modéré. C'est par cette raison sans doute qu'on daignait à peine dissimuler ses motifs lorsqu'on rejetait les propositions du premier Consul ou de l'Empereur. On en donnait de si grossiers, qu'il ne semblait pas qu'on se crût obligé de déguiser son but, et de garder même ces apparences que l'Empereur avait au moins le mérite de conserver.

Ainsi, à la lettre admirable qu'on va lire, le ministère anglais répond, en 1799, au sortir de la Révolution, dans l'état des esprits en France, qu'il ne peut entendre (à des ouvertures de paix que si l'on rétablit la maison de Bourbon, et si la France consent à rentrer dans ses anciennes limites, comme si l'on proposait à l'Angleterre d'abandonner les Indes et de rétablir les Stuarts. C'est ce que répondit M. de Talleyrand, alors ministre des affaires étrangères.

Le même fait se reproduit à toutes les époques du règne de l'Empereur c'est en deux mots son histoire.

Il n'en résulte pas que l'Empereur ait été exempt d'ambition. Si César et Alexandre n'avaient point eu d'ambition, ils n'eussent été ni César ni Alexandre, et le monde ne les admirerait pas.

Il en résulte que cette ambition n'a été ni si emportée ni si excessive qu'on l'a dit, qu'elle a été forcée en quelque sorte par une autre ambition infiniment moins noble, infiniment plus implacable, qui ne tendait à rien moins que la destruction de ce pays pour en partager les dépouilles, comme on avait fait de la Pologne quelques années auparavant. On peut dire que l'ennemi ne se faisait battre que pour envahir, tandis qu'on n'était vainqueur que pour se défendre.

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M. de Maistre, qui n'est pas suspect, appréciant la conduite de la Prusse et de l'Autriche au commencement de la guerre, disait; «< Les puissances prétendent qu'elles ne font la guerre que dans un intérêt « moral et pour dompter la Révolution. Elles ne la font que pour s'agran<dir et profiter de la Révolution. Elles seront vaincues : la Révolution « triomphera. » Ce ne sont pas ses paroles peut-être, et la citation y perd, mais c'est sa pensée qu'on peut voir exprimée dans sa correspondanee avec l'énergie propre à l'auteur.

Telle est la conviction qui nous paraît devoir résulter de ces faits. Cette conviction est déjà ancienne chez nous. Nous l'avons exposée tout entière dans un article sur l'ouvrage de M. Bignon 1, écrit en 1847 et publié dans l'un des recueils littéraires qui paraissaient à cette époque 2. On nous permettra de reproduire plus loin ce travail dont la place se trouve marquée en tête de ces documents, expliquant avec détails les causes de la rupture du traité d'Amiens, et, par suite, celles de la guerre faite à la France jusqu'en 1815.

Bonaparte, premier Consul de la République, à S. M. le roi de la Grande-Bretagne.

Appelé par le vœu de la nation française à occuper la première magistrature de la République, je crois convenable, en entrant en charge, d'en faire directement part à V. M.

La guerre qui, depuis huit ans, ravage les quatre parties du monde, doit-elle être éternelle ? N'est-il donc aucun moyen de s'entendre?

Comment les deux nations les plus éclairées de l'Europe, puissantes et fortes plus que ne l'exigent leur sûreté et leur indépendance, peuvent-elles sacrifier à des idées de vaine grandeur le bien du commerce, la prospérité intérieure, le bonheur des familles? Comment ne sentent-elles pas que la paix est le premier des besoins comme la première des gloires ?

Ces sentiments ne peuvent pas être étrangers au cœur de V. M., qui gouverne une nation libre et dans le seul but de la rendre heureuse.

V. M. ne verra dans cette ouverture que mon désir sincère de contribuer efficacement, pour la deuxième fois, à la pacification générale, par une démarche prompte, toute de confiance, et dégagée de ces formes qui, nécessaires peut-être pour déguiser la dépendance des Etats faibles, ne décèlent dans les États forts que le désir mutuel de se tromper.

La France, l'Angleterre, par l'abus de leurs forces, peuvent longtemps encore, pour le malheur de tous les peuples, en re

'Histoire de la France depuis le 48 brumaire jusqu'à la paix de Tilsitt, et continuée plus tard jusqu'en 1813.

2 La Revue Encyclopédique, juillet 1847. n° 7.

tarder l'épuisement; mais, j'ose le dire, le sort de toutes les nations civilisées est attaché à la fin d'une guerre qui embrase le monde entier.

BONAPARTE.

Ce n'était pas assez de l'invasion, des défaites essuyées de toutes parts; l'administration inepte du Directoire avait encore soulevé la Vendée. L'insurrection recommençait; elle était formidable. L'attention du premier Consul se porta aussitôt de ce côté. Le Directoire avait révolté les esprits par la loi des otages. Cette loi rendait responsable de la conduite des émi grés tous ceux de leurs parents qui étaient restés en France. C'était sur eux qu'on frappait les absents convaincus d'avoir conspiré ou pris les armes contre la France : la loi les menaçait dans leur fortune et jusque dans leur vie. Le premier Consul abrogea cette loi; mais, en même temps qu'il essayait de ramener les esprits par des mesures de conciliation, il en prenait de plus énergiques qui annonçaient sa volonté d'en finir avec l'insurrection. Il envoyait une armée dans la Vendée, et la faisait précéder de cette proclamation.

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Paris, le 8 nivôse an 8 (29 décembre 1799).

Aux habitants des départements de l'ouest.

PROCLAMATION.

Une guerre impie menace d'embraser une seconde fois les départements de l'ouest. Le devoir des premiers magistrats de la République est d'en arrêter les progrès et de l'éteindre dans son foyer; mais ils ne veulent déployer la force qu'après avoir épuisé les voies de la persuasion et de la justice.

Les artisans de ces troubles sont des traîtres vendus à l'Anglais, et instruments de ses fureurs, ou des brigands qui ne cherchent dans les discordes civiles que l'aliment et l'impunité de leurs forfaits.

A de tels hommes le gouvernement ne doit ni ménagement, ni déclaration de ses principes.

Mais il est des citoyens chers à la patrie qui ont été séduits par leurs artifices; c'est à ces citoyens que sont dues les lumières et la vérité.

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